La 34ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations se déroule depuis le 13 janvier en Côte d’Ivoire. Vingt-quatre pays d’Afrique qualifiés pour cette phase finale ont fait le déplacement pour prendre part à cette grande fête du football africain. Cependant, certains pays ne sont pas concernés suite à la non qualification lors des éliminatoires. Une occasion rêvée pour chambrer les uns et les autres.
En aparté ou en public, il y a une dose de fierté que de voir son pays se qualifier pour la prestigieuse compétition continentale. Certains l’expriment sur les réseaux sociaux quitte à toucher un grand nombre de personnes. La pique de cette édition entre la République Démocratique du Congo et la République du Congo a fait le tour du monde.
Les deux pays voisins partagent dont les capitales sont les plus rapprochées du monde partagent plein de choses ensemble. Déjà les peuples sont congolais qui’il soit d’un coté ou de l’autre, le Lingala est une langue commune, la rumba, des tribus partagent les mêmes valeurs ancestrales et bien sur le fleuve Congo qui sépare les deux pays dans la partie ouest pour la RDC et Est pour le Congo Brazzaville.
Surveillez le fleuve
Dans une vidéo comique partagée par un artiste humoriste de la RDC, Herman Amisi, il a provoqué les voisins en leur demandant de surveiller le fleuve pendant que la RDC va jouer la CAN en Côte d'Ivoire. Comme s’il était attendu, le slogan s’est propagé dans les deux comme de la poussière. Dans les bouches et sur les réseaux sociaux, cette petite phrase dite mème internet a réussi à jouer un rôle au-delà d’une simple provocation.
ACTUALITE.CD a interrogé à ce sujet le professeur Ribio Nzeza, enseignant des industries culturelles et créatives, et de l’information multimédia à l’UCC et l’UNIKIN, actuellement directeur du département culture à l’université Senghor à Alexandrie en Égypte. Il affirme que la valeur sociale est très importante dans ce contexte.
“La valeur sociale est très importante parce que la discussion, l’échange ou l’humour se situe au niveau du fleuve Congo qui est un bien commun, l’élément qui sépare les deux frères qui sont de l’autre côté de deux rives. On partage la même langue, les deux villes, Kinshasa et Brazzaville, sont les capitales les plus rapprochées du monde. C’est aussi les deux villes créatives au niveau de l’Unesco, c’est aussi les deux villes qui ont porté ensemble, au niveau de l’Unesco le dossier d’inscription de la rumba congolaise sur la liste représentative des patrimoines culturels immatériels de l’humanité”, a-t-il dit à ACTUALITE.CD
Un vecteur de cohésion
La blague a pris plutôt des allures conviviales. Les congolais de Brazzaville ne se sont pas sentis lésés a contrario, ils ont accueilli “l’instruction” comme une interpellation pour eux de faire mieux dans le futur. Toujours dans la comédie, ils ont accepté de faire ce travail au nom du bien commun que les deux Congo partagent. Des citoyens lambda aux personnalités publiques, ils ont accepté de surveiller le fleuve pendant que les congolais de la RDC seront à la Coupe d’Afrique des Nations.
Cette phrase qui ressort d’une pratique du quotidien est une idée simple, un rite d’interaction qui revêt un élan de fraternité assez palpable. Le vecteur d’unité s’explique aussi par le fait que lorsqu’on présente l’horaire de la surveillance, on cite toutes les tribus du Congo Brazzaville, ce qui permet de connaître aussi le pays voisin.
Mais pas que, il y a également une forme d’interpellation des autorités face au danger que peut représenter le fleuve dans la vie des deux peuples.
“Surveiller le fleuve est une interpellation pour les autorités des deux pays avec les dégâts du fleuve qui est l’identité des deux pays. Il y a lieu de renforcer les mesures pour que dans ce cas de catastrophe naturelle, les dégâts soient minimisés, qu’il y ait un plan de gestion de risque bien mis en évaluation et bien suivi, et tenant aussi compte que sur le plan de l’environnement, ces deux pays ont un rôle important à jouer”, a ajouté le professeur Ribio Nzeza.
Surveiller le fleuve, explique-t-il, peut être capitalisé sur le plan diplomatique, dans l’économie ou la culture des deux pays. Pourquoi ne pas songer à déposer une candidature au niveau de la CAF pour organiser dans les deux Congo, une édition de la CAN ?, s’interroge le professeur Ribio.
La montée des eaux du fleuve Congo
Un des éléments qui expliquent le succès de ce slogan est l’actualité récente autour du fleuve Congo. Les eaux du fleuve ont débordé depuis décembre dernier et il y a une certaine proximité géographique et affective parce qu’il y en a qui ont été affectés par la crue des eaux du fleuve comme des membres de famille ou des amis.
Depuis plusieurs jours, le fleuve Congo a quitté son lit dans certaines villes côtières de la RDC, ce qui cause des dégâts matériels importants. La crue a même déjà causé des pertes en vies humaines, la dévastation des champs, la coupure des routes, l’inondation des maisons et des glissements de terrain.
Ces actions ont été constatées dans la ville de Kinshasa, et dans des provinces telles que Tshopo, Mongala, Kongo central, Equateur, Mai-Ndombe, Sud et Nord Ubangi, Kasai, Kasai central, Sud-Kivu, Lomami, Tshuapa, et Kwilu.
Lors du conseil des ministres du vendredi 12 janvier, le président de la république a insisté sur la nécessité d'un lotissement responsable et d'infrastructures résilientes au changement climatique pour minimiser les conséquences des inondations. Il avait également promis un suivi attentif avant d’exhorter le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour une prise en charge holistique des personnes sinistrées.
Le niveau d'eau mesuré le 9 janvier 2024 au port public de Kinshasa est de 6,20 mètres, se rapprochant de la crue exceptionnelle de 1961, qui avait atteint 6,26 mètres au même endroit.
Suite à un débat approfondi en conseil des ministres, la ministre d'État, ministre de l'Environnement et du Développement durable, se référant aux articles 16 et 102 de la loi n°15/026 du 15 décembre 2015 relative à l'eau, a proposé la déclaration d'une catastrophe écologique hydrologique et la création d'un comité de crise impliquant toutes les parties prenantes.
Le gouvernement a agréé cette proposition, décrétant ainsi un état de catastrophe écologique hydrologique à la fin du conseil des ministres.
Kuzamba Mbuangu