RDC : l'actualité de la semaine vue par Elodie Ntamuzinda

Photo/droits tiers
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De la prise de fonction de Félix Tshisekedi à la tête de la SADC, au dialogue inclusif ouvert au Tchad, en passant par la décision du gouvernement congolais de dépêcher une mission au chevet des conflits dans le Mai-Ndombe ou la lourde peine infligée à une doctorante en Arabie Saoudite, la semaine qui s'achève à été riche au niveau de l'actualité. Ce 21 août, Elodie Ntamuzinda W'Igulu va commenter chacun de ces faits marquants. 

Bonjour Madame Elodie Ntamuzinda et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ? 

Elodie Ntamuzinda : Nous continuons à plaider pour le retour d'une paix durable dans l'Est du pays. Avec le collectif des femmes engagées pour la Paix, la Justice, la sécurité et la stabilité des Institutions (ODD 16) en collaboration avec le réseau des femmes d'Afrique Francophone pour l’atteinte des ODD « RFAF/ODD », le consortium des Réseaux Femmes, Afia Mama, Rien Sans les Femmes, REFAMP, d'autres structures de femmes ainsi que des forces vives de la République autour du Cadre de Concertation de la Société Civile, avons fait nôtres toutes les préoccupations de nos compatriotes qui ont manifesté de diverses manières et approché les institutions, la Monusco, les partenaires internationaux et d'autres agences du système des Nations Unies telles que le BCNUDH. Le but était de les écouter et comprendre les vrais enjeux, les défis et les perspectives par rapport aux actions envisagées, suite à la prise de certaines entités de notre territoire national par les pays agresseurs bien connus et bien identifiés.

C'est donc un plaidoyer pour notre Nation. Nous nous interrogeons sur tous les accords signés avec des pays étrangers sans que le peuple et même la représentation nationale ne soient consultés en amont.

Le Président Tshisekedi a pris les commandes de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) pour l’exercice 2022-2023 au cours du 42e sommet tenu à Kinshasa. Que représente pour vous ce nouveau poste en faveur de la RDC et comment faudra-t-il le capitaliser ? 

Elodie Ntamuzinda : nous ne pouvons pas être pessimiste d'autant plus que ce sont des mandats rotatifs, si nous décidons d'y tirer profit en ce moment où nous sommes agressés par certains pays membres de l'EAC, alors nous devons tirer notre épingle du jeu. 

Avec tout ce qui se passe au pays, nous constatons que le mandat du l'UA est passé très vite, celui de la SADC fera de même mais nous pouvons toujours rentabiliser toutes ces opportunités comme d'autres pays le font, et cela ne doit pas être le travail du Chef de l'Etat seul mais de tous ces services attitrés qui sont ses longs bras et qui doivent se pencher sur l’expertise nationale.

Le Chef de l’Etat est également le président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) après avoir dirigé l’Union Africaine. Pensez-vous qu’en termes de diplomatie, ces postes ont un impact positif sur la RDC ? 

Elodie Ntamuzinda : comme je viens de le dire, tout dépend de la manière dont nous nous y prenons.

La CEEAC oui, mais , je vais aller tout droit au but en posant la question sur la manière dont les avis du Conseil économique et social de la RDC sont exploités et rentabilisés pour savoir si nous pouvons apporter un plus au sein d'une telle structure.


La SADC s'est résolue de saisir António Guterres « afin de rechercher des solutions permettant de soutenir les efforts entrepris pour améliorer la situation sécuritaire » dans l’Est de la RDC. Qu'espérez-vous de cette initiative ?

Elodie Ntamuzinda : c'est un excellent engagement de la part des États membres. La RDC qui est le pays bénéficiaire doit sauter sur cette opportunité pour que la solution soit durable. Je me rappelle que le Président honoraire, Joseph Kabila a saisi l'ancien Secrétaire Général des UN M. Ban Ki-moon, il y a eu autant de plaidoyers et de lobbying autour de la même question, et nous avons eu des bons résultats, car de 2013 à 2021, cette question du M23 ne s'était plus fait entendre et leurs bruits de bottes s’étaient tus.

