Zone de santé rurale de Walikale au Nord-Kivu : des structures sanitaires pillées par les rebelles de l’AFC/M23 incapables de fonctionner, l’une d’elles décide de fermer provisoirement ses portes

Des lits restés sans matelas au centre de santé de Mutakato
Des lits restés sans matelas au centre de santé de Mutakato

Lors du retrait de leur retrait de la commune rurale de Walikale au début du mois d'avril, les rebelles de l’AFC/M23 ont pillé systématiquement les structures sanitaires dans la région. Dans la zone de santé rurale de Walikale, quatre structures sanitaires ont été dépouillées de tout et peinent à se relancer. Aujourd'hui, la prise en charge médicale des malades devient un sérieux problème.

Centre de santé de Mpofi : des infirmiers sans matériels

A Mpofi, 52 km à l'est de la commune rurale de Walikale, l'infirmier titulaire est à son poste. Il est entouré de ses infirmiers qui reviennent tous de la brousse où ils s’étaient cachés lors de la guerre de l’AFC/M23. Quelques malades sont dans le hangar qui sert de salle de réception.

L'équipe soignante est rentrée et a trouvé tout le matériel médical et tous les médicaments emportés par les rebelles. Elle ne sait  que faire pour la prise en charge des malades présents au centre de santé.

« Les malades sont là, comme vous pouvez le constater, nous n'avons que nos yeux pour les regarder. Nous risquons même de les perdre. Nous faisons comment pendant que tout a été pillé? », se demande l'infirmier titulaire de cette formation sanitaire, les larmes aux yeux.

Au-delà du pillage, les rebelles ont aussi détruit le système solaire qui alimentait la chaîne de froid, avant de casser toutes les portes et fenêtres. Face à cet état, l'infirmier titulaire de ce centre de santé en appelle à une intervention urgente des autorités pour sauver la situation.

Centre de santé de Kumbwa : des lits sans matelas

Un peu plus au sud de Mpofi, se trouve le centre de santé de Kumbwa, situé à 40 km de Walikale centre. Ici, en plus des médicaments et de matériel médical emportés par l’AFC/M23, les matelas sont aussi pillés. L'infirmier titulaire dit avoir ramassé un seul matelas rempli de sang derrière sa structure. Kitwana Misuba Louis indique que même le bistouri est parti. Il n'a rien trouvé à son retour au centre de santé après le passage des rebelles.

« Lorsque nous avons appris qu'ils étaient de retour, nous avons juste fermé les portes et nous sommes partis en brousse. Nous avions tout laissé ici. Mais à notre retour, toutes les portes étaient ouvertes. A l'intérieur, nous n'avons trouvé que la paperasse par terre, tous les médicaments et le matériel médical ont été emportés. Nous ne savons vraiment pas par où commencer. Si je reçois un malade à cette heure, je ne saurai pas le prendre en charge. Je suis là, car il faut seulement qu'il y ait quelqu'un à la permanence. Si vous me demandez juste un comprimé de paracétamol, vous ne l'aurez jamais », affirme-t-il sous un ton de regret.

Pour tenter de sauver la situation, Kitwana Misuba Louis pense que sa structure doit s'endetter auprès des pharmaciens à Walikale afin de relancer les activités de prise en charge médicale des malades, en attendant l'intervention du gouvernement à travers la zone de santé.

Le centre de santé de Mutakato aux apparences trompeuses

Au centre de santé de Mutakato, 25 km à l'est de Walikale centre, seul le bâtiment donne l'air d'une structure sanitaire au standard moderne mais à l'intérieur, tout a été emporté. Ici, même les moustiquaires ont été emportées. L’infirmier titulaire, Akilimali Mubangu Prosper, assis dans son bureau, fait le rapport circonstancié des dégâts enregistré par sa formation médicale. Toutes les portes cassées, les médicaments, les matériels médicaux, les matelas, les moustiquaires et même le kit d’accouchement ont été emportés. Les malades rencontrés sur le lieu dorment sur des cartons mis sur les lits.

« Nous n'avons plus rien. Nous ne pouvons pas refouler les malades. Ceux qui doivent être internés sont obligés de dormir sur ces cartons. Même chose pour les femmes qui accouchent. La maternité est aussi vide. Aucun matelas. Ce que nous faisons ici, après la consultation, nous donnons une ordonnance médicale au malade pour qu'il aille à la pharmacie car ils ne nous ont laissé que les ARV. Je suppose même qu'ils les ont oubliés. Ça c'est vraiment un crime », dit-il en tenant la serrure cassée de la porte du dépôt central.

Le poste de santé de Ngora, sans personnel

Cette structure se situe à 12 km seulement du chef-lieu du territoire de Walikale. C'est ici que l’AFC/M23 soignait ses blessés, selon le chef de ce village. Le poste de santé est fermé. L'infirmier titulaire est parti au bureau de la zone de santé pour remettre son rapport circonstancié aux autorités sanitaires.

Selon le chef de village de Ngora, l'infirmier a décidé de fermer les portes de sa structure car il ne sait pas prendre en charge les cas qui lui arrivent. Il a orienté la population à se rendre à Walikale centre en cas de maladie. Il a promis de rouvrir les portes lorsqu'il aura des produits pharmaceutiques à donner aux malades.

Le bureau central de la zone de santé rurale de Walikale a déployé ses superviseurs sur le terrain pour évaluer la situation, afin de faire un rapport global du calvaire que traversent ces structures sanitaires pillées par les rebelles de l’AFC/M23, rapport à envoyer à la hiérarchie et aux partenaires pour des dispositions utiles.