Bancarisation des opérations foncières et immobilières en RDC: opportunité ou contrainte pour les banques?

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Analyse juridique et critique de l’arrêté interministériel no 0116/CAB/MIN.AFF.FONC/ASM/JMI/2021 et n°089/CAB/MIN/FINANCES/2021 du 03 juin 2021.

Par MUMBUMBA NDALA Patrick, Avocat près la Cour d’appel de Kinshasa/Matete, Expert de l’Ecole Nationale du Cadastre et des Titres Immobiliers (ENAC-TI), Master en droit OHADA

En date du 03 juin 2021, les ministres de finance et celui des affaires foncières avaient, conjointement, signé un arrêté interministériel numéros0116/CAB/MIN.AFF.FONC/ASM/JMI/2021 et n°089/CAB/MIN/FINANCES/2021, portant bancarisation des opérations foncières et immobilières en république démocratique du Congo.

Le fondement de cet arrêté, d’après son contenu, est de renforcer la mobilisation des recettes issues de toute opération immobilière et foncière,  en retenant notamment les droits proportionnels d’enregistrement et des prêts hypothécaires.

Le gouvernement Congolais (RDC) a fait un constat selon lequel plusieurs transactions foncières (à l’exemple de la mutation) et immobilière (à l’exemple des inscriptions à l’hypothèque) échappent au control de l’Etat, et aussi les revenus qu’elles engendrent ne profitent pas assez au pays. C’est au regard de cette préoccupation qu’est né le susdit arrêt interministériel.

La question qui préoccupe la présente étude est celle de savoir si l’arrivée de cet arrêtéinterministériel serait-elle une opportunité à saisir, par les banques commerciales œuvrant en république démocratique du Congo, ou simplement une contrainte à l’encontre de ces dernières dans le cadre de leurs activités quotidiennes, spécialement dans le domaine de gestion des sûretés.

Nous essayerons aussi de répondre à la question de savoir si ledit arrêté est conforme ou non au droit OHADA.

Enfin, nous proposerons des solutions pouvant contribuer à l’amélioration et à l’assainissement climat des affaires dans le secteur bancaire congolais en matière foncière et immobilière, ayant trait avec l’arrêté interministériel analysé et critiqué dans cet article.

Mais avant toute chose, nous allons définir certains concepts.

Ci-dessous, le plan de notre étude se présentera comme suit :

Chapitre 0 : Définition des concepts ;

Chapitre 1 : Etude en matière de transactions immobilières ;

Chapitre 2 : Etude en matière d’inscriptions hypothécaires ;

a) L’inscription hypothécaire serait-elle conditionnée par une demande préalable de l’expertise immobilière ?

b) L’inscription hypothécaire serait-elle conditionnée par un paiement bancaire des frais et droits proportionnels de l’Etat ?

c) Les créanciers hypothécaires seraient-ils libres d’inscrire un titre à l’hypothèque au moment de leur choix ?

d) Que courent les banques en termes de risques en matière  d’inscription hypothécaire ? 

Chapitre 3 : Conformité ou non de l’arrêté interministériel au droit OHADA ;

Chapitre 4 : Notre position et proposition des pistes de solutions.

Chapitre 0 : Définition des concepts

• Bancarisation : Notion économique qui qualifie l’action pour une population de passer par l’utilisation des services bancaires. C’est donc la représentation de la quantité de personnes ayant accès à ces services.

• Arrêté ministériel : Est un acte émanant d’une autorité administrative autre que le président de la république ou le premier ministre. Il est de portée générale ou individuelle pris par un ministre en exécution d’un décret ou d’une loi.

• Arrêté interministériel : Il s’agit d’un arrêté ministériel signé par plusieurs ministres. 

Chapitre 1 : Etude en matière de transactions immobilières

La transaction immobilière est l’opération par laquelle une personne se dessaisit d’un bien immobilier en la vendant ou le fait profiter à une autre personne. Ce transfert de propriété se fait en échange d’une somme d’argent, appelée communément prix de vente, ou par tout acte de manifestation de volonté.

