Bandalungwa, l'une des communes périphériques de la ville de Kinshasa, est en passe de devenir la nouvelle plaque tournante de l’art contemporain congolais. Loin des traditionnelles zones artistiques telles que la commune de la Gombe, c'est ici que l'Espace Bakeli, fondé par un collectif d'artistes et de collectionneurs d’art, a pris racine. Ce lieu, ouvert cette année, offre une vitrine artistique accessible à tous les artistes et à la population.
Loin des projecteurs habituels et des financements souvent réservés aux grandes institutions artistiques, l'Espace Bakeli est avant tout un projet d'indépendance créative. « Nous travaillons avec nos propres moyens », affirme Benoît Bafiba, un des fondateurs de cet espace, insistant sur l'importance de l'autonomie. Ce sont des artistes comme eux, nés dans le terreau vibrant mais parfois négligé de la scène artistique kinoise, qui ont décidé de créer leur propre espace pour promouvoir la culture, la jeunesse, et surtout, les talents locaux.
L'idée de la création de ce centre culturel est née de l'envie de déconstruire la perception de l'art contemporain comme « une activité réservée à une élite, une certaine classe sociale ». Situé au cœur de Bandalungwa, une commune connue pour son histoire culturelle mais presque dissociée de l'art contemporain, l’Espace Bakeli devient ainsi un pont entre les différentes formes d'expression artistique, allant de la peinture à la musique, en passant par la bande dessinée, jusqu’à toucher même la gastronomie.
Cet engagement à faire de l'art un bien commun se traduit aussi par une politique tarifaire inédite. Contrairement aux galeries du centre-ville qui visent souvent une clientèle expatriée ou privilégiée, l'Espace Bakeli a adopté une approche beaucoup plus inclusive, avec des prix adaptés au pouvoir d'achat local.
« Si nous voulons que les habitants de Bandalungwa se connectent avec de l'art, nous devons leur en donner l'envie à travers des œuvres accessibles, des œuvres à des prix abordables, adaptés à leurs moyens », explique Benoît Bafiba.
Loin d'être un simple espace d'exposition, Bakeli est aussi un incubateur de talents. Chaque mois, des appels à candidatures sont lancés, ciblant principalement les jeunes artistes sans moyens d'accéder aux galeries traditionnelles. « Notre espace est ouvert à tous, mais nous voulons particulièrement soutenir ceux qui n'ont pas encore eu leur chance », dit Benoît Bafiba. Cette approche vise à transformer la commune de Bandalungwa en un foyer créatif, où l'art se développe avec et pour la communauté.
Cependant, l’ambition de l’Espace Bakeli n’est pas sans défis. Dans un contexte où le soutien institutionnel fait défaut, le collectif est souvent confronté à des difficultés financières. « Dans notre pays, comme vous le savez si bien, les soutiens vont souvent aux personnes de grande renommée, pas aux projets émergents tels que les nôtres », s’exprime-t-il avec regret. Cette situation compliquée ne les empêche pourtant pas d'avancer dans leur projet, guidés par une détermination farouche de redéfinir le paysage artistique local.
L’Espace Bakeli prévoit, à partir du 7 novembre prochain, une nouvelle exposition intitulée « Art pour tous, tous pour l’art ». Au total, 14 artistes congolais y prendront part, avec une programmation d’événements allant des panels de discussion à des soirées dédiées à la Rumba, en passant par des séances de coaching pour enfants. Cette exposition sera une occasion pour l’Espace Bakeli de prouver que l’art, même loin des centres névralgiques, peut être une force pour la communauté.
James M. Mutuba