Théâtre: Parallèles : le voyage introspectif d'une Française en RDC, de la page à la scène

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Julie Grimoud présente "Parallèle" en théâtre

De la littérature au théâtre, Julie Grimoud retrace son parcours dans « Parallèles », à travers un spectacle adapté de son livre portant le même nom. Cette pièce, à la fois poétique et introspective, met en scène le périple d’une Française en République Démocratique du Congo (RDC), naviguant entre les méandres du Kwilu et du Kwango, où se croisent histoires personnelles, familiales, nationales et internationales.

Arrivée à Kinshasa en 2019, Julie Grimoud, auteure et metteure en scène de « Parallèles », présente à travers ce théâtre une réflexion sur son expérience de vie dans un pays bien différent du sien. Sa pièce, inspirée de son livre éponyme publié en mars 2024, raconte un voyage physique qui s’avère tout autant intérieur. La route parcourue, aux côtés de trois natifs congolais, devient le fil conducteur où la mémoire prend vie, interrompant sans cesse le récit pour faire ressurgir l'oublié, ces fragments de l’histoire qui hantent les récits nationaux comme intimes.

Le parcours qu’elle décrit dans « Parallèles » est marqué par une expédition marquante en 2022 à moto, de Kikwit à Feshi, dans la province du Kwango, aux côtés d'un ami artiste congolais. Ce voyage, dont la route chaotique a symbolisé pour Grimoud une voie parallèle entre son passé et son présent, l’a menée à réexaminer ses souvenirs d’enfance en France et à faire des liens profonds entre ces mémoires, celles de sa famille et les histoires collectives du Congo et de la France.

« Quand je suis arrivée à Kinshasa, j’attendais ma langue francophone et, dans ma langue, j’ai attendu d’autres langues ; déjà, les parallèles étaient là. Donc, Parallèles est le fruit d’un trajet que j’ai effectué en 2022 dans la province du Kwango avec un ami artiste congolais. Ce trajet a été très fort pour moi parce qu’on s’est perdus, la route était longue, et j’ai eu l’impression, à un moment, d’être sur une route parallèle », explique Julie Grimoud.

Et d’ajouter :

 « En même temps que nous parcourions cette longue route vers Kikwit à moto, j’ai ressenti des échos d’un paysage de mon enfance en France, où j’ai grandi. Ce sont des parallèles entre ma mémoire, les souvenirs qui me revenaient, la mémoire de ma famille, ainsi que celle des récits nationaux français et congolais, qui sont souvent incomplètes ».

Cette réflexion se déploie à travers des tableaux riches en émotions, soulignant la rencontre de cultures, de langues et de trajectoires humaines souvent discordantes mais étrangement reliées.

D’un livre poignant à un spectacle percutant

En mars dernier, la sortie de son ouvrage avait déjà capté l’attention du public littéraire congolais. Pas un livre anodin, « Parallèles » est toute une carrière, une histoire : celle de son auteure qui, après plusieurs épreuves, a décidé enfin de coucher sur un livre de plus de 160 pages les expériences de sa vie dans une terre congolaise bien plus lointaine que sa France natale.

C’est au mois d’octobre que la dimension théâtrale de « Parallèles » a vu le jour, lors d’une première représentation le 5 octobre dernier à l’espace Ntongo Elamu à Kinshasa. Ce premier acte n’a pas manqué de toucher les spectateurs, captivés par la profondeur du texte et la mise en scène minimaliste mais percutante.

« J’ai assisté non pas uniquement à une représentation théâtrale mais bien à une performance artistique. Une performance d'une grande beauté. D'une grande émotion aussi. La pièce s'adresse aux néophytes comme aux connaisseurs. Nul besoin d'avoir lu l'essai ou d'aimer le théâtre. Il suffit d'écouter et de regarder. De percevoir et de ressentir », s’exprime Sophie, docteure en sciences et techniques des arts, analyste de cinéma et scénariste.

Le spectacle, dirigé par Julie Grimoud elle-même, met en lumière son jeu d’actrice, accompagné des talents de Ta-Luyobisa Luyobisa, Samuel Mwani et Junior Nkubumunu Wumpengidio. La scénographie, simple mais évocatrice, permet au texte de prendre toute sa place, où la poésie dialogue avec la critique sociale et où le personnel se mêle au politique.

« La pièce de Julie Grimoud est très poignante et émouvante. Elle met en lumière les sensations et impressions qu’on peut ressentir lorsqu’on arrive sur une terre inconnue mais surtout elle nous renvoie à notre propre parcours intérieur. Elle libère ses non-dits familiaux, revisite ses valeurs et remet en cause les rapports Nord-Sud, parfois avec brutalité mais toujours avec ses propres mots », dit Carline.

« Parallèles », un trajet théâtral loin d’être fini

Le chemin théâtral de « Parallèles » est loin d’être achevé. Il poursuivra sa route à Kinshasa, le samedi 2 novembre prochain à 18h30 au Centre culturel Aw’art à Bandal. Cette nouvelle représentation permettra au public de redécouvrir une histoire où les frontières, qu’elles soient géographiques ou psychologiques, se brouillent et se redéfinissent à chaque étape du parcours.

L’œuvre de Grimoud rappelle que les voyages ne sont pas seulement des mouvements dans l’espace, mais des traversées de la mémoire, du passé et du présent. « J’écris au cœur de la nuit, non plus le "cœur des ténèbres" de Conrad, des ténèbres géographiquement lointaines, mais les miennes, un entremêlement de rêves, de terreurs, de résistances, de fantômes qui se lèvent », déclare-t-elle.

Le spectacle « Parallèles » promet donc d’être une expérience cathartique, où chaque spectateur pourra se reconnaître dans ces histoires de trajectoires croisées, sur fond de quêtes personnelles et collectives.

James M. Mutuba