Il est de vif constat que les transactions immobilières, en république démocratique du Congo, ne se font qu’entre vendeur et acheteur, et ce, loin du contrôle de l’Etat. C’est pourquoi, cet arrêté interministériel vient essayer d’organiser ce secteur, en conditionnant la bancarisation de toute transaction immobilière à la hauteur d’un montant supérieur ou égal à 10 000 USD.

L’alinéa 2 de l’article 3 dudit arrêté conditionne, en plus de la preuve bancaire de paiement du prix d’achat de l’immeuble, la certification préalable de la valeur vénale de l’immeuble par un expert immobilier agrée.   

Par voie de conséquence, le législateur congolais  décide de la mutation entre ancien et nouveau propriétaire par la présentation des documents ci-après :

- L’acte de cession notarié ;

- Le bordereau du versement du prix délivré par une banque agréée en RDC;

- La note de perception et d’apurement du DGRAD;

- Le certificat de l’expertise immobilière décerné par un expert immobilier.

En ce qui concerne la condition de paiement à la banque, il existe cependant une exception relative aux mutations issues des actes de donation, d’une décision de justice coulée en force des choses jugées ou des immeubles transférés à titre gratuit.

Les nouveaux concessionnaires des immeubles acquis dans ces conditions, ne peuvent payer le prix d’achat des immeubles, étant donné qu’ils n’ont pas payé le prix pour les acquérir. 

Chapitre 2 : Etude en matière d’inscriptions hypothécaires  

Bien que définie à l’article 190 de l’acte uniforme sur les suretés comme étant « l’affectation d’un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant, en garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures à condition qu’elles soient déterminées ou déterminables », et tenant compte de ses caractères, nous préférons à l’hypothèque la définition doctrinale suivante : « l’hypothèque est un droit réel immobilier, accessoire, n’entrainant pas dépossession du débiteur et qui permet au créancier hypothécaire de se faire payer sur le prix de la réalisation de l’immeuble grevé, en quelque main qu’il se trouve, par préférence aux autres créanciers ».

L’inscription hypothécaire est la publicité que la loi prévoit afin de mettre à la disposition du public l’information selon laquelle un immeuble serait grevé d’une hypothèque. Cette procédure a pour nécessité de protéger la créance et permettre au créancier d’être sûr du remboursement heureux de sa créance garantie par l’immeuble hypothéqué.

Après ce bref rappel des certaines notions essentielles en matière d’hypothèque, nous nous lancerons à une série de quêtions autour des inscriptions hypothécaires telles que prévues par l’arrêt interministériel analysé et critiqué dans la présente étude.

a) L’inscription hypothécaire serait-elle conditionnée par une demande préalable de l’expertise immobilière ?

Il doit être noté que l’arrêté interministériel ici évoqué n’a pas conditionné l’inscription hypothécaire à une quelconque demande préalable de l’expertise immobilière.

L’article 7 dudit arrêté dispose de façon claire qu’une simple demande d’expertise auprès d’un expert agrée suffit pour solliciter l’inscription hypothécaire d’un titre foncier.

Une simple demande écrite d’expertise n’est pas à confondre à une expertise formelle. C’est ce qui justifie la logique du même article qui oblige au créancier hypothécaire d’adresser, une copie de la demande d’expertise, à l’administration foncière, laquelle fait désormais partie des préalables à l’inscription hypothécaire.

Concrètement, un accusé de réception de la lettre adressée à l’expert immobilier suffirait pouramorcer la procédure d’inscription hypothécaire. Cette logique va de soi dans la mesure où le législateur n’a imposé aucun délai qui obligerait à l’expert immobilier de procéder à l’expertise de l’immeuble à hypothéquer avant toute inscription.

