Human Rights Watch ( HRW ), organisation internationale de défense des droits de l'homme, s'est montrée très critique à l'égard de l'arrêt de la Haute cour militaire (HCM) à l'encontre de l'ancien président Joseph Kabila Kabange, incluant sa condamnation à mort. Pour HRW, cette décision met en évidence le fragile équilibre entre l’obligation de rendre des comptes et la stabilité politique en RDC. Ce procès, pour des chefs d'accusation allant de la trahison aux crimes de guerre, avait toutes les caractéristiques d'une vendetta politique, menaçant à la fois l'État de droit et l'avenir démocratique du pays.
" Le jugement, dont la peine de mort, prononcé à l'encontre de Joseph Kabila met en évidence la nécessité pour la RD Congo de mettre en place des institutions suffisamment solides pour traduire en justice les responsables d'abus passés et présents, et de cesser d'utiliser les tribunaux pour régler des comptes politiques. En RD Congo, où les notions de stabilité et de réel progrès démocratique restent des aspirations, le procès de Joseph Kabila n'est pas un triomphe de la justice : c’est plutôt un signal d'alarme qui annonce une dérive autoritaire de plus en plus marquée ", dit HWR dans une déclaration rendue publique mercredi 1er octobre.
Selon cette organisation, Il est incontestable que la RD Congo a connu des violations catastrophiques des droits humains sous différents gouvernements successifs et que les anciens hauts fonctionnaires devraient répondre de leurs méfaits. Les forces de sécurité gouvernementales ont commis de nombreux abus pendant les 18 années au pouvoir de Joseph Kabila. Human Rights Watch et d'autres organisations ont appelé à plusieurs reprises à ce que justice soit rendue. Cependant, ont-ils fait remarquer, la reddition de comptes perd tout son sens lorsqu'elle se fait à travers des processus qui s'apparentent à des simulacres de procès.
" Les poursuites judiciaires précipitées et d’une flagrante iniquité à l'encontre de Joseph Kabila ressemblent moins à une quête de justice qu'à une stratégie calculée visant à éliminer un adversaire politique, remettant en question l'intégrité de l'ensemble du système judiciaire congolais. Cette question dépasse largement le cas de Joseph Kabila lui-même. Refuser à un ancien président une procédure équitable envoie un message effrayant, laissant entendre que d'autres opposants politiques pourraient subir le même traitement. Ce procès indique que le droit à un procès équitable est conditionnel, dispensable lorsqu'il dérange, sapant le principe même de l'égalité devant la loi" a fait savoir HWR dans sa déclaration.
Pour cette organisation de défense des droits de l'homme, la Haute Cour Militaire a jugé Joseph Kabila par défaut et sans la présence d’un avocat de la défense, en violation du droit à un procès équitable prévu par le droit international relatif aux droits humains. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP), dans son interprétation de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, a déclaré que les tribunaux militaires « ne devraient en aucun cas avoir compétence sur les civils ».
"Le moment choisi pour ce procès est également suspect. Joseph Kabila reste une figure majeure de la politique congolaise, et le président Félix Tshisekedi pourrait le considérer comme une menace politique alors que le gouvernement lutte contre le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda, dans l'est de la RD Congo. Plus tôt cette année, après le retour de Joseph Kabila du territoire contrôlé par les rebelles et ses critiques publiques à l'égard du président congolais, les autorités ont tenté de faire taire le débat public sur l'ancien président" a fait remarquer HWR dans sa déclaration
Dans sa décision, la Haute cour militaire a épousé les allégations portées contre Joseph Kabila. Elle affirme qu’à Goma comme à Bukavu, il tenait de « véritables réunions d’état-major pour la conduite des hostilités », qu’il procédait à des « inspections dans des centres d’instruction » des rebelles de l’AFC/M23, et qu’il avait été « le chef incontesté de tous les mouvements rebelles qu’a connus le pays depuis la rébellion de Mutebusi ». La Cour le qualifie de « chef de la coalition AFC/M23 ».
Clément Muamba