Pour une meilleure organisation des soins de santé en Milieu Pénitentiaire en RDC

ACTUALITE.CD

Par Dr Kalonji Muasa Patoka Guillaume

Faculté de Santé Publique/Université Officielle de Mbujimayi/Kasaï-Oriental / RDC

La prison est considérée comme une disposition d’enfermement et de pénitence, un moyen utilisé pour protéger la société contre les délinquants et les criminels dangereux mais aussi un lieu servant à préparer leurs réinsertions dans la société. Cependant, ses résidents sont et restent des êtres humains. Si l’on peut les priver de leurs droits civils, d’autres droits demeurent, fondamentaux et universels, notamment le droit aux soins de santé (1).  Soigner, c’est entrer dans une relation éthique particulière dont le principe est de « soigner sans juger ».  La décision judiciaire qui prive une personne de sa liberté en l’incarcérant ne saurait le priver de tous ses droits, reconnus à chacun et, en particulier, l’accès aux soins identiques à ceux d’une personne libre (2).

 Pour les organisations des droits de l’homme, les soins de santé restent un droit inaliénable à tout citoyen, peu importe le milieu de vie.  Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les soins de santé en prison doivent être équivalent à ceux dispensés dans la population en général et doivent être prodigués par des prestataires indépendants. Leur organisation et leur dispensation doivent s’inscrire dans une perspective sociétale et être intégrés dans l'ensemble des soins de santé (2,3). En RDC, les soins de santé pénitentiaires sont sous la tutelle de deux ministères, celui de la Justice et celui de la Santé Publique (4). 

C’est à ce titre que nous pensons que la bonne coordination au sein de deux ministères est un idéal pour une bonne prise en charge tant sur le plan organisationnel que du personnel. Définir une norme en personnel à partir d’un ratio international pour ce qui concerne les gardiens (« maton » ou surveillant) mais aussi le personnel de soins : médecins généralistes et spécialistes, infirmiers hospitalier et spécialisés, psychologues, kinésithérapeutes, dentistes, éducateurs, pharmaciens et assistants sociaux. Cette mesure pourrait freiner, dans une certaine mesure, l’abus d’emplois fictifs que connait ce secteur où sévit un nombre impressionnant de prestataires qui ne répondent à aucune norme. On pourrait notamment, en l’absence d’un cadre normatif formel tenir compte du chiffre de la population carcérale de chaque lieu de détention et en déterminer un nombre de prestataires.

Le transfert d’une personne emprisonnée vers un autre centre de détention devrait faire l’objet d’un rapport médical et infirmier pour son nouveau lieu d’emprisonnement. 

En bref, une bonne organisation dans ces structures fermées permettrait une avancée certaine sur le plan tant physique que psychique du prisonnier. C’est ici qu’il faut signaler que la plupart de détenus sortent souvent de milieux défavorisés et marginalisés de la société, et que bon nombre sont affectés par des maladies comme la tuberculose, la gale, la Sarcopsyllose (due au Sarcopsylla penetrans), mycoses de la peau, les maladies sexuellement transmissibles (MST), le virus HIV/SIDA et des troubles psychiques, qui ne sont malheureusement pas toujours détectées ni traitées (3). Une loi pénitentiaire fixant des règles claires entre les deux ministères pourrait être essentielle dans la prise en charge et l’organisation des soins. Selon l’OMS les soins de santé pénitentiaires ne sont donc pas seulement une responsabilité des prisons, ni des organismes d’aides mais de l’ensemble de la société. 

Les politiques dans leurs diversités devraient à chaque fois veiller à ce que le traitement infligé aux détenus soit plus juste conformément aux prescrits internationaux. La prison n’est pas seulement pour les autres elle peut servir aussi -- qui sait ? -- pour des politiciens.