La copie adressée à l’administration foncière et à la DGRAD a pour but de veiller à un double contrôle des institutions sous la tutelle de deux ministères concernés.  

Les deux ministres sectoriels ont vu juste en tenant compte de la lenteur de l’administration. Exiger une telle procédure avant toute inscription à l’hypothèque freinerait cet élan de célérité qui est exigé dans le monde des affaires.

À l’absence de la preuve de cette correspondance à adresser à l’expert immobilier, le créancier hypothécaire ne saurait donc prétendre à une inscription hypothécaire. En d’autres termes, une inscription hypothécaire non justifiée par cette correspondance est attaquable et s’expose à une radiation.

Au final, l’obligation incombe à l’expert agrée de communiquer, aux administrations indiquées, les conclusions de son rapport d’expertise.

b) L’inscription hypothécaire serait-elle conditionnée par un paiement bancaire des frais et droits proportionnels de l’Etat ?

Si les jours passés le paiement des frais d’inscription hypothécaire se faisait de façon non rigoureuse, actuellement le paiement des frais dus à l’Etat sont suivis scrupuleusement, à telle enseigne que l’établissement de crédit est tenu responsable en cas du non-respect de cette obligation légale.

La conséquence juridique de cette disposition est que sans cette preuve de versement des frais liés à l’hypothèque, le conservateur des titres immobiliers dispose du pouvoir de faire radier cette hypothèque. Cette décision peut aussi venir du juge, suivant une action judiciaire à l’encontre du créancier hypothécaire.

Aujourd’hui, pas d’hypothèque sans cette preuve. Le montant versé doit être conforme à l’arrêté interministériel no 001/CAB/MIN/AFF.FONC/2017 et CAB/MIN/FINANCES/2017/022 du 23 juin 2017, portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l’initiative du Ministère des Affaires Foncières. 

c) Les créanciers hypothécaires seraient-ils libres d’inscrire un titre à l’hypothèque au moment de leur choix ?

Avant l’entrée en vigueur du présent arrêté interministériel, il n’y avait aucune loi qui obligeait au créancier hypothécaire d’inscrire à l’hypothèque un titre dans un délai précis et obligatoire. Mais à ce jour, le créancier hypothécaire y est contraint.

L’article 9 de l’arrêté interministériel concerné dans la présente étude oblige à toute banque ou tout établissement de crédit qui a consenti un prêt hypothécaire d’en solliciter l’inscription dans les trente (30) jours qui suivent la signature du contrat d’hypothèque.

L’hypothèque étant une sureté, il y’a lieu de noter que l’économie de l’article 1 de l’acte uniforme de l’OHADA sur les suretés défini « la sureté » comme étant « un moyen accordé au créancier par la loi ou la convention des parties pour garantir l’exécution des obligations en cas de défaillance du débiteur ». Ceci dit, la nature même d’une sureté convient à une relation basée sur la confiance laquelle est le principe, et la contrainte (exécution) est une exception sur cette question.

Rappelons qu’il n’y avait que deux possibilités légales pour lesquelles le créancier pouvait être contraint à inscrire suivant un délai ; c’est quand il s’agissait d’une hypothèque forcée judiciaire, laquelle comporte l’hypothèque provisoire et l’hypothèque définitive. Cette démarche du législateur communautaire n’intervient que dans l’hypothèse où le créancier hypothécaire n’avait pas pris le soin d’inscrire l’hypothèque sur le titre du débiteur, de façon conventionnelle, alors que la créance est avérée.

Malheureusement, ledit arrêté impose un délai de rigueur à tout créancier hypothécaire.

d) Que courent les banques en terme de risques en matière d’inscription hypothécaire ? 

Le risque principal que courent les banques est le silence absolu de l’article 9 précité en ce qui concerne les conséquences juridiques en cas de non inscription de l’hypothèque trente (30) jours après la signature du contrat d’hypothèque.

