En RDC, les mineurs de TFM appellent Kinshasa à la responsabilité

TFM
Ph. droits tiers

Communication

Alors que le conflit entre l'Etat congolais et le groupe chinois CMOC semble dans l'impasse, l'intersyndicale du site minier tenait, ce mardi, une conférence de presse afin de demander au gouvernement de lever les restrictions pesant sur les exportations de cobalt. Une question de vie ou de mort pour cet immense site industriel, qui fait vivre toute une région et contribue très largement aux finances publiques locales et nationales de RDC.

Du cobalt sera-t-il un jour à nouveau exporté depuis la mine de Tenke Fungurume Mining (TFM) ? Le site minier, localisé dans la province de Lualaba, à l'extrême sud de la République démocratique du Congo (RDC), est à l'arrêt depuis le milieu du mois de juillet 2022. Plus précisément, ce sont les exportations en provenance de la mine congolaise qui sont, de fait, interrompues depuis huit mois. Plusieurs dizaines de milliers de tonnes de cuivre et de cobalt, d'une valeur estimée à plus de 1,5 milliard de dollars, s'entassent donc sur le site depuis cette période. Alors que l'intersyndicale avait, mardi 7 mars, convoqué les médias pour une conférence de presse organisée sur place, retour sur un conflit qui dépasse, de loin, les seuls enjeux miniers et industriels des acteurs en lice.

Aux origines du conflit

La crise débute donc au cours de l'été dernier, lorsque les autorités congolaises qui, via la société publique Gécamines, détiennent 20% de TFM (les 80% restants appartenant au groupe chinois CMOC, qui exploite la mine), déclarent soupçonner l'industriel d'avoir sciemment sous-estimé les réserves de TFM afin de minorer les redevances dues à la Gécamines. Des accusations graves, immédiatement démenties par la société chinoise. Si CMOC affirme poursuivre normalement le cours de ses opérations sur le site de TFM, les exportations de minerais sont bel et bien stoppées net depuis la mi-juillet et nul ne semble savoir, à l'heure actuelle, quand elles pourront reprendre, ni même si elles reprendront un jour.

L'immense mine de TFM n'est donc pas formellement à l'arrêt, mais une atmosphère pesante plane sur la région de Lualaba et ses habitants. Sans possibilité d'exporter le cobalt et le cuivre extraits du sous-sol congolais, CMOC engloutit en effet des sommes colossales dans l'entretien et le fonctionnement quotidien des installations de TFM. Si aucune porte de sortie n'est rapidement trouvée, le groupe pourrait tout bonnement annoncer la cessation de ses activités en RDC, et mettre la clé sous la porte de la deuxième plus grande mine de cobalt au monde. En attendant une hypothétique reprise des exportations, les signaux d'alerte se multiplient : prévu de longue date, le chantier d'expansion du site de TFM a ainsi été officiellement mis sur pause le lundi 6 mars – le premier d'une longue liste de projets avortés ?

Un site inestimable pour l'économie et la société congolaises

Car TFM n'est pas qu'une mine parmi d'autres. Hors-norme, le site n’emploie pas moins de 17 000 salariés et sous-traitants, dont 90% sont d'origine congolaise – et ce sans compter les innombrables PME, artisans et entrepreneurs dont l'activité repose plus ou moins directement sur la mine. Autant de citoyens – et leurs familles – qu'une fermeture définitive de TFM plongerait dans la précarité. Si le soutien financier de CMOC a, jusqu'à présent, permis à TFM de continuer de rémunérer ses employés, rien n'indique que le groupe puisse indéfiniment assurer la survie financière de tout un bassin d'emplois. L'entreprise chinoise s'est déjà résolue à suspendre plusieurs projets d'infrastructures communautaires bénéficiant à l'ensemble de la population : l'école, la clinique ou la nouvelle route promises attendront.

Délétère au niveau local et régional, la suspension des activités de TFM est également lourde de conséquences sur le pays tout entier. Au terme des trois premiers trimestres de l'année 2022, TFM a ainsi payé l'équivalent de 924 millions de dollars en impôts et taxes, contribuant, par exemple, à plus du tiers (35%) des recettes de la seule province de Lualaba. Et, depuis le début du conflit opposant TFM à la Gécamines, la ville de Fungurume, qui jouxte la mine, aurait enregistré une baisse de 90% de ses projets de développement, tout en s'avérant incapable de payer ses propres fonctionnaires. En d'autres termes, la poursuite du conflit pourrait signer l'arrêt de mort de toute une région et précipiter ses dizaines de milliers d'habitants dans un cataclysme socio-économique historique.

L'intersyndicale monte au créneau

C'est pour alerter sur cette situation, qu'ils n'ont ni voulue ni provoquée, que les syndicats de TFM ont tenu une conférence de presse inédite ce mardi 7 mars. Réunie à Kolwezi, l'intersyndicale a solennellement appelé le gouvernement congolais à lever sans délai les restrictions pesant sur les exportations. Dénonçant ce qui s'apparente, selon lui, à une véritable « prise d'otage », le chef de la délégation syndicale a exhorté les autorités de RDC à entendre la peur et la « grande détresse » des travailleurs de TFM : « notre appel à l'aide d'aujourd'hui est (…) celui de la dernière chance », a encore lancé le leader syndical, qui a estimé que les employés de la mine et leurs familles étaient « les principales victimes de cette histoire ». Et les mineurs de rappeler aux dirigeants de Kinshasa, la lointaine capitale de la RDC, leur promesse de se préoccuper du sort de tous les habitants du pays, quelle que soit leur région d'origine. L'appel sera-t-il entendu ?

AG Media