Javid Abdelmoneim, président international de Médecins sans Frontières (MSF), a présenté, ce vendredi 12 décembre, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, la situation humanitaire préoccupante dans l’Est de la RDC, marquée par la poursuite des offensives de la rébellion de l’AFC/M23 appuyée par le Rwanda.
Dans son exposé, il a déploré que, malgré les initiatives diplomatiques en cours, notamment la signature récente des accords de Washington entre Kinshasa et Kigali sous les auspices des États-Unis d’Amérique, la situation sur le terrain peine à s’améliorer. À l’en croire, les équipes de MSF continuent de rapporter des niveaux inquiétants de violences et de déplacements dans les provinces du Kivu et de l’Ituri.
" Malgré l’apparence d’une dynamique politique ces derniers mois, et malgré la signature d’accords de paix, les équipes de MSF continuent de constater des niveaux effarants de violence, de déplacements de population et de privations dans les Kivu et l’Ituri. Nos patients décrivent la fuite de villages bombardés et une brutalité extrême ", a déclaré Javid Abdelmoneim, président international de MSF.
D'après lui, la crise actuelle ne s'atténue pas alors que le système sanitaire continue de s'effondrer. Il dénonce l'offensive de la rébellion qui a conduit à l'occupation d'Uvira occasionnant des déplacés vers le Burundi.
" Depuis la perspective de MSF dans les hôpitaux, les cliniques et les sites de déplacement, l'image est sans équivoque : cette crise ne s’atténue pas. Les systèmes de santé s’effondrent. Les violences sexuelles sont généralisées. Et l’accès humanitaire ainsi que les financements se réduisent alors que les besoins augmentent. Le fossé entre les signaux politiques et la réalité vécue par des millions de personnes se creuse. En réalité, l’encre de l’accord signé à Washington est à peine sèche que le M23 a déjà lancé une offensive massive sur Uvira, poussant environ 200 000 personnes à fuir leur foyer, dont 40 000 vers le Burundi, une preuve éclatante que la promesse de paix masque un paysage de violence persistante et de grandes ampleurs " a déploré Javid Abdelmoneim.
Cette rencontre intervient dans un contexte où Uvira, considérée comme ville stratégique dans le dispositif sécuritaire du gouvernement congolais dans la province du Sud-Kivu, est désormais passée sous le contrôle de la rébellion de l’AFC/M23, renforçant davantage son influence et sa mainmise dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Il s’agit d’un verrou essentiel susceptible d’ouvrir la voie à l’AFC/M23 vers l’espace grand Katanga, considéré comme le poumon économique du pays.
La détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC a coïncidé avec l’entérinement des accords de Washington signés entre Kinshasa et Kigali sous les auspices des États-Unis d’Amérique. Alors que ces accords étaient censés valider et encourager le cessez-le-feu souhaité par les médiateurs et plusieurs partenaires de la RDC et du Rwanda, la situation s’est au contraire dégradée, marquée par des accusations mutuelles entre les deux États quant à la responsabilité de la détérioration de la situation sécuritaire actuelle.
Après l’occupation de Bukavu en février 2025, le gouvernement de Kinshasa avait désigné la Uvira comme siège provisoire des institutions dans les zones encore sous contrôle gouvernemental dans la province du Sud-Kivu. L’AFC/M23, soutenu par le Rwanda et son armée, ayant désormais pris le contrôle d’Uvira, inflige, selon le chef de la diplomatie burundaise, une "gifle " à Washington, seulement quelques jours après la signature des accords censés ramener la paix dans la région des Grands Lacs.
Clément MUAMBA