Filles enceintes à l’école : les établissements de Kinshasa entre contraintes pédagogiques et devoir d’inclusion

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Une élève enceinte

Depuis la publication de la note circulaire du ministère de l’Éducation nationale autorisant les jeunes filles enceintes à rester à l’école, les réactions se multiplient à Kinshasa. ACTUALITÉ.CD a donné la parole à quelques responsables des établissements scolaires de Kinshasa qui oscillent entre adhésion prudente et vives réserves.

Clémentine Ngalula Mukeba, préfet du complexe scolaire Mokengeli dans la commune de Lemba, affirme se conformer à la décision ministérielle, tout en insistant sur le respect des valeurs chrétiennes de son établissement.

« Nous ne recevions pas de filles enceintes auparavant, mais puisque c’est une mesure de l’autorité, nous allons l’appliquer. Et nous demanderons à ces jeunes filles de porter des vêtements amples afin de ne pas trop exposer leur ventre et éviter les gênes que cela pourrait occasionner à elle même mais aussi aux autres élèves. Une mesure disciplinaire sera mise en place au sein de l'établissement pour punir le harcèlement potentiel dont elles pourraient être victimes par les autres élèves », explique-t-elle.

Toutefois, elle reconnaît que cette présence pourrait influencer d’autres élèves.

« Les enfants de Kinshasa suivent tout. Il faudra les sensibiliser pour qu’ils ne considèrent pas cela comme une norme », ajoute-t-elle.

Même posture d’acceptation chez Corneille Tshiolo Nteta, inspecteur de l’enseignement qui insiste tout de même sur la sensibilisation. 

« Cette décision doit être comprise sous deux volets. D’abord, la fille enceinte doit apprendre à se maîtriser face aux regards et aux jugements. Ensuite, l’environnement scolaire doit être préparé à l’accueillir. Une fille qui crache ou vomit en classe peut déranger, il est donc primordial de sensibiliser les élèves à ne pas la stigmatiser », souligne-t-il.

Dans un autre établissement, un préfet ayant requis l’anonymat exprime son inquiétude quant à la moralité et au message envoyé.

« De notre côté, nous voyons aussi la moralité. Surtout que pour l'éducation à la sexualité, ça pose beaucoup de problèmes.  On ne peut pas libéraliser la sexualité au niveau secondaire. Alors que les enfants y sont pour la plus grande majorité encore mineurs. Une fille enceinte qui revient à l'école sera gênée, parce que le regard de ses camarades ne sera plus le même. L’école doit aussi transmettre des valeurs humaines et spirituelles », dit-il.

Il propose une alternative : que les filles prennent une pause, accouchent, puis reviennent à l’école, pour éviter tout effet d’encouragement perçu chez les autres élèves.

Le Secrétariat général du Ministère de l'Éducation nationale et de la Nouvelle Citoyenneté a publié lundi 14 juillet dernier, une note circulaire appelant au respect du droit à l'éducation pour les élèves enceintes, dans un souci de promouvoir l'inclusion scolaire et l'égalité des chances entre les sexes. Dans ce document officiel (Note circulaire n°MINEDU-NC/SG/80/DPVC/00/2345/2025), adressé aux directeurs provinciaux de l'Éducation, le ministère insiste sur l’impératif de garantir le maintien dans le système éducatif des filles enceintes, sans discrimination ni exclusion.

Le ministère rappelle que les grossesses précoces représentent un facteur important de déscolarisation chez les jeunes filles, compromettant leur avenir et renforçant les inégalités de genre. Pour y remédier, les établissements scolaires sont désormais tenus de mettre en œuvre des mesures facilitant la continuité de la scolarisation de ces élèves, sans leur imposer de conditions administratives ou académiques discriminatoires. Aucune sanction ne devra être appliquée en raison d’une grossesse.

Davina D. Banzadio (Stagiare)