L’Arrêté interministériel no0116/CAB/MIN.AFF.FONC/ASM/JMI/2021 et n°089/CAB/MIN/FINANCES/2021 du 03 juin 2021 n’a donc prévu aucune sanction à l’encontre des établissement de crédit qui auront violé son article 9. 

Ce silence risque de faire naître plusieurs interprétations, et nous amène à se poser la question de savoir si, en cas de défaillance à inscrire l’immeuble garanti à l’hypothèque, le créancier ne saurait plus inscrire cet immeuble, et que par conséquent il (le créancier) serait forclos de son droit à l’inscription hypothécaire ?

D’autres questions nous parviennent dans le sens d’imaginer un scenario qui contraindrait le créancier hypothécaire à payer des amendes moratoires en cas de retard. Bref, ce flou légal ouvre la porte à toute sorte d’interprétation.

Les créanciers hypothécaires sont désormais dans l’impasse si jamais ils dépassaient ce délai.

Mais avant d’aller plus loin, posons-nous la question de savoir comment est-ce que la loi calcul-t-elle ces trente (30) jours. 

Ce délai commence à courir à dater de la signature du contrat d’hypothèque. Cela voudrait dire qu’il revient au créancier d’apporter la preuve du dépôt de sa demande d’inscription auprès du conservateur des titres immobiliers.

Un autre risque important est que les banques octroient, généralement, plusieurs prêtshypothécaires. Il n’est donc pas évident que tous ces prêts sauront être inscrits à l’hypothèque, tenant compte du temps de la signature du contrat d’hypothèque, du paiement (dans le système) des frais d’hypothèques (pour en brandir la preuve du paiement sur le compte de la DGRAD), transmettre la lettre de demande d’expertise à l’expert agrée. Si la banque a entre cinquante (50) et cent (100) dossiers de crédit par mois, il lui sera difficile de respecter le délai légal, tenant compte des autres priorités dans le service global des banques.

Aussi, la DGRAD ne dispose pas de compte auprès de toutes les banques œuvrant en république démocratique du Congo. Si cela est le cas pour une banque, cette dernière sera obligée de procéder à ce paiement par transfert via une autre banque. Cela lui prendra beaucoup de temps.

Dans l’entretemps, la banque ne saurait opposer ces arguments à ses adversaires en justice.

Chapitre 3 : Conformité ou non de l’arrêté interministériel au droit OHADA

Au-delà de toute critique formulée contre l’arrêté concerné, en juriste, on doit chercher à savoir s’il est conforme ou pas au droit OHADA.

La question a toute sa raison d’être dans la mesure où les traités internationaux sont pré séants aux lois internes.

Le traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afriqueest l’instrument juridique qui a fait accéder la république démocratique du Congo à cette organisation internationale. Notons que les actes uniformes ont connu leurs applications, en république démocratique du Congo, en septembre 2012. 

Revenant à notre interrogation, nous disons que « oui » cet arrêté est conforme au droit OHADA.

En effet, cet arrêté a profité de la confusion entretenue par le législateur communautaire qui évoque la possibilité de différer une hypothèque à court terme jusqu’à 90 jours, d’une part, et le fait que tout acte d’hypothèque conventionnel ou judiciaire doit désormais être inscrit suivant les règles de publicité éditées par l’Etat où est situé l’immeuble, d’autres parts.

Certains penseurs estiment que cet arrêté interministériel aurait violé l’acte uniforme sur les suretés au motif que l’article 207 du même acte uniforme prévoit la possibilité pour le créancier hypothécaire de différer l’inscription hypothécaire, d’un prêt à court terme, jusqu’à quatre-vingt-dix (90) jours ; et que le fait d’obliger aux banques d’inscrire l’hypothèque dans les trente (30) jours, à dater de la signature du contrat de prêt, serait une violation flagrante de la loi. Telle n’est pas notre lecture de la loi.

