RDC : montée en flèche de l’insécurité à Goma et à Nyiragongo, des entités qui ont pourtant accueilli un bon nombre de déplacés 

L'emblématique rond-point "Chukudu" au centre ville de Goma
L'emblématique rond-point "Chukudu" au centre ville de Goma

C'est presque chaque jour que des cas d’insécurité sont rapportés dans la ville de Goma ainsi que dans la partie sud du territoire de Nyiragongo. Meurtres, pillages et/ou extorsions des biens de la population, kidnappings et autres sont les faits les plus enregistrés et pour la plupart à des heures vespérales. 

Le président conseil communal de la jeunesse de Karisimbi, Claude Rugo, parle de plus de 100 habitations visitées par des bandits armés en l’espace d'un mois, notamment dans les quartiers situés à l'Ouest de la ville volcanique dont Ndosho et Mugunga (commune de Karisimbi) ainsi que Kyeshero et Lac Vert (commune de Goma). 

« Ça fait maintenant plus d'un mois que les balles crépitent, presque chaque nuit. Les paisibles citoyens font l'objet d'incivisme de la part des porteurs d'armes à feu. Des tracasseries et cambriolages des domiciles sont enregistrés, presque chaque jour. Imaginez, depuis un mois, nous avons enregistré plus de 100 maisons qui ont été visitées par des bandits armés. Les assassinats et fusillades sont devenues monnaie courante. Mardi dernier, à la limite entre le quartier Ndosho et le territoire de Nyiragongo, vers le village Bugamba, il y a trois de nos jeunes qui ont été fusillés, tout simplement parce qu'ils ont refusé de céder leurs téléphones aux inciviques », témoigne Claude Rugo, Président du conseil communal de la jeunesse de Karisimbi. 

Les quartiers situés à l'Ouest de la ville de Goma ont accueilli plusieurs milliers de déplacés, venus du territoire de Masisi. Les cadres de base se plaignent des cas d’insécurité qui y sont enregistrés, malgré la présence de plusieurs porteurs d'armes, dont les militaires des FARDC et les combattants locaux, appelés communément « Wazalendo » qui sont d’ailleurs engagés aux combats contre les rebelles du M23, appuyés par le Rwanda, dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo. Le chef de quartier Lac Vert, Dedesi Mitima, appelle à l’évaluation des stratégies sécuritaires dans cette partie de la ville. 

« Il est grand temps d'évaluer la situation sécuritaire dans la ville de Goma. Pourquoi à 19h , nous sommes soumis aux crépitements des balles? Le soir, quand on rentre à domicile, on est victime d'extorsion de la part des porteurs d'armes. Téléphones, argent et même de la nourriture achetée pour ses enfants sont emportés par des malfrats. Pourquoi est-ce que le quartier est devenu un champ de bataille? Nous ne savons qui est l'auteur de cette situation, entre les militaires, qui sont devenus nombreux ici, les Wazalendo qui circulent avec des armes, les bandits armés qui se cacheraient dans des camps des déplacés qui nous entourent. Voilà pourquoi, nous demandons qu'il y ait évaluation de la situation sécuritaire, non seulement du quartier Lac Vert mais aussi de toute la ville » a indiqué Dedesi Mitima, chef du quartier Lac Vert. 

Même son de cloche de la part du chef de quartier Mugunga, Safari Mbalibukira, qui a également accueilli plusieurs déplacés de guerre. Il affirme que son quartier est surmilitarisé et des coups de feu sont entendus presque chaque jour, suivis de nombreux cas d’insécurité. 

« C’est aux militaires chargés de la patrouille de bien vérifier qui sont à l’origine de ces crépitements des balles, presque chaque nuit. Mieux qu’on renforce le dispositif sécuritaire. Tout récemment, un jeune homme a été tué sur l'avenue Mushebere. C’était aux environs de 19h. Après avoir déposé le corps de la victime, la même nuit, à 2h du matin, un autre jeune homme a été fusillé sur la même avenue et trois maisons cambriolées. L’insécurité se porte donc bien à Mugunga. Nous demandons à la population de nous appuyer. C’est une affaire de nous tous. Il est important de donner l’information à temps, surtout en cas d’observance des mouvements suspects », a témoigné pour sa part Safari Mbalibukira, chef de quartier Mugunga. 

Et d’ajouter : 

« Bien avant, nous vivions dans la paix. Comme vous le savez, nous avons accueilli un bon nombre de déplacés. La sécurité doit être renforcée au sein même des camps. On ne comprend pas comment l’insécurité  monte en flèche en cette période où nous recevons des déplacés. Il est important qu’un sérieux contrôle soit effectué au sein même des camps. Qui vous dit que les bandits ne peuvent même pas se camoufler parmi les déplacés, se faire passer pour des déplacés alors qu’ils sont un véritable danger sécuritaire ? Voilà autant d’interrogations que nous nous posons. Il y a aussi un problème des soit disant Wazalendo. Les armes circulent mais visiblement, sans contrôle. Même un bandit peur s’appeler muzalendo. Il faut aussi bien réglementer cette question ». 

Dimanche, 25 février dernier, au moins quatre jeunes ont été fusillés par des porteurs d'armes à feu. Parmi les victimes, figure le Président de la jeunesse du village Bugamba 1, dans le territoire de Nyiragongo, qui a d’ailleurs  succombé à ses blessures. Le Chef du village Bugamba 1, Pascal Kibiriti, appelle au contrôle des armes qui circulent dans son entité. 

« Nous en appelons à l'intervention urgente des autorités. Il est impérieux de passer au contrôle des armes. Beaucoup d'armes circulent dans notre entité. C'est important qu'on sache qui est là, avec quel type d'armes et pour quelle finalité. Qu'on mette de l'ordre. Nous ne comprenons pas comment les balles crépitent pêle- mêle dans une zone où se trouvent des positions des militaires et des Wazalendo. Nous avons demandé que les militaires soient renforcés mais on tue les gens presque chaque jour pendant que la zone est surmilitarisée. Le bandit peut arriver à 19h et il opère jusqu'à 21h sans aucune intervention de nos militaires. La situation nous dépasse. C'est tous les jours qu'on tue les gens, on pille, on tracasse les paisibles populations. Nous demandons au Gouverneur de nous aider à pacifier notre entité » a dit le chef du village Bugamba 1, village qui partage la limite avec la ville de Goma, plus précisément au quartier Ndosho. 

Face à la montée grandissante de l’insécurité dans la ville de Goma, les autorités de l'état de siège ont décidé d’interdire la circulation des véhicules à vitres teintées. Toutefois, un délai de 7 jours est accordé aux propriétaires des véhicules avec des vitres teintées de l’usine pour se faire identifier, moyennant 20$ américains. Dépassé ce délai, ils seront soumis au paiement des amendes allant jusqu’à plus de 50$. Ceux ayant des véhicules à vitres teintées placées localement sont obligés de les enlever carrément.

Cette décision des autorités de l'état de siège, tombe après celle, interdisant la circulation des motos, au-delà de 18h locales. Situation qui pénalise énormément les habitants de la ville volcanique. Le journaliste Awa Jean de Dieu en a d'ailleurs payé le prix, dans la nuit de lundi à mardi dernier. Le confrère a été poignardé au niveau de la tête, et roué de nombreux coups, par des bandits armés lorsqu'il revenait de son lieu de travail à pied, par faute manquer un moyen de transport. 

Jonathan Kombi, à Goma