Actuellement l’image d’un pays devient un levier puissant d’influence, la République Démocratique du Congo a récemment initié une campagne de Nation Branding en s’alliant avec de prestigieux clubs européens tels que le FC Barcelone, l’AS Monaco ou encore l’AC Milan. L’objectif affiché : promouvoir la destination RDC à travers le slogan "Explore RDC, Cœur de l’Afrique".
Une initiative qui, si elle est visionnaire dans sa conception, mérite un examen critique quant à sa pertinence, sa cohérence et sa mise en œuvre.
Une idée stratégique mais une exécution discutable
Sur le fond, je pense que cette démarche est pertinente. Le sport est un excellent vecteur d’émotion, d’identité et de projection globale. Cependant, toute stratégie de Nation Branding repose sur trois piliers : l’idée projetée, *l’idée perçue* et l’idée vécue. La RDC projette ici l’image d’une destination attractive, riche, stable et ouverte au monde. Mais dans la perception extérieure – et même locale – cette projection entre en contradiction avec la réalité vécue : instabilité sécuritaire, faible gouvernance, pauvreté, manque d'infrastructures touristiques, etc.
Résultat ? Une campagne jugée déconnectée par une grande partie de la population, qui y voit un investissement massif (plus de 40 millions USD annoncés pour Barcelone) dans un projet davantage perçu comme de la propagande que comme une stratégie de développement durable.
Une stratégie sans architecture structurelle claire
L’un des problèmes majeurs réside dans le manque de coordination institutionnelle. Tantôt portée par le ministère des Sports, tantôt par le ministère du Tourisme ou encore celui de la Culture, cette initiative souffre d’un flou de gouvernance.
Il devient donc essentiel de proposer la création d’une structure interinstitutionnelle dédiée au Nation Branding, capable de créer des synergies entre tous les ministères et agences concernés.
De la communication à la transformation réelle
Le Nation Branding n’est pas qu’une affaire de logos, de slogans ou de partenariats à millions. Il exige une cohérence stratégique entre ce que le pays communique et ce qu’il vit réellement.
Cela fait écho à la méthode Say-do-gap qui invite à aligner le discours, l’action et l’image. Ce que la RDC dit doit être en harmonie avec ce qu’elle fait. Sinon, c’est le crédit du pays qui s’effondre, malgré les meilleures intentions.
Repenser le branding à travers les piliers culturels et numériques
Au lieu de concentrer la majorité des ressources sur le football, il serait stratégique de valoriser davantage les richesses internes : la musique (notamment la Rumba, patrimoine mondial de l’UNESCO), les sites touristiques naturels (Kahuzi-Biega, Garamba, Lac Kivu…), et les industries culturelles.
De plus, intégrer des influenceurs, des créateurs de contenu, et des initiatives communautaires permettrait de créer un branding plus humain, plus local, plus crédible.
Conclusion : un pari à recadrer, non à rejeter
Je ne rejette pas l’initiative. Je plaide pour sa recalibration. Pour que la RDC ne se contente pas de vendre un rêve, mais qu’elle commence réellement à le bâtir.
Le Nation Branding ne doit pas servir à cacher les failles, mais à montrer les efforts, les progrès, les potentiels.
C’est une démarche de vérité, pas d’illusion.
Par Joyce Masiala, conseiller en image de marque avec expertise en Personal Branding & Nation Branding, Auteur et formateur