La République démocratique du Congo (RDC) devrait prendre des mesures urgentes pour lutter contre la traite des personnes, qui touche particulièrement les femmes et les enfants, et garantir la responsabilité des auteurs. Telle est la recommandation de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, Siobhán Mullally à l'issue de sa visite officielle de dix jours en République démocratique du Congo soit du 15 au 25 juillet 2025.
« La traite d'enfants liée au conflit par les groupes armés persiste en toute impunité et atteint des niveaux alarmants, avec des conséquences dévastatrices pour les enfants et l'avenir de la RDC. Il est urgent d'agir pour mettre fin à ces graves violations des droits des enfants et garantir l'accès des victimes à la justice et l'établissement des responsabilités. La traite des êtres humains est utilisée stratégiquement par les groupes armés pour contrôler, terroriser et déplacer les communautés. La traite des femmes et des filles à des fins d'exploitation sexuelle et d'esclavage sexuel est répandue et systématique, et est liée à des niveaux alarmants de violences sexuelles liées aux conflits », a déclaré dans un communiqué Siobhán Mullally, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, dans une déclaration à l'issue d'une visite officielle dans le pays.
Elle a déploré le fait que le recrutement et l’utilisation d’enfants ont augmenté, avec des rapports faisant état d’exploitation d’enfants pour les utiliser dans des rôles de combat et de soutien, d’exploitation sexuelle, d’esclavage sexuel et de réduction en esclavage, de travail des enfants et de mariage forcé. À l'en croire, l'intensification et la normalisation de la traite liée aux conflits à des fins d'exploitation sexuelle, de recrutement et d'utilisation d'enfants constituent une préoccupation grave et urgente.
"L'assistance et la protection des victimes dans les zones de conflit sont très limitées, tandis que l'insécurité et les graves violations des droits humains, notamment la traite des êtres humains, persistent. Les pénuries de fournitures médicales essentielles persistent. La traite des êtres humains liée aux conflits ne se produit pas isolément. Elle reflète une exploitation sexuelle systématisée, des inégalités entre les sexes et une protection insuffisante de l'enfance. Les enfants des rues, les enfants handicapés, les enfants autochtones et les enfants vivant dans la pauvreté sont très exposés à toutes les formes d'exploitation", a-t-elle fait remarquer dans le communiqué sanctionnant la fin de sa visite en RDC.
Madame Siobhán Mullally a exprimé sa vive préoccupation face à la persistance de la traite des enfants dans le secteur minier, liée à la faiblesse de la réglementation des chaînes d'approvisionnement et des mines artisanales.
« La corruption dans l'administration de la justice permet à la traite des enfants à des fins de travail forcé de persister en toute impunité. La traite des jeunes femmes et des filles à des fins d'exploitation sexuelle est répandue dans les zones entourant les sites miniers, reflétant des inégalités de genre et une pauvreté profondément enracinées », a déclaré Mullally.
Madame Siobhán Mullally, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la traite des êtres humains a noté que l’exploitation illicite des ressources minérales, notamment par des acteurs étatiques et des entreprises étrangères, continue d’alimenter les conflits armés et d’exacerber les vulnérabilités, notamment les déplacements forcés, le travail forcé, le travail des enfants et l’exploitation sexuelle.
Elle a également tiré la sonnette d'alarme quant au fossé grandissant en matière de protection résultant des coupes drastiques dans l'aide humanitaire et au développement, dans le contexte du retrait anticipé de la MONUSCO.
« La réduction des financements a déjà eu des répercussions tangibles sur la prestation de services. Il est essentiel de maintenir et de renforcer les systèmes d'alerte précoce et d'assurer une surveillance continue des droits humains, des signalements et des enquêtes sur les violations liées à la traite », a déclaré l'experte.
Et de poursuivre :
« Les négociations de paix en cours doivent s'attaquer aux causes profondes du conflit, notamment la pauvreté intergénérationnelle, les normes sociales patriarcales, l'exploitation illégale des ressources et l'impunité persistante des violations graves du droit international des droits de l'homme et du droit humanitaire. La responsabilisation des auteurs de traite est essentielle pour parvenir à une paix juste et durable ».
Durant son séjour en RDC, la Rapporteuse spéciale a examiné la situation de la traite des enfants et de la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle, d'exploitation par le travail, de servitude domestique et de criminalité forcée. Elle a évalué également les risques liés aux conflits, notamment la traite comme forme de violence sexuelle en temps de conflit, le travail forcé, le recrutement et l'utilisation par les groupes et forces armés. La Rapporteuse spéciale présentera son rapport complet au Conseil des droits de l’homme en juin 2026.
Au mois de juillet 2024, une dizaine d’experts indépendants des Nations Unies se sont dit alarmés par les informations faisant état d’une traite généralisée des personnes, en particulier à des fins d’esclavage et d’exploitation sexuels, ainsi qu’une augmentation des mariages d’enfants et des mariages forcés, en raison du conflit et des déplacements de population dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Selon les experts onusiens, au moins « 531 victimes de violences sexuelles » liées au conflit ont été répertoriées d’août 2023 à juin 2024, dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de l’Ituri, du Tanganyika et du Maniema. Les experts indépendants des Nations Unies se sont également inquiétés de la « hausse » des mariages d’enfants, des mariages précoces et des mariages forcés, ainsi que de « la normalisation » de cette violation des droits de l’homme.
Clément MUAMBA