L’arrêté interministériel concerné dans la présente étude n’est pas contra legem. Il se conforme à l’article 195 de l’acte uniforme de l’OHADA sur les suretés. C’est cette disposition légale qui donne pouvoir aux législations internes des Etats-membres à prévoir les règles de publicités hypothécaires suivant les lois nationales. 

Chapitre 4 : Notre position et proposition des pistes de solutions

1. Après toutes ces analyses, nous estimons que cet arrêté interministériel est venu résoudre un problème, tout en créant un autre. Ce texte devrait répondre à des questions laissées sans réponses par les actes uniformes de l’OHADA, au lieu de venir entretenir ce flou, lequel ne facilite pas les choses.

À titre d’exemple, l’article 207 de l’acte uniforme de l’OHADA sur les suretés prévoit une possibilité de différer les inscriptions hypothécaires pour les dettes à court terme. Si cette disposition ne pose aucun problème dans la communauté des Etats de l’OHADA, c’est pour la simple et bonne raison que presque tous ces Etats sont des colonies françaises, d’où ils tirent l’origine de leurs droits. La majorité des Etats-membres de l’OHADA avaient déjà cette disposition dans leurs législations internes, puisque le droit OHADA a tiré une grande partie de son inspiration dans le droit français.

L’article 207 de l’AUS dispose que : 

« La publication de l'hypothèque conventionnelle garantissant un prêt à court terme peut être différée pendant un délai maximum de quatre-vingt-dix jours sans que le créancier perde le rang qui lui est acquis. 

Pour cela, le créancier devra se conformer aux dispositions spécialement édictées à cet effet par les règles de publicité concernant les hypothèques garantissant les prêts à court terme, prévues par la loi nationale du lieu de situation de l'immeuble. »

Par contre, la république démocratique du Congo n’avait pas cette disposition légale évoquée à l’alinéa deuxième de cet article. 

Afin de faciliter la tâche aux banquiers, cet arrêté aurait dû jouer à l’équilibre tout en restant dans l’esprit du législateur communautaire qui a voulu donner du temps nécessaire au créancier hypothécaire, afin que ce dernier ne puisse pas perdre son droit à l’inscription hypothécaire. Il s’agit donc d’un droit d’option que l’OHADA reconnait aux créanciers hypothécaires ; lequel n’a pas été tenu compte par l’arrêté interministériel. 

Cette disposition veut dire que malgré le fait pour lui de n’avoir pas inscrit à l’hypothèque le titre de son débiteur, tout créancier poursuivant une créance hypothécaire « à court terme », dispose d’un délai supplémentaire de quatre-vingt-dix (90) jours pour inscrire son hypothèque devant le conservateur des titres immobiliers. Il ne perdra sous aucun prétexte son rang au moment de l’inscription, même si certains autres créanciers tant préférentiels que chirographaires arrivaient à s’inscrire en premier, sa base étant désormais la date de la signature du contrat d’hypothèque.

L’alinéa 2 de cette disposition renchérie en obligeant le créancier titulaire du droit issu d’une créance à court terme de se conformer aux dispositions spécialement édictées à cet effet par les règles de publicité, concernant les hypothèques garantissant les prêts à court terme, prévues par la loi nationale du lieu de la situation de l’immeuble.

Il peut arriver que les prêts à court terme soient remboursés ponctuellement si bien qu’il n’est pas opportun d’alourdir la dette du débiteur par des frais de constitution, d’inscription et de radiation d’hypothèque ou procéder à l’inscription qui n’aboutirait pas avant le remboursement. Cette réflexion vient du décret du 26 juillet 1932 portant Réorganisation du Régime de la Propriété Foncière en Afrique occidentale Française, qui aborde la question  du report du droit à l’inscription hypothécaire par le créancier qui a effectué un prêt à court terme, en ses articles 42, 43 et 157.

