Le président Félix Tshisekedi s’apprête à prendre les commandes de l’Union Africaine. Quelle attitude devrait-il avoir face aux présidents des pays voisins, soupçonnés d’opérer à l’Est de son pays ? Quelles mesures proposer au département paix et sécurité de l’UA pour mettre fin à l’insécurité en Ituri ? Des habitants de cette province du Nord-Est proposent quelques pistes.
"Que nos militaires soient dotés de ration, de soldes, de munitions et tout ce qu'il faut pour que la paix revienne en Ituri. Nous faisons confiance au Chef de l'Etat et pensons que son élévation à ce poste ( président de l'UA Ndlr) apportera des solutions concrètes à nos familles. Nos enfants pourront étudier et nous pourrons nous rendre aux champs et travailler en toute sécurité " , Sarah Musingo, une des femmes leaders de Bunia.
En octobre 2020, lors d’un séjour à Sake (Une localité de Masisi au Nord Kivu), Félix Tshisekedi avait promis de s’installer dans les prochains jours à Goma (Nord-Kivu) pour accélérer le processus de sécurisation de la région. Aimé Lopa, membre de la société civile dit garder « jalousement » cette promesse « qui devrait se concrétiser.»
Envisager des réformes profondes au sein de l’armée et de l’administration
Pour Sarah Musingo, « ceux sur qui pèsent les soupçons de corruption et de complicité avec les groupes armés devraient être écartés de l'armée avec ceux qui sont impliqués dans les meurtres doivent répondre de leurs actes devant la justice ».
"Nous avons besoin de la paix et de la sécurité. S'il y a des autorités qui doivent être remplacés à l'Est, c'est le moment idéal pour le faire. Que ce soit au sein de l'armée ou sur le plan administratif. Que ceux qui ne s'appliquent pas bien à leurs fonctions soient démis. Le peuple meurt tous les jours,", plaide Samuel Azabho, enseignant à l’Université de Bunia.
"Depuis 2017, le territoire de l'Ituri est le théâtre de nombreuses scènes de violence. Que le Chef de l'État puisse œuvrer de façon à imposer et restaurer l'autorité de l'État sur toute l'étendue du pays et particulièrement à l'Est de la RDC. Que cela soit l'une des priorités de son mandat à l’Union Africaine", propose Michaël Tibasima, président honoraire du conseil provincial de la jeunesse de l'Ituri.
Et à Aimé Lopa d’ajouter:
"Nous voyons dans le Chef de l'État une ambition de changer la situation sécuritaire de l'Est. Pour cela, il devra faire une évaluation de différentes opérations menées à Bunia, organiser une restructuration et des permutations régulières au sein des commandements de l'armée, de la police et de tous les autres services de sécurité. Depuis 2017 nous sommes à plus de 2.000 personnes tuées et plus de 80.000 déplacées."
Solliciter une force conjointe de la SADC
Parmi les propositions dressées par la population de l’Ituri, il y a notamment celles de Jonathan Baraka, membre du parlement des enfants de l'Ituri. Il estime qu’une force conjointe de la SADC et l’implication des forces armées des pays voisins sont parmi les éléments essentiels à prendre en compte.
" En tant que président de l'Union Africaine et de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi peut solliciter une force conjointe de la SADC. La Monusco, qui est également présente en Ituri intervient souvent pour établir des bilans après les attaques mais pas de manière directe quand une attaque se déclare. Le chef de l'État peut aussi envisager une collaboration avec les pays voisins de la RDC pour neutraliser les groupes armés qui font la guerre à l'Est. Il faudra aussi avoir des forces de réserves", a-t-il dit.
Compter sur la justice internationale en cas de résistance
Depuis plusieurs années, les groupes armés rwandais et burundais sont soupçonnés d'être à la base de l'insécurité dans la partie Est de la République Démocratique du Congo. Alors que ces deux pays sont également membres de l'Union Africaine, Jonathan Baraka propose à Félix Tshisekedi "d'être suffisamment clair dans son adresse à l'égard de ses homologues à l’Union Africaine. Il devrait par exemple solliciter de retirer leurs troupes armées à l’Est de notre pays."
Mais au cas où une résistance se pose, Jonathan Baraka suggère "de recourir à une justice internationale basée notamment sur le rapport Mapping et faire intervenir la Cour Internationale de Justice."
Christian Shauri, président du mouvement citoyen Jeunes Leaders de l'Ituri, souhaite qu'à travers le département paix et sécurité, une justice équitable soit rendue à la RDC et l'ensemble de sa population.
« Que les victimes soient rétablies dans leurs droits, que les auteurs de ces actes répondent devant la justice. Que tous les accords signés par la RDC et les membres de l'UA en matière de sécurisation des frontières, de la population et de leurs biens soient respectés et appliqués", propose M. Shauri.
Il espère en même temps que Félix Tshisekedi, qui sera le deuxième président congolais à occuper ce poste de président de l'Union Africaine (après le président Mobutu), va "s'inspirer de la gestion de la situation sécuritaire de la RDC du temps de Mobutu et enregistrer à son tour, des avancées significatives en matière de paix et sécurité."
Pour rappel, le Département Paix et Sécurité (DSP) de l’Union Africaine soutient le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) dans l'exercice de ses responsabilités en vertu d’un protocole établi par le CPS. Il travaille dans la Prévention des conflits et alerte rapide, la gestion des crises et reconstruction post-conflit, la défense et la sécurité, ainsi que dans les opérations de soutien de la paix.
Franck Asante et Prisca Lokale