Claudel-André Lubaya : "Processus électoral et État de droit, les digues ont cédé" (Tribune)

Claudel-André Lubaya

Dans une tribune envoyée à ACTUALITE.CD, le président de l'Alliance des Mouvements du Kongo (AMK), Claudel-André Lubaya, est revenu sur le non respect des arrêts de la Cour constitutionnelle par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) qui a repris sur sa liste définitive des candidats aux élections législatives certaines candidatures qui pourtant ont été invalidées par la haute cour. Dans sa tribune, le député évoque aussi le dossier Palu qui a vu la Cour constitutionnelle revenir sur ses propres arrêts, alors que ses décisions sont inattaquables.

Tribune

J’ai été fortement secoué et fondamentalement scandalisé en apprenant hier, fin d’après-midi, deux informations majeures. D’abord, le maintien de la candidature du docteur Tharcisse Loseke dans la circonscription de Katako Kombe, alors qu’elle avait été invalidée au premier degré par la CENI pour défaut de nationalité ; ce que la Cour constitutionnelle avait à son tour confirmé. Curieusement, à la publication des listes finales, son nom est apparu dans la même circonscription et ce, sans explication. Ensuite, toujours hier, contrairement à l’article 93 de la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, cette haute institution du pouvoir judiciaire est revenue sur ses propres décisions en rendant des nouveaux arrêts en faveur des candidats ex PALU, pourtant invalidés par la CENI et elle-même pour conflit d’intérêt avec leur ancien parti. L’article précité dit, je cite : «Article 93 La Cour statue par voie d’Arrêt. Les Arrêts de la Cour sont écrits et motivés. Ils sont signés par tous les membres de la composition et par le Greffier du siège. Ils ne sont susceptibles d’aucun recours, sauf interprétation ou rectification d’erreur matérielle», fin de citation. Les arrêts de la Cour Constitutionnelle, dit-on, sont irrévocables.

Ces deux faits combien éloquents et davantage troublants constituent à eux seuls un casus belli; ils portent atteinte à l’intégrité de l’intégralité du processus électoral de même qu’ils jettent un discrédit total sur les institutions majeures chargées de le piloter en toutes légalité et légitimité. Ils traduisent l’état d’esprit dans lequel le triangle FCC-CENI-Cour constitutionnelle entend aborder les élections prévues au 23 décembre prochain; ils ouvrent ainsi la fenêtre sur les machinations et incohérences qui portent un coup sur la viabilité et la crédibilité du processus électoral. Il s’agirait, pour ce trio, d’une simple formalité de distribution des cartes dans le but de recomposer le paysage politique avec des individus désignés par eux-mêmes et ce, à tous les échelons des scrutins. 

En prenant la responsabilité combien lourde de conséquence de revenir au fond sur ses propres arrêts qui, jusqu’à preuve du contraire ne contiennent aucune erreur matérielle connue, la Cour s’est sabordée, définitivement discréditée en même temps qu’elle a donné à ceux qui en doutaient encore, la dernière preuve de son instrumentalisation excessive par le pouvoir en place. Il s’agit d’un précédent fâcheux, qui met à mal tous les arrêts rendus jusque-là par cette institution étant donné que conformément à la loi précitée, ses arrêts sont irrévocables et opposables à tous. 

Avec ces derniers arrêts de la Cour, ce sont les dernières digues qui viennent de céder, éloignant irrémédiablement la perspective d’un État de droit en RDC. C’est le fait du prince qui l’emporte sur le droit le plus élémentaire et qui, par voie de conséquence, exclut la Cour de toute objectivité dans l’accomplissement de ses missions et plus particulièrement celle de juge en matière des contentieux électoraux et de dernier rempart dans la consolidation de la légalité. 

En conclusion, je suis tenté de croire, sans peur d’être contredit, que désormais, c’est plié. Aux prochaines élections, ce triangle sera l’unique source du pouvoir qu’il pourra conférer à qui il voudra, avec ou sans machine à voter, avec ou sans fichier corrompu. En clair, le peuple congolais, constitué de 40 millions d’électeurs, n’aura aucun pouvoir de conférer un quelconque mandat. Dans ce contexte, il revient à chacun des acteurs politiques, en âme et conscience, de tirer les conséquences de cet énième fait accompli pour sortir de l’illusion d’une élection transparente et crédible.