De ces trois articles cités ci-dessus, l’économie voudrait à ce que ce créancier bénéficière de quatre- vingt dix jours de report de son droit à l’inscription, pour avoir octroyé une créance à court terme, ait le droit de déposer auprès du Conservateur des Titres fonciers et Immobiliers un acte d’opposition à toute inscription hypothécaire qui interviendrait pendant ce délai légal lui reconnut. De cette logique, il est normal qu’il prouve la nature de sa créance, c’est-à-dire à court terme ou à long terme, et ce, après avoir déposé toutes pièces idoines (contrat de prêt, etc).

Il est incontestable que l’article 207 précité a été inspiré des anciennes colonies françaises. Les exemples sont multiples ; prenons la loi n° 2017-15 modifiant et complétant la loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Benin stipule en son article 178 que : « lorsque l’inscription d’une hypothèque garantissant un prêt à court terme est soumise aux dispositions du présent code, cette hypothèque ne doit pas être inscrite conformément aux procédures prévues dans le présent chapitre. Dans ce cas, le document d’hypothèque et une expédition sont remis au créancier hypothécaire. Le créancier hypothécaire à son tour donne les documents au régisseur qui ne doit déférer à aucune réquisition d’inscription au préjudice de son droit, dans un délai qui ne peut être supérieur à quatre-vingt-dix (90) jours… Ce dépôt, valable pour ledit délai comme opposition ».

Cette même disposition a été reprise par la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la Propriété foncière Sénégalais en son article 70. 

C’est dans ce même logique que la loi no 2018-005 du 14 juin 2018 portant Code Foncier et Domanial Togolais dispose en son article 307 alinéa 1 que :  « Si l’inscription d’une hypothèque garantissant un prêt à court terme est différée, par application de l’article 207 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, l’acte de cette hypothèque n’en doit pas moins être rédigé dans la forme ci‐dessus prévue et une expédition en est remise avec la copie du titre foncier au créancier hypothécaire ; celui‐ci effectue le dépôt à la conservation en faisant défense, par écrit, au conservateur de déférer à aucune réquisition d’inscription au préjudice de son droit, dans un délai qui ne peut être supérieur à quatre‐vingt‐dix jours…ce droit du créancier hypothécaire vaut opposition à toute inscription ».

Afin de poursuivre l’équité du législateur communautaire, cet arrêté aurait pu commencer par définir ce-que c’est « le court terme » évoqué par l’article 207 précité. Cette définition aurait facilité les banquiers dans la mesure où l’interprétation de cet article, en république démocratique du Congo, parait difficile étant donné que l’acte uniforme sur les suretés, lui-même, n’a pas pu préciser si « le court terme » par lui évoqué, dépendait de la durée de l’échéance du prêt, ou du montant octroyé.

Puisqu’un prêt de 1 000 000 USD peut avoir été contracté pour une échéance de six (6) mois, tandis qu’un prêt de 50 000 USD peut l’être pour vingt-quatre (24) mois.

C’est à cela qu’une loi interne devrait aider à écarter toute confusion autour de ce concept.

Sans résoudre le problème qui pouvait faciliter la tâche aux banquiers, l’arrêté interministériel a évoqué le principe en omettant de façon flagrante l’exception tant souhaitée par le législateur de l’OHADA. 

2. Les contrats d’hypothèques conclus avant l’entrée en vigueur de cet arrêté ne sont pas concernés étant donné qu’il (l’arrêté) ne rétroagit pas, mais abroge, cependant, toute disposition contraire.

3. Une autre préoccupation est le silence de l’article 4 du même arrêté interministériel relativement aux conséquences juridiques en cas d’établissement d’un certificat d’enregistrement, après mutation, à l’absence des documents exigés (voir chapitre 1 ci-dessus). Le certificat d’enregistrement établit dans ces conditions, serait-il considéré comme nul et non avenu, ou le concessionnaire de l’immeuble couvert par un tel certificat d’enregistrement serait-il contraint de régulariser cette situation ? L’arrêté est resté muet sur cette question.

