Trois rencontres ont été organisées par l’ONG Si Jeunesse savait, Youth Sprint, Habari RDC et COJET en collaboration avec l’ONG internationale IPAS, du 28 au 29 juin. Des jeunes entre 15 et 30 ans ainsi que des adultes entre 31 et 60 ans se sont réunis dans six communes de Kinshasa pour discuter des questions peu évoquées dans la société telles que la sexualité, les avortements et les droits sexuels des femmes.
Ces activités s'inscrivent dans le cadre d’une série d’activités réalisées dans la capitale congolaise sur les mêmes sujets. Dans un premier temps, les jeunes, en majorité des filles, avaient été sensibilisé-es sur leurs droits en santé sexuelle et reproductive (SSR), la clarification des valeurs pour la transformation des attitudes à l’égard des jeunes femmes et adolescentes, de la contraception, l’avortement et parler de l’application Nurse Nisa, avant des échanges et séances des questions-réponses. Les adultes (30 à 60 ans) ont ensuite été invités et soumis aux mêmes exercices. Pour la phase finale, un dialogue intergénérationnel a réuni dans les mêmes lieux les jeunes et les adultes, plus ou moins 25 personnes pour chaque catégorie.
« Je n’ai pas eu la chance d’avoir des parents qui me parlent clairement des questions liées au sexe »
Dans une atmosphère décontractée, les participants ont été invités à énumérer les barrières à une éducation sexuelle des jeunes au niveau des familles. Cultures, tabous, peur, sont les éléments qui ont été évoqués. Dans une salle d’environ 70 personnes (dans certains lieux, le dialogue a attiré plus de public), seule une jeune femme a confié avoir été instruite par sa mère au sujet des périodes menstruelles. Même dans son témoignage, elle a évoqué des informations erronées. Aucune autre personne n’a avoué avoir été intéressée à ce sujet par ses parents et/ou a prodigué des conseils à ses enfants.
Naomie Kafuti, diplômée d’Etat en coupe et couture a participé au dialogue tenu à Bandalungwa. Elle a partagé son moment le plus apprécié de l’activité. « J’ai apprécié le moment où les intervenants ont prodigué des conseils aux parents concernant l’éducation sexuelle dans le cercle familial. Je n’ai pas eu la chance d’avoir des parents qui me parlent clairement des questions liées au sexe. On parle de tabous, de cultures (…) Je crois que les parents qui ont pu participer à ce dialogue avec nous ont pu en saisir l’importance et qu’ils n’hésiteront pas désormais à accorder une importance à ces discussions dans leurs familles respectives, ce qui pourra épargner aux filles des avortements clandestins », affirme-t-elle, 19 ans.
Joy, habitante de Selembao, est mère d’une fillette de 3 ans. Etudiante en deuxième année de graduat à l’Université Pédagogique Nationale, elle estime que « ces enseignements et dialogues ont été utiles pour lui permettre de pouvoir prendre soin d’elle, par des méthodes contraceptives modernes et de poursuivre ses études tout en reprenant le contrôle de son corps et de sa santé car elle sait désormais où trouver la bonne information auprès de la zone de santé la plus proche ».
Autre exercice du dialogue, la traversée de la ligne.Parmi les participants, certaines femmes ont confié avoir été victime d’une coercition conjugale (mon époux m’oblige à contracter des relations sexuelles même lorsque je ne suis pas en forme physiquement ou mon époux s’oppose catégoriquement à mes décisions concernant mon corps, ou encore, j’ai été contrainte à pratiquer un avortement clandestin parce que j’avais 6 enfants et un bébé de 3 mois. Je me suis retrouvée encore enceinte, ont témoigné certaines femmes). Aimée Olenga, Sage-Femme à la maternité de l’hôpital général de Kintambo a exposé autour des droits sexuels des femmes et du protocole de Maputo.
« J’ignorais carrément les conséquences néfastes des avortements clandestins pour les femmes. Je pensais que l’on pouvait décider d’interrompre une grossesse comme on veut et quand on veut. Mais l’intervenante a expliqué les prescrits de la Loi Congolaise et les conditions d’avortements sécurisés selon le protocole de Maputo. Cela a changé ma perception de cette question », a fait Roger Kasongo, un informaticien âgé de 53 ans.
Des prochaines activités
Patience Lisika, Conseiller en engagement communautaire chez IPAS est revenue sur les objectifs dudit dialogue.
« Nous avons organisé cette rencontre entre les plus jeunes et les adultes dans le but de bannir ces tabous qui persistent dans la société congolaise autour des questions de sexualité. Les parents éprouvent beaucoup de difficultés à évoquer ce sujet au sein des familles, ce qui entraîne le fait que les jeunes soient exposés aux informations de la rue, qui ne sont pas sûres. Nous avons saisi cette occasion pour confronter les deux générations pour que le plafond de verre soit enfin brisé. Nous avons notamment parlé des avortements sécurisés selon le cadre légal congolais et selon le protocole de Maputo » .
A chaque niveau, les participants ont été soumis, avant les exposés, aux pré-tests. A l’issue des séances, ils ont tous été soumis aux post-tests. A en croire Monsieur Lisika, les résultats de ces examens seront interprétés et permettront à IPAS de donner une orientation aux prochaines activités. Pour rappel, six zones de santé de Kinshasa ont été impliquées dans ce projet. Notamment Selembao, Bandalungwa, N’djili, Matete, Ngaliema et Limete.
Prisca Lokale