Un nouveau projet visant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes de la maladie à VIH à un stade avancé est lancé à Kinshasa par l’organisation de recherche médicale initiative Médicaments contre les Maladies Négligées (Drugs for Neglected Diseases initiative, ou DNDi, en anglais), en étroite collaboration avec le Ministère de la Santé de la République Démocratique du Congo via son Programme National Multisectoriel de Lutte contre le SIDA (PNMLS).
D'après un communiqué de cette organisation rendue publique ce jeudi 10 juillet 2025, l’objectif est de réduire les décès liés au sida (phase la plus tardive de l’infection à VIH) en renforçant le dépistage précoce et l’orientation des patients pour leur traitement au niveau des structures communautaires appelées établissements de soins de santé. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du projet IMPAACT4HIV (Improved Access to AHD Care and Treatment for HIV), un consortium dirigé par l’Institut Aurum et financé par Unitaid. Le projet vise à améliorer le diagnostic, le traitement et l’accès aux soins pour les personnes vivant avec le VIH à un stade avancé dans six pays qui représentent le quart de la mortalité mondiale liée au VIH.
« La maladie à VIH à un stade avancé est une maladie négligée, avec très peu de financements et recherches visant à améliorer la prévention, le dépistage et le traitement. Beaucoup de ces infections opportunistes sont pourtant traitables mais, les outils pour diagnostiquer et prendre en charge ces infections deviennent de plus en plus difficiles d’accès, surtout dans un contexte de réduction des budgets de santé mondiale. » explique la Dr Justine Odionyi, Responsable VIH chez DNDi.
En 2023, le nombre de personnes vivant avec le VIH en RDC était estimé à 520 000, et le nombre de décès dus à des maladies opportunistes évalué à 11 000. Le projet IMPAACT4HIV vise à inverser cette tendance en identifiant les patients le plus tôt possible et en leur offrant des soins vitaux quel que soit l’endroit où ils se trouvent.
« Nous observons déjà les conséquences des réductions de financement de programmes VIH en RDC, avec des ruptures de stock de tests de dépistage signalées dans plusieurs structures de santé. Sans dépistage et sans traitement effectués le plus tôt possible, des milliers de personnes atteindront un stade avancé de l’infection à VIH. Face au désengagement mondial croissant auquel nous assistons, il est urgent de renforcer les collaborations scientifiques, pour que personne ne soit laissé pour compte face à des infections opportunistes pourtant traitables. », souligne Chirac Bulanga, Directeur de DNDi en RDC
Le projet, d’une durée de trois ans, suit un modèle dit « hub and spoke ». Des agents de santé, issus de neuf structures appelées « spokes », ont été formés pour réaliser des tests CD4 et dépister des infections opportunistes fréquentes comme la tuberculose et la méningite cryptococcique. Ces agents assurent également le début du traitement et accompagnent les patients qui avaient cessé leur traitement. Les cas les plus complexes sont référés à l’Hôpital Boyambi, qui sert de centre de référence, ou « hub ».
« La décentralisation des soins pour les personnes vivant avec le VIH à un stade avancé n’est pas seulement une stratégie, c’est une question de survie. Grâce à ce partenariat en RDC, nous permettons un dépistage plus précoce, des soins plus proches du domicile, et un accompagnement par les communautés elles-mêmes. Ce type d’approche intégrée, portée par les acteurs communautaires, est essentiel pour éviter des décès évitables et bâtir une riposte au VIH plus résiliente. », déclare Remilekun Peregrino, Directrice de projet pour IMPAACT4HIV à l’Institut Aurum.
Des acteurs communautaires (aussi appelés pairs éducateurs) formés dans le cadre du projet assurent un accompagnement psychosocial, un soutien à l’observance thérapeutique et l’accompagnement des patients référés par les spokes vers le hub. Les structures impliquées dans la mise en œuvre du projet sont le Centre de Santé de référence Lisanga, le Centre de Santé de référence Kimia, l’hôpital central de la Police, le Centre de Santé de Référence Maman Pamela, le Centre de Santé de Référence Kasaï, le Centre de Santé de Référence Libondi, l’IST Victoire, l’Hôpital Général de Référence de Kisenso et l’Hôpital Général de Référence de Ngiri Ngiri.
Le projet est mené en collaboration étroite avec la Division Provinciale de la Santé (DPS) et le Programme National de Lutte contre le Sida (PNLS), afin d'assurer une cohérence avec les stratégies nationales de lutte contre le VIH et une coordination au niveau des zones de santé, ainsi qu'avec des organisations communautaires représentant les personnes vivantes avec le VIH (UCOP+, Jeunesse Espoir et RNOAC).
« Le PNLS salue cette initiative, qui arrive à un moment critique pour renforcer notre réponse à la maladie à VIH à un stade avancé. Le projet ouvre une voie d'espoir en rendant les soins plus accessibles, même si nous nous trouvons face à des défis majeurs, comme le risque de rupture de services en raison du gel des financements. », déclare le Dr Don Nzeza, Point Focal VIH avancé du PNLS pour Kinshasa
Le projet mise également sur l’implication forte de la société civile, notamment des associations de personnes vivant avec le VIH, qui déploieront l’approche dite « bon retour aux soins » pour accompagner les patients qui reprendront les soins après les avoir momentanément abandonnés. À la fin du projet à Kinshasa, une évaluation permettra de mesurer les résultats obtenus et d’envisager une extension dans d’autres provinces du pays. DNDi collabore également avec les autorités sanitaires congolaises pour mettre à jour les directives nationales de traitement fondées sur les recommandations de l’OMS. En parallèle, une étude sera prochainement lancée pour évaluer dans la communauté la charge de l’histoplasmose, une infection fongique grave souvent confondue avec la tuberculose, et pour mener des recherches sur les infections bactériennes sévères fréquemment observées chez les personnes vivant avec le VIH à un stade avancé.
À propos de DNDi
L’initiative Médicaments contre les Maladies Négligées (DNDi en anglais) est une organisation de recherche médicale à but non lucratif qui découvre, développe et rend disponibles des traitements pour les populations négligées. DNDi développe notamment des médicaments contre la maladie du sommeil, la leishmaniose, la maladie de Chagas, la cécité des rivières, le mycétome, la dengue, le VIH au stade avancé, la méningite à cryptocoque et l’hépatite C. Ses priorités de recherche incluent les médicaments pédiatriques, la recherche sensible aux questions de genre et les maladies affectées par le changement climatique. Depuis sa création en 2003, DNDi a travaillé étroitement avec des partenaires publics et privés pour développer 13 nouveaux traitements, sauvant ainsi des millions de vies.
Clément MUAMBA