De la visite de Cyril Ramaphosa à la lettre de Denis Kadima à Joseph Kabila, en passant par le procès impliquant un groupe de personnes coupables d’enlèvements à Kinshasa, la semaine qui s'achève à été riche au niveau de l'actualité. Deborah Nyamugabo passe en revue chacun de ces faits marquants.
Bonjour Madame Deborah Nyamugabo et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de vos activités ?
Deborah Nyamugabo : Je suis consultante en ressources humaines, experte en genre pour le compte d'ONU Femmes et rapporteur au secrétariat technique national R2250 ( jeunesse, paix et sécurité) en RDC. Je suis également Secrétaire Général du parti Alliance des Démocrates Révolutionnaires du Congo en sigle ADRC.
Cette semaine, le président sud-Africain Cyril Ramaphosa a suggéré les voies de négociations comme moyen de résoudre le conflit qui persiste depuis près de deux décennies dans l’Est de la RDC. Soutenez-vous ce point de vue ?
Deborah Nyamugabo : les conflits armés qui sévissent la partie Est de notre pays ont toujours eu pour initiative des négociations avec les différents groupes armés opérant dans les différents territoires.
Les accords de Nairobi, le mécanisme de suivi, Sun City, Angola après toutes ces tentatives de négociations avons-nous déjà fait un bilan pour voir si ces négociations ont eu des résultats positifs ? Cela a-t-il eu un impact positif sur le vécu de nos populations ?
En conclusion, je ne suis pas d'accord avec cette proposition du président Cyril Ramaphosa. Je crois que nous avons épuisé toutes les voies de négociation pour résoudre ces conflits.
Durant cette visite à Kinshasa, des accords ont été conclus entre la RDC et Afrique du Sud. Notamment, la fabrication des batteries électriques grâce au lithium dont regorge la RDC, et la matérialisation du projet Inga 3 pour résorber le déficit en électricité dans les deux pays. Quel est votre avis à ce sujet ?
Deborah Nyamugabo : je pense que c'est une bonne chose. Il s'agit surtout de la question d'Inga 3 qui est un grand projet initié depuis des années, visant à résoudre les problèmes d'électricité en Afrique centrale. Mais je voudrais recommander au président Félix Tshisekedi de s'assurer d'abord que le projet Inga 2 soit complètement fini avant d'entamer de nouveaux projets du même genre. La question de fabrication des batteries électroniques est un bon projet mais il faut que la RDC finance aussi. Elle ne devrait pas tout attendre de ses partenaires. En bref, ce sont de bons accords qui doivent être matérialisés.
L’Union Européenne préconise également un dialogue inclusif, dans le respect de l'intégrité territoriale de la RDC pour résoudre la question des conflits dans l'Est du pays. Comment appréhendez-vous cette proposition ?
Deborah Nyamugabo : mon point de vue reste le même. Les négociations n'ont mené la RDC à aucun résultat positif.
En sécurité, la justice a jugé et condamné à la peine de mort des personnes reconnues coupables d'enlèvements à Kinshasa. Quelle à été votre réaction à l'annonce de ce verdict ?
Deborah Nyamugabo : ils ont été condamnés. C'était une décision très attendue. Mais, il faut démanteler ces réseaux. Découvrir les commanditaires, lancer de véritables enquêtes pour qu'ils soient tous découverts et déférés devant les instances judiciaires. Nous félicitons la justice pour son travail et nous nous en remettons aux autorités sécuritaires.
Parmi les coupables, certains ont avoué avoir déjà été arrêtés pour des faits similaires. Quelle solution durable proposez-vous ?
Deborah Nyamugabo : nous voulons une justice forte. Pas celle qui rend des verdicts et ne les fait pas observer.
Toujours à Kinshasa, le gouvernement provincial encourage l’utilisation des véhicules munis de vignette et code QR pour faire face au kidnapping. Votre avis à ce sujet ?
Deborah Nyamugabo : presque tous les taxis à Kinshasa ont ce code QR mais l'hôtel de ville n'a pas une base de données qui pourrait aider la police à retrouver les kidnappeurs. Je pense qu'il faut d'abord mettre de l'ordre au niveau du gouvernorat de la ville de Kinshasa pour ensuite bien faire une telle proposition.
Entre-temps, sur 41 députés, 34 ont voté pour la destitution de Godé Mpoyi, Président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa. Cette initiative est intervenue après un bras de fer entre lui et le gouverneur, Gentiny Ngobila. Il reprochait à l'autorité urbaine notamment la mauvaise gestion de la capitale congolaise. Que pensez-vous de cette action du parlement provincial ?
Deborah Nyamugabo : ceci dénote de l'irresponsabilité de la part de nos députés provinciaux. Nous sommes tous témoins de la mauvaise gestion du Gouverneur Gentiny Ngobila, qui devait être interpellé depuis longtemps. Mais rien de tel n'est fait au niveau de l'assemblée provinciale. On se demande pourquoi ils agissent de cette façon.
Deux personnes ont trouvé la mort à Lubumbashi à la suite des accrochages qui ont opposé depuis lundi, les militants de deux partis de l'Union sacrée de la nation ( UDPS et UNAFEC). À la base, la perception d'une taxe. Quelles recommandations feriez-vous aux militants et responsables de ces partis ?
Deborah Nyamugabo : les partis doivent sanctionner les auteurs de ces actes, ensuite discipliner leurs militants. Mais, il y a aussi une grande responsabilité de la part des citoyens congolais eux-mêmes en tant qu'individus. Les intérêts des partis ne devraient pas primer sur la cohésion sociale.
Au sujet du processus électoral, Denis Kadima a écrit à Joseph Kabila pour solliciter des échanges autour du processus électoral. Pensez-vous que cette initiative pourrait aboutir ?
Deborah Nyamugabo : je pense que monsieur Denis Kadima a évalué les éventuelles réponses qu'il peut obtenir de son interlocuteur avant de lancer cette invitation. Nous sommes curieux de voir le résultat de cette initiative.
Au niveau continental, après des mois de tension au Sénégal, Macky Sall a annoncé lundi qu'il ne briguerait pas de troisième mandat lors de l'élection présidentielle de 2024. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Deborah Nyamugabo : j'étais heureuse. La voix du peuple sénégalais à été entendue. À présent, il reste une bonne volonté politique pour faire vivre aux sénégalais une vraie démocratie.
Propos recueillis par Prisca Lokale