Cet arrêté étant conçu dans un but strictement lucratif, l’unique fois que la préoccupation ci-dessus a été rencontrée, c’est lorsqu’il a été question des frais à payer pour le compte du trésor public. Il s’agit de l’obligation qui incombe à l’acquéreur qui n’aurait pas procédé à l’expertise immobilière ; l’arrêté prévoit à ce qu’il soit tenu de payer le supplément du pourcentage dû à titre des droits proportionnels découlant de la différence qui se dégagerait lors de l’expertise après-vente.  

4. Nous restons convaincu que cet arrêté est favorable au trésor public, mais défavorable aux banques tenant compte du délai trop séré à l’inscription hypothécaire, et à l’absence de toute exception à la règle. L’arrêté ouvre la boite à pandore à l’encontre des banques dans des procès judiciaires dès lors qu’il a ordonné l’inscription hypothécaire dans les 30 jours à dater de la signature du contrat d’hypothèque, sans évoquer la sanction ou la conséquence juridique, qui en découlerait, en cas du non-respect de l’article 9 sus-évoqué.

Les contradicteurs des banques se permettront de se lancer dans tous les sens (demande de radiation de l’hypothèque, demande de déchéance au droit d’inscription à l’hypothèque, action en nullité d’adjudication, violation de l’article 251 de l’AUPSVE,…) afin de mettre en mal l’exécution sur les immeubles qui constituent la sureté au profit des banques.

Même un immeuble adjugé va désormais faire l’objet d’une action en nullité conformément à l’article 313 de l’AUPSRVE, au motif que l’inscription hypothécaire aurait été faite en violation de la législation nationale.

Le silence des gouvernants sur cette question pourrait être irréparable et risque de fragiliser les suretés en république démocratique du Congo, lesquelles sont les assurances des banquiers. Les autres garanties rassurent toujours moins que les hypothèques.

5. Une révision, une modification ou un complément de cet arrêté serait une bonne chose pour les banquiers qui ont déjà du mal à œuvrer avec quiétude en république démocratique du Congo au regard de la fragilité des lois internes (à l’instar de la loi foncière du 20 juillet 1973 qui a encore, à ce jour, besoin d’être modifiée). 

MUMBUMBA NDALA Patrick

Avocat près la Cour d’appel de Kinshasa/Matete

Expert de l’Ecole Nationale du Cadastre et des Titres Immobiliers (ENAC-TI)

Master en droit OHADA

L’auteur

Licencié en Droit (BAC+5), option droit Privé Judiciaire de l’Université de Kinshasa/RDC (UNIKIN), Maitre Patrick MUMBUMBA NDALA est Avocat au Barreau de Kinshasa/Matete. Ancien Assistant Juridique chargé des questions relatives aux Hypothèques au Département Juridique de la PROCREDIT BANK RDC SA, actuellement EQUITY BANK RDC SA. Il dispose d’une formation d’Expert de l’Ecole Nationale du Cadastre et des Titres Immobiliers (ENAC-TI) de la République Démocratique du Congo et d’un Master en droit OHADA de l’université de Sorbonne (Paris 13) et Panthéon-Assas. Il est consultant de plusieurs sociétés (structures) spécialisées dans les vérifications des titres immobiliers au cadastre, d’expertise immobilière et d’inscription hypothécaire. Dans la pratique judiciaire, l’auteur intervient activement dans les domaines du recouvrement des créances, saisie immobilière et en droit judiciaire en général. 

Du même Auteur : 

- « LES RISQUES DE PRETER SUR HYPOTHEQUE : Conseils, Stratégies et Orientations » Volume 1;  

- « LES RISQUES DE PRETER SUR HYPOTHEQUE : Les solutions jurisprudentielles en droit OHADA et en droit Congolais » ;

Contacts de l’auteur : +243 818503565 et +243 971901335

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