COVID-19/Kinshasa : le port obligatoire des masques face au principe de la légalité des infractions et des peines

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La mesure du port obligatoire des masques dans la ville de Kinshasa, prise par le Gouverneur Gentiny Ngobila pour lutter contre la propagation de COVID-19, soulève des questions sur le plan juridique. Annoncée le 18 avril 2020 à l’issue d’une réunion avec le Premier Ministre, cette mesure donne droit aux Officiers de Police Judiciaires d’infliger une amende de 5 000 Fc à tous ceux qui ne vont pas s’y soumettre.

Et pourtant en République Démocratique du Congo, les infractions et les peines ne peuvent être établies que par la loi et en vertu de la loi. C’est le principe de la légalité des infractions et des peines, exprimé par le maxime latin « Nullum crimen, nulla poena sine lege » et consacré par la Constitution (article 17 alinéa 2 et suivants) et le Code pénal Congolais (article 1er).

Il ne s’est pas écoulé plusieurs jours pour voir les juristes monter au créneau pour critiquer la mesure prise par le Gouverneur de Kinshasa, dénonçant le non-respect du principe de la légalité des incriminations et des peines ; ils dénoncent également le fait que les Officiers de Police Judiciaires ont reçu la compétence de condamner à une peine d’amende alors que la compétence de condamner est dévolue aux juges.

Et pourtant la loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les Provinces permet aux autorités de la ville de prendre des règlements de police en cas d’urgence. En effet l’article 40 de la loi susmentionnée dispose : « En cas d'urgence, et lorsque le Conseil urbain n'est pas en session, le Collège exécutif urbain prend des règlements de police et les sanctionne de peines ne dépassant pas sept jours de servitude pénale principale et 25.000 Fc d'amende ou d'une de ces peines seulement. »

Au sujet de la compétence des OPJ à infliger des amendes, il est vrai que le pouvoir de condamner appartient aux seuls juges. Mais il existe des lois particulières qui permettent à certains agents ou administrations de condamner à des peines d’amendes, notamment en matière bancaire et en matière douanière. À côté de ces condamnations qui ne sont pas prononcées par le tribunal, il y a aussi l’amende transactionnelle, prévue à l’article 9 du Code de procédure pénale.

Blaise BAÏSE