Les contestations de l'écrasante victoire de Félix Tshisekedi refusent de tarir. En témoigne la récente sortie médiatique de Lamuka Fayulu. Pourtant, depuis le 20 janvier, le Président de la République a débuté son second mandat. Dans son discours inaugural, Félix Tshisekedi a ouvert une brêche susceptible d'intéresser Moïse Katumbi. A plusieurs titres.
Opportunité inédite
Ayant passé sous silence plusieurs sujets majeurs tel que la lutte contre la corruption, le Président de la République a promis, dans son speech, "d'assurer l'effectivité du rôle du Porte-parole de l'opposition que cette dernière voudra bien désigner conformément à la Constitution". Depuis l'instauration de la troisième République, ce poste, pas moins stratégique, est resté vacant faute de consensus des opposants sur un des leurs à occuper ce strapontin aux divers privilèges et avantages. En effet, le Porte-parole de l'opposition est pris en charge par le Trésor public pour faire le contrepoids au pouvoir en place. Une pratique inspirée du modèle britannique prévoyant tout un cabinet du Porte-parole pour faire un suivi minutieux de la politique gouvernementale et formuler rigoureusement des critiques visant à rationaliser davantage la gestion de la chose publique.
Dans une Assemblée nationale très largement dominée par les forces politiques de l'Union sacrée de la nation et alliés, le parti de Moïse Katumbi est majoritaire sur les bancs de l'opposition avec sa vingtaine d'élus. Outre l'ancien Premier Ministre Matata Ponyo, ayant désisté à la dernière présidentielle en faveur du Président d'Ensemble pour la République, c'est à compter du bout des doigts les députés nationaux opposés au chef de l'État. Ce qui rendrait plus aisé - en plus des sénateurs dont l'élection est attendue - le consensus ou alors un vote confortable pour Moïse Katumbi au Porte-parolat de l'opposition.
Certes, endosser le rôle de Porte-parole de l'opposition participerait à la légitimation des animateurs des institutions issus de ce que la très critique CENCO a considéré comme une "catastrophe électorale". La realpolitk pourrait éclairer et conduire l'Ensemble pour la République de tourner cette page pour se préparer plus sérieusement aux échéances èlectorales de 2028. Le temps filant.
Remise en cause du discours identitaire
Le discours de campagne du candidat Félix Tshisekedi, fondé sur les "acquis à consolider", s'est avéré peu pesuasif. Durant la campagne, ceci n'aurait pas autant accroché les électeurs. D'autant plus qu'à côté, la VAR , métaphore sportive très employée par Moïse Katumbi, a attesté les limites de fameux acquis et les a fait contester à certains endroits. Même dans son propre camp, Félix Tshisekedi avait éprouvé des difficultés de convaincre sur cette base.
C'est, j'en suis persuadé, son discours identitaire, porté avec hargne à la manière d'un tribun, qui lui a permis de barrer la route au leader d'Ensemble pour la République. La communication de ce dernier, sous-estimée au départ, a été d'une puissance ayant ébranlé la team du Président candidat.
Dès lors, assumer les fonctions de Porte-parole de l'opposition viderait de sa substance ce discours identitaire que Katumbi avait eu du mal à battre en brèche.
Maitrise des dossiers d'Etat
Une des faiblesses de Moïse Katumbi pendant la campagne électorale fut l'impression donnée au public d'une faible maîtrise des dossiers cruciaux de gestion de l'Etat. Pour preuve, il n'avait pas, contrairement à d'autres candidats, pris le soin de décliner, de sa propre verve oratoire, son Programme de gouvernance du pays. Son côté affairiste, non dépourvu du positif, s'est avéré un handicap à la promotion de son image.
Le Porte-parolat de l'opposition constituerait une école où l'ancien Gouverneur du Katanga s'exercera peu à peu à combler ses lacunes et à développer la carrure de présidentiable.
Dans un contexte d'impossibilité constitutionnelle pour Féliix Tshisekedi de rempiler en 2028 et les difficultés envisageables de fédérer tous ses partenaires autour de son dauphin, l'expérience qu'aura acquise le Porte-parole lui sera d'un très grand atout. Lui qui a déja pu sillonner presque tout le pays pour y mettre sa semence. La terre en fera clore les germes. Pourvu de bien l'arroser pour en récolter de savoureux fruits.
Du Porte-parolat de l'opposition, Moïse Katumbi pourrait ainsi maximiser ses chances de succéder à Félix Tshisekedi à la tête de la RDC en 2028. Une "vraie" alternance démocratique, la première, diront d'aucuns.
Lembis Tini (PhD)