De la commémoration des 63 ans de l'indépendance de la RDC à la mort d'un leader des rebelles ADF, en passant par les cas d'enlèvements de plus en plus décriés dans la capitale, la semaine qui s'achève à été riche au niveau de l'actualité. Varlette Mampasi passe en revue chacun de ces faits marquants.
Bonjour Madame Varlette Mampasi et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de vos activités ?
Varlette Mampasi : Élève, j'avais déjà choisi de faire des études de droit pour défendre les autres mais à côté j'étais également une passionnée de la politique. Avec un ami du collège Bonsomi, nous avions très souvent des échanges politiques(...). Ces éléments ont impactés mon parcours. Je suis devenue avocate au Barreau de Kinshasa/Matete et activiste des droits de l'Homme. Pour la politique je le fais autrement pour les intérêts de mon pays parce que dans toutes mes activités je me vois comme une actrice de changement et de développement communautaire.
Cette semaine, le pays a célébré ses 63 ans d’indépendance. Que pensez-vous de la souveraineté de la RDC ?
Varlette Mampasi : chaque 30 juin nous célébrons deux choses : la lutte pour la dignité du peuple congolais et la souveraineté de notre pays face à son destin qui aujourd'hui est entièrement entre ses mains. La notion de souveraineté signifie qu'un État n’est subordonné à aucune autre entité et n’est soumis qu’à sa propre volonté. Il exerce son autorité suprême. La souveraineté est donc l'indépendance, capacité à ne pas se voir imposer une volonté extérieure (principe de non-ingérence), et liberté d’organisation interne. C'est dans cette démarche que s'inscrit notre pays dès l'heure où il a gagné sa lutte émancipatrice.
Dans son allocution à la Nation, le Chef de l’Etat a abordé des points tels que l’insécurité à l’Est, les conflits communautaires, les répercussions de la guerre russo-ukrainienne sur l’économie ou des encouragements à la CENI. Globalement, comment analysez-vous ce discours ?
Varlette Mampasi : aux termes de l'article 77 de la constitution, le Président de la République est tenu de prononcer un discours sur l'état de la Nation. Qu'à cela ne tienne nous félicitons Son Excellence Monsieur Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo d'être notre modèle dans le respect des prescrits de la loi. L'objectif premier de cette démarche qui ressort de mon analyse est que la population congolaise une fois de plus reçoit les informations fiables du garant de la Nation, qui rend justement des comptes sur ce qui a été accompli et reste à faire pour construire cette nation forte et développée.
A la suite d’un sommet quadripartite (CEEAC, SADC, CIRGL et EAC) sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC, les participants ont adopté un cadre conjoint de coordination des initiatives de paix. Quelles sont vos attentes après ces assises ?
Varlette Mampasi : premièrement, c'est au gouvernement congolais, et au gouvernement seul, qu'il revient de définir la politique sécuritaire de la Nation et de veiller à sa mise en œuvre, avec obligation d'en rendre compte à la représentation nationale. Sur un autre plan, nous ne pouvons refuser l'aide régionale ni internationale d'autant plus que nous sommes dans les relations diplomatiques et dialogues de tout bord pour ramener la paix dans la partie Est du pays. A ce sujet j'émets le souhait de voir l'application dans un bref délai de ces initiatives de paix et l'implication totale des différents acteurs externes pour rompre le cycle de terreur dans notre pays.
Les FARDC ont annoncé la mort d’un leader ADF de nationalité tanzanienne, lors de la conquête d’un nouveau bastion à Béni. Ce n’est pas une première pour 2023. Mais à chaque fois, la rébellion se réorganise et résiste. Quelle solution durable proposez-vous ?
Varlette Mampasi : le Gouvernement est déterminé à tout mettre en œuvre pour rétablir rapidement et durablement la paix et la sécurité. Nos frères et sœurs à l'Est du pays ont trop souffert, victimes de viols, vols, assassinats et exactions diverses. Nous devons impérativement et urgemment mettre fin à ces souffrances.Ce sera bientôt chose faite, quoi qu'il en coûte. En attendant, nous devons leur assurer protection, assistance et solidarité. Nous comptons pour cela sur la bravoure des Forces Armées de la République. Dans des conditions parfois extrêmement difficiles, elles accomplissent honorablement leur mission.
Toujours à Béni, un enseignant a été tué par des hommes armés, dans les mêmes conditions qu’un motard tué plus tôt. Les anciens détenus, bénéficiaires des récentes grâces présidentielles seraient à la base de cette insécurité, selon le maire. Quel est votre point de vue sur cette question ?
Varlette Mampasi : je ne suis pas partisane des rapports mis sur la place publique qui ne sont pas certifiées par les entités spécialisées. C'est pourquoi, j'œuvre avec détermination dans notre système judiciaire. Si cela s'avère (authenticité des dires du maire de la ville de Béni), je condamne de telles actions. Je lance aussi un appel aux autorités d'instruire des enquêtes, identifier et punir sévèrement les auteurs.