Pourquoi ne pas user des mêmes moyens pour le bien de la Nation ? Nous devons aussi avouer que les discours qui divisent et même le fait que le pays ne rentabilise pas l'expérience du Président honoraire, c'est toute une page de l'histoire du pays que nous sommes en train de brûler au nom des combats politiques.

Si le Chef de l'Etat pouvait interroger ces réseaux et collectifs qui plaident toujours pour la paix dans notre pays, ils auraient pu lui demander une seule chose pour le moment :

"Invitez votre prédécesseur, asseyez-vous autour d'une table afin de réfléchir sur l'avenir de notre pays avec tout ce qu'il y a comme problèmes pour le moment, le processus électoral qui est dans l'impasse ainsi que ces agressions et même ces occupations de nos terres".

Oui c'est urgent, et il doit y avoir des personnes qui le disent avec franchise au Chef de l'Etat. Qu'il cesse d'être pris en otage par les politiques extrémistes!

Pour ce qui est de la mutualisation des forces des pays de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC) en faveur de l'est, Denis Mukwege insiste sur “la réforme de notre armée pour la rendre professionnelle et opérationnelle” et de mettre fin à l’externalisation de la sécurité par des Etats déstabilisateurs. Que pensez-vous de sa position ?

Elodie Ntamuzinda : le Prix Nobel Denis Mukwege a raison d'avancer un tel argument, mais depuis que les intellectuels congolais le poussent à porter sa candidature à la présidentielle de 2023, sa voix commence plus gêner qu'à être écoutée.
Comme lui-même ne s'est pas encore prononcé sur cette candidature, je crois qu'il serait prudent de ne pas le considérer d'emblée comme adversaire car il est parmi les Ambassadeurs de la RDC à tous les niveaux.

La position de la Société Civile est que ces forces régionales entrent en RDC comme si c'était une foire. Nous ne pouvons pas chasser la Monusco sans un plan cohérent de sortie. Entre temps, nous allons faire entrer d'autres troupes sans un quelconque plan d'action. Les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets.

Un chef coutumier et sa femme ont été décapités ce vendredi. Cela ramène à 15, le nombre des morts suite au conflit communautaire qui oppose depuis plusieurs semaines les peuples Yaka et Teke à Mai-Ndombe. Quelles sont vos propositions pour restaurer la paix ? 

Elodie Ntamuzinda : après Yumbi toujours dans le Maï-Ndombe et le phénomène Kamuena Nsapu, nous comprenons que nous avons déjà plusieurs guerres aux multiples facettes. La guerre de l'Est avait débuté sous cette appellation : "conflits communautaires", malheureusement cela a fini par montrer que ces guerres sont celles d'agressions avec des agendas purement économiques. Nous ne devons pas négliger de tels événements malheureux! Nous sommes un peuple en joie lorsque ça brûle chez nous, mais en deuil lorsque ça brûle ailleurs!

Nous sommes plus soucieux de ce qui se passe en Ukraine apparemment, que de ce qui se passe chez nous auprès de nos compatriotes.

Le gouvernement a décidé d'y dépêcher une mission dans le but de faire l'état des lieux de la situation sécuritaire et humanitaire qui vont aboutir à des mesures supplémentaires. Avez-vous des recommandations par rapport à cette mission ?

Elodie Ntamuzinda : Ma recommandation est que les vrais diagnostics soient faits et ne pas s'arrêter juste aux déclarations des conflits communautaires. Néanmoins, notre vrai problème est connu : le chômage aux côtés des vastes terres arables convoitées par le monde extérieur! 

Que le Gouvernement pense aux centres d'intérêts et que tous les leaders intègrent dans leurs agendas, de se rendre de temps en temps en vacances dans leurs villages, personnes n'y verra plus ni rébellion ni agression car les jeunes désœuvrés seront déjà occupés à travailler pour leur avenir.

