Tata N’longi Biatitudes après le discours de Félix Tshisekedi: « Je sais qu’après avoir détruit le veau d’or, le travail n’est pas fini »

ACTUALITE.CD

Félix Tshisekedi décide de mettre fin à la coalition FCC-CACH. Selon lui, le deal avec son prédécesseur n’a pas permis d’implémenter le programme du gouvernement. Il annonce qu’il désignera dans les jours à venir un informateur pour identifier une nouvelle majorité parce que, dit-il, l’ancienne s’est effritée. Moult réactions sont enregistrées parmi lesquelles celle de l’avocat et écrivain Tata N’longi Biatitudes. 

Tribune.

Kabila n’est pas le seul coupable des errements, des approximations, du manque de vision, de l’amateurisme, de la gabegie dont ont fait preuve Fatshi et son équipe durant ces deux premières années. 

Toutefois, aussi bien factuellement, politiquement et surtout symboliquement, la présence de la figure tutélaire de Kabila dissimulée dans les plis des oripeaux de Félix est un obstacle dirimant pour lancer la révolution politique, culturelle, sociale et économique dont ce pays, qui a génialement depuis plus d’un siècle, construit un faux chaos qui profite à des prédateurs d’ici et ailleurs, ne peut faire l’économie. 

Je soutiens donc cette mise au pas de l’homme de Kingakati. 

Néanmoins, je ne referai pas l’erreur que moi, alors adolescent, avait faite comme des millions de congolais, de croire que Mobutu était le Mal congolais et de penser qu’il suffisait de se débarrasser de lui pour que l’eldorado surgisse au coin d’un rêve. Je sais qu’après avoir détruit le veau d’or, le travail n’est pas fini. Je reste vigilant, chez nous les despotes se succèdent comme les nouvelles versions de l’Iphone. 

Félix s’appuie moins sur une justice au pas ( indépendance, mon œil ! ), une armée finalement pas tant que ça acquis à la cause de son prédécesseur, qu’à une véritable adhésion populaire qui est moins un soutien à sa personne qu’un rejet unanime de celui que certains ont nommé (génialement) « Léopold II » ( à cause de la barbe ? Pas que ! Les similitudes sont saisissantes ). 

Nous sommes un peuple en mal de ciment stable qui nous maintienne uni dans le combat du progrès. Ce ciment là, fait de la répulsion d’un homme qui à défaut d’être le mal congolais en est devenu l’incarnation, c’est un matériau utile comme un autre, je ne vais pas craché dessus, mais insuffisant pour construire. 

Il revient au Chef de l’Etat de nous unir autour des fanions fédérateurs, pour capter les formidables forces qui émanent de ce peuple, la

Formidable énergie qui brûle dans la lave incandescente de notre âme valeureuse. La culture est l’une d’elle, je suis heureux qu’il ait évoqué. 

S’il parvient à obtenir la majorité qu’il convoite, il l’obtiendra, les politiciens congolais, on ne les achète pas, on les loue, et c’est lui le nouveau bailleur, le Président aura entre ces mains, un pouvoir de type présidentiel. En effet, notre régime politique, lorsque le président est le « vrai » chef de la majorité, est un régime présidentiel. J’ai toujours été convaincu que c’est le régime qui nous correspond.  Dès lors, Fatshi a là une véritable occasion de bétonner quelque chose : inventer une façon d’être président, autoritaire, Dieu sait qu’on en a besoin, sans être autocratique, détenteur d’un pouvoir fort, sans être tyrannique, figure tutélaire d’une nation en quête de renaissance sans être le père fouettard et abusif. 

S’il réussit, il aura réussi enfin, ce dont rêve chaque fils, sortir vainqueur du duel à distance avec son père. 

J’ai souvent depuis 2016, prévenu sur le fait qu’il ne fallait pas « sous-estimer » le fils du Sphynx de Limete, comme on a longtemps sous-estimer le Fils du Bonze de Hewa-Bora. Mais moi-même, je n’ai jamais été à l’abri de cette tentation facile, de sous coter, ce garçon bonhomme et enjoué, joufflu comme moi, et bon vivant, tant il ne paie pas de miner dans le rôle du politicien charismatique. Aujourd’hui, je croise les doigts pour ne pas être en train de le sur-estimer, en espérant de lui, rien moins qu’être plus grand que son temps, sa fonction et ses limites d’humain, bref d’être grand à la mesure de ce Congo, grand comme l’a rêvé Lumumba pour chaque congolais.

Bref, je ne vais pas rejoindre les tribunes des applaudisseurs, je ne sais pas vraiment faire ça, j’ai vite des ampoules aux paumes, mais je ne vais pas cracher sur cette opportunité magnifique qu’il nous offre de repartir de l’avant. Je ne vais pas remiser mon esprit critique, parfois caustique, je ne vais pas me taire, fermer les yeux, non. Mais je vais lui donner une chance, et en même temps à nous tous, d’être enfin pour une fois, à la hauteur du Congo. 

C’est mon discours à moi, de lendemain de discours du chef. Je ne parle qu’en mon nom, même pas en celui de mon épouse, qui ne m’a pas mandaté, ni même en celui de ma fille dont je n’ai pu recueillir l’avis, occupée qu’elle est à grandir et à rêver les jours, et à nous faire rêver les jours, sur cette terre qui sera la sienne, et qu’elle trouvera, je l’espère, meilleure qu’aujourd’hui. 

Que Dieu, ou quelque soit le nom qu’on lui donne ou l’absence de nom dont on l’affuble, bénisse le Congo. 

Tata N’longi Biatitudes, 

Écrivain et avocat