De la dénonciation de la nomination d’un consul kényan à Goma au premier conseil des ministres avec le gouvernement Suminwa II en passant par l’alerte sur le retard et le manque de financement des scrutins locaux en RDC; la semaine qui vient de s'achever a été riche en actualités. Retour sur chacun des faits marquants avec Consolate Ngoya.
Madame Ngoya, merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?
Consolate Ngoya : Je suis licenciée en biologie médicale, œuvrant à la clinique bondeko. Maquilleuse de formation et entrepreneure en agro alimentaire.
Le gouvernement congolais a dénoncé la nomination d’un consul kényan à Goma et rappelé l’occupation par le M23. Quelle lecture faites-vous de cette situation et de ses implications pour la souveraineté congolaise ?
Cette situation traduit une contradiction majeure : d’un côté, un État étranger cherche à établir une représentation diplomatique dans une ville encore marquée par l’insécurité et la présence de forces rebelles soutenues de l’extérieur ; de l’autre, le gouvernement congolais rappelle à juste titre que l’intégrité territoriale n’est pas encore totalement rétablie. L’ouverture d’un consulat dans une zone en crise peut être interprétée comme une banalisation de l’occupation et une menace pour la souveraineté congolaise. Elle exige donc une vigilance accrue et une diplomatie ferme pour que les intérêts du Congo ne soient pas dilués dans des arrangements régionaux.
Malgré les efforts internationaux pour la paix en RDC, les tueries persistent. Selon vous, quelles conditions doivent être réunies pour aboutir à un accord de paix durable ?
Les accords ne suffisent pas sans un environnement de confiance. Pour une paix durable, il faut :
- Mettre fin au soutien extérieur aux groupes armés (notamment l’appui militaire et logistique).
- Assurer la redevabilité : les crimes graves ne doivent pas rester impunis.
- Renforcer l’autorité de l’État dans les zones libérées, avec des services publics et non seulement des militaires.
- Impliquer réellement les communautés locales et la société civile dans le processus, et pas seulement les élites politiques.
- Garantir une volonté politique sincère des parties congolaises et internationales.
Avec le gouvernement Suminwa II, le Chef de l’État a insisté, lors du premier conseil des ministres, sur la collégialité, l’intégrité et les résultats tangibles. Partagez vous cet espoir ou craignez vous une continuité des mêmes pratiques ?
Le discours du Chef de l’État est porteur d’espoir, mais la population a déjà connu de nombreuses promesses non tenues. Nous restons donc prudents : nous voulons croire à une nouvelle dynamique basée sur la collégialité et l’intégrité, mais nous craignons une répétition des mêmes pratiques de clientélisme, corruption et manque de redevabilité. L’évaluation se fera sur les actes concrets et non sur les discours.
AETA alerte sur le retard et le manque de financement des scrutins locaux prévus en RDC. Selon vous, pourquoi ces élections locales sont-elles cruciales pour consolider la démocratie et la bonne gouvernance à la base ?
Les élections locales sont essentielles car elles permettent :
- De rapprocher les citoyens des décideurs.
- De donner une légitimité aux autorités locales, au lieu de simples nominations politiques.
- De renforcer la participation citoyenne et la transparence.
- D’améliorer la gouvernance à la base et la redevabilité des élus.
Sans elles, la démocratie congolaise reste incomplète et centralisée.
Si ces élections venaient encore à être reportées, quelles en seraient, selon vous, les conséquences pour la confiance citoyenne et la décentralisation ?
Un énième report accentuerait la méfiance citoyenne envers les institutions électorales; le sentiment d’exclusion des populations locales dans la gestion des affaires publiques; le blocage de la décentralisation, qui resterait théorique; Et il pourrait nourrir la frustration, ouvrant la voie à des tensions sociales ou même des contestations violentes.
Lors du Forum FIJADA à Kinshasa, à l’occasion de la journée internationale de la jeunesse, les jeunes ont été appelés à s’impliquer dans le développement durable. Selon vous, quels sont les défis majeurs que la jeunesse congolaise doit relever pour jouer pleinement son rôle ?
Les jeunes doivent surmonter plusieurs obstacles, entre autre, le chômage massif et le manque d’opportunités économiques; le manque d’accès à une éducation de qualité et adaptée aux réalités du pays; la manipulation politique qui réduit leur rôle à celui de figurants lors des campagnes électorales; le faible accès aux financements pour leurs initiatives, ainsi que le désespoir et l’exode qui poussent certains à abandonner le pays ou à tomber dans des activités destructrices.
Certains intervenants ont insisté sur la nécessité pour les jeunes d’innover et de prendre des risques. Pensez-vous que la société congolaise offre réellement cet espace d’initiative ?
En théorie, la société congolaise valorise le dynamisme des jeunes. En pratique, les obstacles sont nombreux : absence de financement, lourdeurs administratives, corruption et manque de soutien institutionnel. Beaucoup de jeunes innovateurs se découragent faute d’accompagnement. L’État et le secteur privé doivent créer un écosystème favorable, avec des incubateurs, des crédits accessibles et un cadre légal protecteur.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka