Six mois se sont écoulés depuis que le mouvement rebelle AFC/M23, soutenu militairement par le Rwanda, a pris le contrôle de la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. C’est pratiquement le 27 janvier que Goma tombait entre les mains des rebelles après de rudes combats contre les forces gouvernementales appuyées notamment par des mercenaires européens. Depuis, tout avait changé dans la vie des gomatraciens. A l’occasion de ce semestre totalisé dans un mode de vie particulier marqué entre autres par l’absence des services bancaires, ACTUALITÉ.CD a interrogé certains habitants de Goma qui témoignent d’une régression énorme dans tous les secteurs de la vie depuis cette occupation.
Bien que la vie ait repris dans une certaine mesure, l'économie locale peine à se redresser. Les banques et autres institutions financières restent toujours fermées. Avant la prise de Goma, l'argent liquide avait été acheminé à Kinshasa, laissant les habitants dans une situation de pénurie.
Les produits alimentaires arrivent en quantité suffisante depuis les villages voisins, mais les habitants de Goma, sans accès à leurs économies, ne peuvent pas acheter ces denrées.
Dans les marchés, comme celui de Virunga, les vendeurs font face à de gros défis. Madame Aline Bihango Neema, vendeuse d'épices, explique que la clientèle a diminué en raison de la non circulation de l'argent et que les nouvelles taxes imposées par les rebelles de l'AFC/M23 rendent la situation encore plus difficile. Le coût des taxes est passé de 10.000 FC à 20 dollars américains par mois, une charge insoutenable pour plusieurs entrepreneurs locaux.
« Les taxes dans ce marché sont devenues très nombreuses. Il suffit de faire venir un colis ici pour qu’il faille déjà payer une taxe. Chaque jour, nous sommes obligés de payer 500 francs congolais, que nous ayons vendu ou non. Même les petits commerçants doivent s’en acquitter. Avant, cette taxe était de 200 francs, mais aujourd’hui, on nous demande de payer 500 francs, alors que notre situation financière est de plus en plus difficile. Et pourtant, nous n’avons pas le choix. Nous devons payer cette taxe directement aux agents du M23. Si vous ne payez pas, vous vous exposez à des coups de fouet. L'argent circule difficilement, je n'arrive plus à écouler mes marchandises comme avant. Les clients se font rares à cause de la fermeture des banques », a-t-elle confié.
Au marché Maman Olive Lembe communément appelé « Marché Alanine », madame Jeannette Kahambu, spécialisée dans la vente d'huile de palme, a du mal à s'acquitter d'une taxe de 2 dollars par semaine. Elle appelle à l'aide de nouvelles autorités pour alléger cette charge.
« Aujourd'hui, nous vivons à Goma comme si nous n’étions pas dans notre propre pays. C’est devenu un véritable calvaire depuis l’arrivée du M23 dans la ville. On nous impose de payer une taxe de 2 dollars par semaine, mais personnellement, je suis dans l’impossibilité de réunir cette somme. Je n’ai pas de travail actuellement. Nous passons presque toutes nos journées à la maison, sans activité. On se demande alors : où allons-nous trouver ces 2 dollars chaque semaine ? Nous manquons même de quoi manger, et pourtant, on nous demande encore de payer une taxe d’assainissement. Je demande aux nouvelles autorités de nous venir en aide et de renoncer à cette taxe, car c’est en grande partie à cause des récents bouleversements que nous nous retrouvons sans emploi », a-t-elle déclaré.
Malgré l'incertitude économique, les habitants font preuve de résilience. Certains ont développé de nouvelles activités commerciales pour assurer leur survie. Les écoles ont pu clôturer l'année scolaire 2024-2025 il y a deux semaines. De plus, la navigation sur le lac Kivu entre Goma et Bukavu a repris, mais l'aéroport demeure fermé, restreignant les échanges commerciaux avec d'autres villes et pays.
Patrick Bashombana, ancien manutentionnaire à l'aéroport de Goma, exprime son espoir de retrouver son emploi. Il est motivé surtout par les pourparlers en cours entre le gouvernement congolais et les rebelles et avec le début des travaux de déminage à l'aéroport de Goma.
« Je travaillais à l’aéroport de Goma, mais depuis que la ville est tombée entre les mains du M23, l’aéroport a été fermé. Je suis maintenant au chômage à cause de cette situation. Je passe presque toutes mes journées soit à la maison, soit dans le quartier, je n’ai plus rien à faire. Aujourd’hui, il m’est difficile de subvenir à mes besoins. Mais récemment, j’ai appris que des travaux de déminage avaient commencé à l’aéroport. De plus, avec les discussions en cours à Doha entre notre gouvernement et le M23, on espère pouvoir bientôt reprendre le travail », a-t-il confié.
Malgré des poches d'insécurité, Goma n'est plus militarisée. Les nouveaux chefs surveillent les mouvements armés. Cependant, la situation sur le terrain reste fragile, avec des combats se poursuivant dans d'autres zones du Nord-Kivu. L’AFC/M23 continue de consolider son pouvoir, ayant récemment conquis plusieurs entités dans le territoire de Masisi, où des combats récents ont permis la prise des localités dont Showa, Mulema, Luke et Katobotobo dans le groupement Bafuna.
Actuellement, cinq des six territoires de la province du Nord-Kivu, dont la ville de Goma, sont occupés par les rebelles, qui continuent de renforcer leur administration, malgré les appels au retrait et les efforts diplomatiques en cours.
Josué Mutanava, à Goma