En République démocratique du Congo, la Cour constitutionnelle a condamné, mardi 20 mai, l’opposant et ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo à dix ans de travaux forcés pour détournement de fonds. Retour sur les points clés de cette affaire avec ACTUALITE.CD.
1. Une condamnation lourde et la fin d’une saga judiciaire
Augustin Matata Ponyo (2012-2016) a été condamné pour le détournement de plus de 245 millions de dollars destinés à deux projets : le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo (156 millions) et le marché international de Kinshasa (89 millions), tous deux inachevés. Ses complices, Deogratias Mutombo (ancien gouverneur de la Banque centrale) et Christo Grobler (homme d’affaires sud-africain), ont écopé de cinq ans de prison. La peine infligée à Matata est inférieure aux vingt ans requis par le procureur.
2. La défense dénonce un procès politique
Les avocats de Matata Ponyo qualifient l’arrêt de la Cour d’« inique » et estiment qu’il « invalide toute crédibilité pour l’image de la justice ». Selon eux, la Cour constitutionnelle s’était déclarée incompétente en 2021 pour juger un ancien Premier ministre, avant de changer d’avis. Ils invoquent également l’immunité parlementaire de Matata, élu député depuis, dont la levée n’aurait pas été respectée. Matata dénonce une manœuvre politique, estimant que ce dossier est utilisé à chaque refus de sa part de rejoindre la majorité présidentielle.
3. Immunité parlementaire et exécution de la peine
Plusieurs députés à l’Assemblée nationale ont critiqué l’arrêt de la Cour, estimant qu’il viole l’article 107 de la Constitution, qui protège les élus. La Cour considère néanmoins que l’immunité ne protège que les fonctions et non la personne, et que les poursuites ayant commencé avant l’élection de Matata, la condamnation doit être appliquée. Le professeur Grâces Muwawa confirme que l’arrêt est exécutoire.
4. Des confiscations de biens avant tout punitives
La Cour a ordonné la confiscation des biens de Matata, Mutombo et Grobler, proportionnellement aux sommes détournées. Selon le professeur Grâces Muwawa, la confiscation est une sanction pénale, et non un remboursement des pertes. Les biens saisis deviennent propriété de l’État, et la peine de prison reste applicable indépendamment du montant récupéré.
5. Une affaire à rebondissements
Ouvert en 2021, le dossier Matata Ponyo a connu plusieurs revirements judiciaires, entre changement de juridiction et interrogations sur l’immunité parlementaire. Le jugement du 20 mai clôt cette saga, mais la défense a annoncé vouloir introduire une requête en inconstitutionnalité de l’arrêt.