Entre-temps, après les travaux préparatoires de l’évaluation de l’état de siège tenus à Kinshasa, les participants s’en remettent au Chef de l’Etat pour la convocation de ces assises en juillet. Selon vous, faudrait-il lever cette mesure avant les élections ?
Varlette Mampasi : non, car une sortie de crise définitive pourrait se faire. Il est important que l'état de siège soit maintenu pour la bonne tenue des élections sur l'ensemble du territoire national.
A Kinshasa, les cas d’enlèvements sont de plus en plus décriés. Quelles propositions feriez-vous aux autorités pour sécuriser la population ?
Varlette Mampasi : Kinshasa est devenu invivable. A côté de ce business de vente des organes humains, comme on en entend parler, je soulève cette analyse liée à l'approche des élections, où le taux d'insécurité augmente afin de servir un camp et desservir l'autre. Dans tous les cas, je fais appel à l'amour fraternel de savoir que nous sommes tous des frères et sœurs par la patrie, s'entretuer devrait être considéré comme un sacrilège.
A l’issue d’un procès en flagrance, un citoyen français a été condamné à 5 ans de prison et 480.000 $ d'amende pour détention illicite de l’or, blanchiment des capitaux et achat illicite des substances minérales à Goma (Nord-Kivu). Quel est votre avis sur ce verdict ?
Varlette Mampasi : le secteur minier est l'un des secteurs phares pour l'économie nationale. Nous attendons beaucoup de ce secteur pour le développement de la RDC. Pour ce faire, la justice doit être de rigueur à ce niveau afin d'évaluer l'application stricte du code et du règlement miniers. Comme peuple et comme pays, ce verdict est le fruit du travail de tous. Nous devons tous agir, chacun à son niveau de responsabilité et avec les ressources dont il dispose. Bravo à la justice pour ce procès.
Au niveau continental, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé la fin de la mission des Casques bleus au Mali, selon les réclamations du gouvernement militaire. Que pensez-vous de cette résolution du CSNU ?
Varlette Mampasi : il est temps pour l'Afrique de se positionner dans le concert des Nations surtout dans le domaine sécuritaire pour imposer sa souveraineté à tous les niveaux. Cette résolution n'est pas seulement au bénéfice du Mali mais de l'Afrique une fois de plus.
Par ailleurs, au niveau mondial, la Justice britannique a jugé illégal le projet consistant à expulser vers le Rwanda les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni. Comment réagissez-vous à cela ?
Varlette Mampasi : je trouve que la justice britannique a pris une bonne option. Aussi, la RDC devrait se positionner en souverain tout au long de ses frontières et dans les décisions d'organisation interne et externe.
En France, un jeune homme de 17 ans est mort, abattu par les forces de l’ordre alors qu’il refusait d’obtempérer lors d’un contrôle routier. Ce qui a suscité des soulèvements populaires et des interpellations. Que faut-il pour assurer la garantie de non répétition ?
Varlette Mampasi : vous savez, la stricte application de la loi constitue un frein et un rappel aux récalcitrants. Mais également à la société civile de continuer de jouer son rôle pour dénoncer les abus de certains agents de l'ordre.
Un an après avoir supprimé le droit fédéral à l’avortement, la plus haute juridiction américaine, a banni, la discrimination positive en faveur des minorités (admission sur les campus prenant en compte la couleur de la peau ou l’origine ethnique des candidats) à l’entrée des universités, instituée par le président Kennedy en 1961. Quel est votre point de vue sur cette décision de justice ?
Varlette Mampasi : la logique de cette mesure se décline en une phrase; la contradiction des valeurs américaines. Les Américains ont vendu au monde une autre image de leur État :"Pays de la liberté ". Au cours de l’histoire, ils deviennent une terre d’accueil pour ceux qui ont tout perdu, une terre où l’on peut recommencer sa vie. Or, si les États-Unis conservent aujourd’hui cette nouvelle décision de justice, l’image du pays où tout est possible (land of opportunities) tombera dans la controverse sur la lutte pour la liberté et ses restrictions, tant la vision de la «liberté à l’américaine».
Un dernier mot ?
Varlette Mampasi : Mon dernier mot sera une interpellation pour nous tous gouvernés et gouvernants, je nous invite à agir tous ensemble et efficacement face aux phénomènes dévastateurs qui rongent notre pays, contre la dépravation des mœurs. Sans repères moraux clairs, le progrès n'est pas possible. Le combat contre ces fléaux nous engage donc tous. Pour le reste, avec l'engagement de chacun de nous et avec l'aide du Seigneur, lentement mais sûrement, la réalité est en train de rattraper le rêve.
Propos recueillis par Prisca Lokale