Deux ans après le lancement de la campagne Tolérance zéro immédiate par le Chef de l’Etat, le Desk Femme d’Actualite.cd a pris contact avec des activistes pour une pré-évaluation, avant le bilan officiel du gouvernement. Noella Alifwa, coordonnatrice du centre Karibuni Wa Mama de Sofepadi basée à Bunia (Ituri) livre ses premières impressions.
« Nous avons l’impression que la campagne n'a apporté aucun changement concret. Lorsque la Tolérance zéro a été déclarée en 2021, nous nous attendions à constater le renforcement du point de vue de la sécurité, des résultats concrets au niveau de la justice, ainsi que la baisse significative des cas de violences sexuelles », affirme-t-elle.
Malheureusement, poursuit Madame Alifwa, « au lieu de constater ce changement, la situation s'est aggravée. Les cas de violences sexuelles se sont multipliés avec les groupes armés parmi les premiers auteurs, ainsi que dans la communauté. En 2022 donc, au moins 624 cas ont été pris en charge au niveau du centre, sans associer les autres structures de prise en charge au niveau de la province. De janvier 2023 à ce jour, il y a déjà 400 cas environ ».
Hérité de MSF Suisse depuis 2013, le centre médical Karibuni Wa Mama de la Solidarité des femmes pour la paix et le développement intégral (SOFEPADI) offre une prise en charge holistique des victimes des violences sexuelles (médicale, psychologique, juridique, et la réinsertion socio-économique) grâce à un appui de différents partenaires. Au cours du premier semestre 2023, Mme Alifwa confie que la structure a organisé deux audiences foraines avec plus de 20 victimes pour également sensibiliser les communautés sur l’impact de ce fléau sur les femmes.
« Les femmes sont très exposées dans cette zone de conflit. Elles quittent leurs camps pour aller aux champs, pour chercher du bois de chauffage ou pour chercher à nourrir leurs familles. Nous organisons des audiences foraines chaque année. Et depuis que l’année a commencé, nous en avons organisé deux à Bunia où 23 victimes se sont présentées avec des témoins, et une à Mahagi. Il y a eu des condamnations. Un autre problème se pose, celui des réparations qui n'arrivent pas. Parfois, c'est aussi la remise en liberté des auteurs des viols qui biaisent tous les efforts émis pour faire obtenir justice aux victimes », souligne-t-elle.
La sécurité reste primordiale
Le Président de la République Démocratique du Congo se trouvait à Bunia (Ituri) « l’une des provinces en proie aux conflits armés et devenue malgré elle, l’un des symboles des violences faites à la femme et d’autres violations des droits humains » lorsqu’il lançait la campagne Tolérance zéro immédiate le 19 juin 2021.
Parmi les objectifs de ladite campagne, la déclaration de 2011, appelait les Etats de la CIRGL à éradiquer, dans un délai convenu, les groupes armés existant actuellement dans la région, conformément au Protocole de la CIRGL sur la Non-agression et la Défense mutuelle. Douze ans plus tard, la paix et la sécurité peinent à s’installer particulièrement dans la partie Est de la RDC.
Pour Noella Alifwa, « la sécurité est l’élément de base qui manque pour faire cesser toutes les formes de violences que subissent les femmes et les filles dans cette zone. Il n’y aura pas de nouvelles recommandations pour faire cesser ces crimes. Il faut que la situation sécuritaire soit améliorée et la justice doit bien faire son travail. Nous avons besoin de la paix »
Elle a par ailleurs soutenu qu’il faut également une compréhension de cette campagne Tolérance zéro. Il faut des séances de vulgarisation autour des actions qui doivent être mises en œuvre et des explications autour de chaque terme car, « beaucoup de personnes ignorent que cette campagne a été mise en œuvre en RDC ».
Prisca Lokale