Responsables du secteur minier dans le Grand Nord, cadres de l’administration publique, représentants de services étatiques et acteurs locaux ont entamé ce mercredi 9 juillet 2025 à Beni (Nord-Kivu), un forum axé sur la gouvernance minière, dans une région infestée par des groupes armés qui sont à la base de l’exploitation illicite et du trafic des minerais.
Ces assises ouvertes par le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Evariste Somo, sont censées identifier des pistes concrètes pour améliorer la gestion du secteur minier, notamment artisanal envahi par des milices et des étrangers non identifiés.
Le gouverneur a d’ailleurs fait un constat préoccupant évoquant « la fraude, la contrebande et l’absence de traçabilité » comme les principaux défis à relever dans l’exploitation artisanale des minerais, en particulier l’or dans le Grand-Nord de la province du Nord-Kivu.
« Le secteur minier pris dans sa globalité est porteur d’un espoir pour notre pays. Malheureusement, il est resté l’un des secteurs les plus à défis particulièrement en ce qui concerne l’exploitation artisanale », a-t-il déclaré.
Il a évoqué notamment l’exploitation artisanale de l’or dans des localités comme Manguredjipa, Bandulu, Bunyatenge, Utunda, Luberike, Wasa, Itebero, où « les problèmes de traçabilité, de flux financiers illicites, de non-application des normes de l’OCDE et de manque d’unités de transformation persistent ».
Des tonnes de minerais échappent chaque année au contrôle de l’État, privant le trésor public de ressources importantes, a-t-il déploré.
Le gouverneur a aussi souligné le décalage entre le cadre légal existant et sa mise en œuvre sur le terrain tout en appelant à une clarification du rôle de chaque acteur dans la chaîne minière, y compris dans l’exploitation industrielle.
« Tous ces problèmes influent négativement sur les recettes publiques de l'État voire même sur la crédibilité de l’Etat au niveau international… La problématique de la gouvernance en secteur minier suscite plusieurs interrogations. Quel est le potentiel minier de la province ? Qu’est-ce que nous voulons de nos minerais d’exploitation artisanale ? Où va l’or exploité dans les localités au Grand-Nord ? ».
Ces interrogations du gouverneur Somo tombent quelques jours seulement après la publication d’un rapport du groupe d’experts des Nations-Unies qui évoque notamment la problématique du trafic des minerais dans la région, notamment l’or. Le rapport parle d’une contrebande qui s’est installée notamment dans la région de Beni et de l’Ituri qui alimentent l’industrie Ougandaise. Parmi les acteurs pointés, des membres des groupes armés et des commerçants de l’Ituri et du Nord-Kivu.
« Les négociants en or de Butembo sont restés des acteurs clés de l'exploitation aurifère illégale et ont fait passer leur or en contrebande vers l'Ouganda. Ils possédaient des banques de microfinance à Bunia, qui préfinançaient les coopératives d'orpaillage, obligées de revendre leur or à ces négociants. Leur partenaire commercial à Bunia, Edmond Kasereka, détenait des actions de la banque de micro finance T.I.D et de Muungano na Maendeleo (MNM), l'unique comptoir d'or officiel de Bunia, ce dernier étant co-détenu avec l'acheteur d'or Banga Ndjelo », dit le rapport du groupe d'experts des Nations-Unies.
Selon le rapport, ce commerce illicite est qualifié de blanchiment d'argent commercial, permettant des transferts de valeur transfrontaliers sans espèces en dehors des circuits financiers officiels, ce qui rend les transferts difficiles à détecter.
Les participants au mini-forum de Beni sont appelés à proposer des réformes institutionnelles et techniques, afin de garantir une meilleure transparence, une rationalisation de la production artisanale et un accroissement des recettes publiques en cette période où le Nord-Kivu est en grande partie contrôlé par la rébellion de l’AFC/M23.
Yvonne Kapinga, à Goma