Les laisser toujours sans espoir c'est sacrifier toutes les générations futures.


C'est l'occasion de vanter des gros projets comme Bukangalonzo que tout le monde peut décrire et pourtant il a fallu juste que les gouvernements qui ont suivi celui de Matata assurent la continuité!
Il y a eu relâchement et pourtant ce que nous devons prôner aujourd'hui, c'est d'avoir plusieurs Bukangalonzo dans toutes les provinces.

Le M23 a été responsable d'une explosion mercredi, dans un chantier de la centrale hydroélectrique de Rwanguba (au Nord-Kivu). Que faut-il pour faire réussir l'état de siège en cours dans cette province ? 

Elodie Ntamuzinda : ce sont des crimes de guerres et crimes contre l'humanité et j'ose croire que cela est documenté par les Nations Unies.

En matière des pourparlers de Paix, le mécanisme national de suivi s'est vantée de la participation de deux congolaises à 31è réunion technique sur la paix en RDC et dans la région des Grands lacs. Au niveau des structures féminines, cette représentation n'était pas effective car ces congolaises ne faisaient pas partie de la délégation officielle RDC. Que faire pour accroître la participation des femmes aux tables de décisions selon vous ?

Elodie Ntamuzinda : il ne suffit pas de participer, il faut aussi avoir un agenda. Malheureusement, nous n'avons ni plan ni agenda et les femmes sont désignées parfois pas selon leur background ou sur base des données politiques. La politique a pris vraiment d'ascendance sur tout autre secteur de la vie nationale, c'est très dangereux car nous ne tirons jamais des leçons des autres pays qui rentabilisent souvent l'expérience de leurs fils et filles, plus particulièrement les Femmes.

Néanmoins, nous sommes dans la joie car une grande campagne de lutte Angèle MAKOMBO vient d'être promue au poste de la secrétaire Exécutive Adjointe de la SADC et cela nous redonne espoir.

Au Tchad, un "dialogue national inclusif" s'est ouvert samedi, censé déboucher sur des élections démocratiques et redonner le pouvoir aux civils. Vos recommandations à ce sujet ? 

Elodie Ntamuzinda : il va falloir trouver, à l'issue de cette rencontre, des solutions durables pour garantir l'avenir de la Nation tchadienne.

Depuis le 09 août, la justice saoudienne a infligé une peine de 34 ans à Salma Al-Chehab, une doctorante en médecine, pour avoir épinglé dans son compte Twitter un vœu de « liberté aux prisonniers de conscience et à chaque personne opprimée dans le monde ». Quel est votre point de vue sur cette question ?

Elodie Ntamuzinda : nous ne pouvons que condamner de tels actes! Nous avons toujours prôné la liberté d'expression en RDC et nous servons jusque-là de modèle. 
Condamnons toute violence et toute manipulation d'où qu'elles nous viennent.


Un dernier mot ?

Elodie Ntamuzinda : je n'ai pas répondu ici comme celle qui peut donner des leçons, plutôt comme celle qui peut apporter sa pierre à celles d'autres compatriotes.

Donc, il ne s'agit pas ici de critiquer qui que ce soit, moins encore les décideurs car les décideurs de demain risquent de se retrouver parmi les simples citoyens d'aujourd'hui, alors, préparons-nous à cette lutte car chacun de nous e à apporter sa pierre à l'édifice qui constitue une responsabilité individuelle et collective.

Interrogeons-nous toujours comme Nation sur :

- notre être,
- notre savoir être,
- notre savoir faire,
- notre savoir servir le pays,
- notre savoir- faire et
- notre savoir vivre.

"Ne demandons pas ce que la RDC peut faire pour nous, mais posons-nous la question sur ce que nous pouvons faire pour la RDC".

Propos recueillis pas Prisca Lokale