De la signature de l’accord de paix entre Kinshasa et Kigali à Washington à la rencontre entre l’ancien premier ministre Adolphe Muzito et Félix Tshisekedi en passant par l’adoption du projet de loi permettant au président malien de transition de se maintenir au pouvoir; la semaine qui vient de s’achever a été riche en actualités. Retour sur chacun de faits marquants avec Judith Mbuyi.
Merci de répondre à notre rendez-vous Madame. Pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?
Judith Mbuyi : Je suis ingénieure de formation en Polytechnique, option Infrastructures. Responsable d'un salon de coiffure, maquilleuse et styliste.
quelle lecture faites-vous de l’accord de paix signé à Washington entre Kinshasa et Kigali, et du rôle que joue aujourd’hui le Qatar dans les négociations avec l’AFC/M23 ?
Judith Mbuyi : L'accord de paix signé à Washington est un signal fort de la volonté diplomatique des parties prenantes, même si sa mise en œuvre reste complexe. Mais aussi le fait que le Qatar prenne aujourd'hui le relais en tant que médiateur indique un élargissement des efforts internationaux pour stabiliser l'Est de la RDC. Cette dynamique multilatérale est encourageante, mais elle nécessite une coordination rigoureuse entre acteurs régionaux et internationaux, ainsi qu’une implication sincère de toutes les parties concernées.
Après échange avec Félix Tshisekedi, le 2 juillet dernier, Adolphe Muzito a salué la signature de l'accord de paix et se dit disposé à participer à la formation du gouvernement. Quel regard portez-vous sur cette ouverture politique ?
Judith Mbuyi : Cette prise de position d’Adolphe Muzito traduit une volonté de cohésion nationale dans un contexte sécuritaire et social particulièrement délicat. Une ouverture à des profils expérimentés et politiquement diversifiés pourrait contribuer à un gouvernement plus représentatif et potentiellement plus efficace, à condition que les engagements soient orientés vers le service public et non dictés par des intérêts partisans.
Le président rwandais Paul Kagame a réaffirmé son engagement à respecter cet accord de paix tout en soulignant que si les FDLR continuent d’être là, donc le problème persiste. Comment analysez-vous cette déclaration dans le cadre du processus de désescalade ?
Judith Mbuyi : La déclaration de Paul Kagame montre à quel point la question des FDLR reste un point de tension. Son insistance sur leur présence rappelle l’enjeu transfrontalier du conflit. Pour que le processus de paix soit durable, il faudra s’attaquer de manière structurée à toutes les forces irrégulières dans la région, en intégrant une coopération sécuritaire bilatérale renforcée et une approche régionale globale.
L’hôpital Général de Référence de Mutwanga, situé dans le territoire de Beni (Nord-Kivu), a mis fin à la gratuité de la maternité, un programme mis en place par le gouvernement congolais. Cette mesure est prise dans l'attente d'une réaction concrète du gouvernement et de la signature de l'avenant sur la convention de collaboration spécifique aux structures confessionnelles. Que vous inspire cette décision ?
Judith Mbuyi : La fin d’un programme aussi essentiel est préoccupante. Offrir des soins gratuits à la maternité, c’est investir dans la santé de la mère et de l’enfant, donc dans l’avenir du pays. Cela devrait rester une priorité. Cette décision démontre la fragilité des politiques sociales lorsqu’elles ne sont pas accompagnées de mécanismes de financement durables. Il serait pertinent d’évaluer l’impact réel de ce programme et de renforcer ses fondements économiques.
Dans la province de la Tshopo, des militaires FARDC sont accusés d’avoir détourné des fonds destinés à la paie des enseignants. Que dit ce genre d’incident sur la gouvernance dans les zones éloignées ?
Judith Mbuyi : Ce type de situation illustre les limites de l’État dans certaines zones où la gouvernance est affaiblie. La militarisation de certaines régions, sans mécanismes de contrôle stricts, peut conduire à des abus graves. Il est essentiel de renforcer les institutions locales, les systèmes de traçabilité des fonds publics, et de garantir l'indépendance des secteurs sociaux vis-à-vis des interférences militaires.
Le Mali a adopté un projet de loi permettant au général Assimi Goïta, président de la transition de rester au pouvoir pour 5 ans renouvelables sans limite des temps. Quels enseignements la RDC peut-elle tirer de ce type de transition prolongée ?
Judith Mbuyi : Une transition politique qui s’éternise peut engendrer un affaiblissement des institutions démocratiques. Pour la RDC, cela rappelle l’importance de respecter les calendriers électoraux, de renforcer l’indépendance de la CENI, et de maintenir un équilibre des pouvoirs. La stabilité durable ne peut venir que d’un système politique transparent, inclusif et légitime.
La Russie ne renoncera pas à ses objectifs en Ukraine, a déclaré le 3 juillet le président russe Vladimir Poutine dans une conversation téléphonique avec son homologue américain Donald Trump, tout en se disant ouvert à la poursuite des négociations avec Kiev. Quelle est, selon vous, la portée géopolitique d’une telle position pour les pays africains ?
Judith Mbuyi : La position de la Russie continue de polariser l’ordre mondial. Pour les pays africains, cela implique de maintenir une diplomatie d’équilibre, en défendant leurs intérêts tout en respectant le droit international. La RDC, comme beaucoup d’États africains, doit veiller à ne pas se retrouver instrumentalisée dans des conflits géopolitiques qui ne sont pas les siens, tout en consolidant ses propres alliances stratégiques sur une base de souveraineté et de réciprocité.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka