Par Mabiala Ma-Umba
En 2026, lors du prochain Sommet de la Francophonie prévu au Cambodge, les Chefs d’Etat éliront le prochain Secrétaire général de la Francophonie qui remplacera la rwandaise Louise Mushikiwabo. La République Démocratique du Congo (RDC) a toutes les chances de produire le prochain Secrétaire général de la Francophonie, à condition de présenter la candidature d’un homme ou d’une femme jouissant d’une crédibilité et d’un rayonnement indéniables, sur le plan international, dans le monde francophone et au-delà.
Le Secrétaire général de la Francophonie a rang de Chef d’Etat. Aujourd’hui, les États membres recherchent un Secrétaire général qui saura redonner à la Francophonie ses lettres de noblesse, sur les pas du Président Abdou Diouf. Les États membres recherchent un Secrétaire général qui ne soit pas nécessairement un ancien Chef d’État mais qui soit une personnalité inspirante, reconnue mondialement pour son engagement en faveur de l’humanité, de la paix, de la démocratie, des droits de l’homme, de la bonne gouvernance, respecté aussi bien par les Chefs d’État que par les citoyens ordinaires…
Un homme ou une femme qui inspire confiance et respect.
Le Secrétaire général est la clef de voûte des institutions de la Francophonie. Il remplit ses fonctions de manière indépendante, au service de l’ensemble des États membres ! En tant qu’organisation multilatérale, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est un lieu de confrontation des intérêts divers, comme aux Nations Unies ! Chaque Etat membre y va pour défendre ses intérêts. Le Secrétaire général de la Francophonie joue, plus ou moins, le rôle de « facilitateur » pour aider les Etats membres à arriver à des consensus sur des questions d’intérêt commun. Ce sont les États membres qui décident. A l’OIF, les décisions se prennent habituellement et de préférence par consensus. Le poste de Secrétaire général de la Francophonie exige donc de grandes capacités d’écoute vis-à-vis des Etats membres mais le Secrétaire général lui-même doit être un homme ou une femme crédible, qui inspire confiance et respect…
Bien que l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), ancêtre de ce qui est aujourd’hui l’OIF, ait été fondée en 1970, on considère que c’est Boutros Boutros Ghali qui a été le premier Secrétaire général de la Francophonie.
C’est avec sa prise de fonction en 1997 que l’OIF a pris un tournant politique majeur en devenant une organisation intergouvernementale de dialogue politique sur le modèle des Nations Unies. A l’époque, les Chefs d’Etat, sous l’impulsion du Président français Jacques Chirac, tenaient à confier cette « nouvelle structure internationale » à un homme rôdé et dont le rayonnement international n’était plus à démontrer. Boutros Boutros Ghali venait de terminer son premier mandat de Secrétaire général des Nations Unies. Il n’avait pas démérité mais il était en froid avec les Américains. Boutros Boutros Ghali était l’homme idéal pour donner à l’OIF une envergure politique internationale. À la fin du mandat de Boutros Boutros Ghali, la question de sa succession s’est posée, dans les mêmes termes : qui avait suffisamment de « poids » et d’envergure internationale pour continuer à propulser l’OIF comme une organisation intergouvernementale crédible et capable de mobiliser des Chefs d’État ?
Hasard du calendrier politique international : le président Abdou Diouf venait de perdre les élections présidentielles au Sénégal. Beau joueur, il avait accepté sa défaite avec fair-play, contrastant avec l’attitude de nombreux Chefs d’État africains qui voulaient à tout prix s’accrocher au pouvoir ! L’envergure du Président Abdou Diouf n’était plus à démontrer : c’est un grand Homme d’Etat ! C’est ainsi que le Président Abdou Diouf est devenu le deuxième Secrétaire général de la Francophonie, indépendamment de son origine géographique. Il a fait trois mandats à la tête de la Francophonie.
À son départ, en 2014, le jeu était ouvert. J’ai eu la chance de suivre de l’intérieur les péripéties liées au choix de son successeur. Plusieurs candidats étaient en lice dont Pierre
Buyoya, ancien Président du Burundi et Henri Lopez, ancien Premier Ministre du Congo Brazzaville. À l’OIF, les décisions se prennent habituellement et préférablement par consensus. Entre Pierre Buyoya et Henri Lopez, les États membres étaient loin d’arriver à un consensus. C’est ce qui a permis à Michaëlle Jean de se présenter comme une candidate consensuelle, fruit de la synthèse entre le Nord et le Sud, entre le Canada, son pays d’adoption et Haïti, son pays d’origine. En plus, Michaëlle Jean présentait l’avantage d’avoir été Gouverneure générale du Canada, c’est-à-dire Chef de l’Etat.
En 2018, vers la fin de son premier mandat, beaucoup d’observateurs étaient convaincus que Michaëlle Jean aurait un deuxième mandat quand, de façon inattendue, est apparue la candidature de la Ministre rwandaise des Affaires Etrangères Louise Mushikiwabo, soutenue par la France et l’ensemble des pays francophones d’Afrique.
Le critère de rotation géographique n’est pas déterminant.
Il y a six grandes régions géographiques au sein de l’OIF : l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique du Nord et le Moyen Orient, l’Europe centrale et orientale, l’Asie du SudEst et les Amériques. Jusqu’à présent, pour la désignation du Secrétaire général de la Francophonie, le critère de rotation géographique n’a pas réellement été pris en compte ! Il n’est pas dit que cela ne sera pas le cas lors de prochaines élections.
Au-delà des individus, il y a de plus en plus des voix qui s’élèvent pour souligner que, du point de vue démographique, l’avenir de la Francophonie se trouve en Afrique, en particulier en RDC et qu’il serait souhaitable que le prochain Secrétaire général de la Francophonie vienne de la RDC. L’élection d’un Congolais ou d’une Congolaise au poste de Secrétaire général de la Francophonie serait, sans aucun doute, une fierté pour la RDC et l’ensemble des Congolais…
Rappelons que le poste de Secrétaire Général de la Francophonie est ouvert « à tout(e) ressortissant(e) d’un État ou gouvernement membre de plein droit remplissant les critères suivants : posséder les plus hautes qualités de compétence, de qualification, d’expérience et d'intégrité ; avoir exercé les fonctions de Chef (-fe) d’État ou de gouvernement ou d’autres fonctions officielles importantes dans l’État ou gouvernement dont il ou elle est ressortissant(e), ou encore avoir occupé une fonction de responsabilité à la tête d’une organisation internationale ou régionale ; avoir fait la preuve de son engagement en faveur des valeurs et priorités énoncées dans la Charte de la Francophonie. »
La candidature au poste de Secrétaire général de la Francophonie n’est pas individuelle. Elle doit être portée par un Etat ou un gouvernement membre. Qui sera le candidat de la RDC à ce prestigieux poste ?
MABIALA Ma-Umba
Expert-consultant indépendant - Ancien directeur de l’éducation et de la jeunesse à l’OIF (243) 82 2628 494 (WhatsApp)