Sommet de la SADC : La RDC (encore) dans une situation compliquée ?

ACTUALITE.CD

Mercredi 23 juin 2021, sommet de la communauté de développement d’Afrique australe (SADC). En présentiel, à Maputo (Mozambique). En dépit de la pandémie de Covid-19. Motif : célébration des 40 ans d’existence de cette organisation intergouvernementale. Les Ministres des Affaires étrangères, dont la réunion est prévue ce mardi 22 juin, devront examiner le Rapport du jury ayant auditionné les deux candidats au poste de secrétaire exécutif de la SADC, et dégager un consensus sur la candidature à présenter, mercredi, aux chefs d’Etat et de Gouvernement. Si les Ministres ne parviennent pas à se mettre d’accord, le Sommet devra s’en charger.

Faute de compromis entre la RDC et le Botswana, les deux pays ayant clairement, chacun, exprimé l’ambition de placer celui qui dirigera l’Administration de la SADC au cours de quatre prochaines années, ce sommet devra trancher. Soit contraindre un de ces derniers Etats  à retirer sa candidature, soit convenir de la tenue de l’élection pour les départager. Cette dernière option sera une première dans l’histoire de la SADC. En effet, pour conforter la légitimité du secrétaire exécutif, les chefs d’Etat préfèrent privilégier le consensus autour d’une candidature à ce poste.

Le consensus est, selon Larousse, une « procédure qui consiste à dégager un accord sans procéder à un vote formel, ce qui évite de faire apparaitre les objections et les abstentions ». En clair, il s’agira, à la SADC, d’une intense activité de négociation entre les 17 pays qui constituent cette organisation intergouvernementale sous-régionale en vue de convenir du nom de son prochain secrétaire exécutif.

Le chevronné candidat de la RDC

Sur papier, la RDC a un candidat quasi idéal. Pétri d’impressionnantes qualités personnelles, le polyglotte Faustin Luanga (c’est son nom) est un universitaire, et dispose d’une richissime expérience professionnelle en économie internationale (l’intégration régionale demeure au cœur de la SADC). Ancien conseiller de Joseph Kabila et déniché par le successeur de ce dernier, il fait ses preuves en qualité de haut fonctionnaire à l’OMC (Organisation mondiale du commerce).

Seulement, en diplomatie, les qualités individuelles du candidat ne constituent pas le facteur le plus déterminant dans le processus de décision collective. L’intelligence stratégique dans l’organisation et le fonctionnement de la diplomatie de l’Etat dont il est issu s’avère cruciale. C’est cependant là le talon d’Achilles de la conduite de la politique extérieure de la RDC.

A quarante-huit heures du sommet, le candidat congolais est très peu connu dans la sous-région. Pourtant, c’est depuis le mois d’avril qu’il séjourne à Kinshasa, espérant bénéficier d’une campagne nationale de lobbying pour mobiliser la majorité des pays de la région à le soutenir. En vain ! Malheureusement. Nommé récemment Ambassadeur itinérant en charge du suivi des organisations internationales (un poste inédit), il n’a pas qualité de « plénipotentiaire ». Ça en dit long eu égard à l’enjeu. En dépit de cette nomination par ordonnance du Président de la République, il n’a pas (encore) été déployé à ce titre, par la diplomatie congolaise, dans la sous-région pour vendre son savoir-faire. 

La veille de l’audition du candidat congolais, le 10 juin à Gaborone (Botswana, siège de la SADC), devant un jury composé des délégués de cinq pays (Angola, Tanzanie, Eswatini, Mozambique et Malawi), le Premier Ministre de la RDC a effectué une brève tournée de campagne auprès des chefs d’Etat du Botswana, du Malawi et de l’Eswatini. Le Président d’Angola aurait été « sensibilisé » en marge du dernier sommet de la CEEAC à Brazzaville. Quant à la Tanzanie, sa cheffe d’Etat aurait été en bute à « un agenda chargé ».

A en croire des sources au faîte du dossier, la visite au Bostwana n’aurait pas eu d’enjeu car, à l’instar de la RDC, ce pays maintient sa candidature à la tête de l’Administration de la SADC. Le Malawi s’est déjà officiellement rangé dernière le Botswana. L’Eswatini pareil. L’idéal serait d’intensifier cette campagne auprès de plus de dix autres pays de la SADC pour obtenir leur soutien à la RDC. Hélas !

L’histoire immédiate de la diplomatie congolaise convie à la prudence. Après le retrait, il y a quelques jours, de la candidature de la RDC à l’élection d’un siège de membre non-permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, il y a à craindre que Kinshasa en soit à nouveau astreinte à Maputo. La diplomatie congolaise devrait être repensée pour une réorganisation à l’optimal visant à développer de la cohérence entre la vision de rayonnement du pays et sa mise à œuvre au travers de pratiques conséquentes. Après avoir perdu, l’année dernière, faute d’un appui diplomatique de son pays, l’élection au poste de secrétaire technique de la ZLECAF (zone de libre-échange continentale africaine), le Prof Faustin Luanga se maintient dans cette course à l’issue incertaine.

La présence du Chef de l’Etat congolais au sommet de Maputo pourrait constituer une arme non-négligeable dans cette bataille. Encore faut-il qu’une équipe de campagne soit mise en place pour l’accompagner dans la conquête de la victoire diplomatique. Ceci n’est pas encore le cas. Qui l’aurait cru ? Le doute reste permis.

Ne pas planifier la réussite revient à préparer l’échec. A quarante-huit heures du sommet, il est nécessaire que les stratèges de la très haute sphère de la diplomatie congolaise se mobilisent, examinent froidement et profondément cette problématique, et lèvent une option à assumer pleinement. Il en va de l’honneur de la RDC.    

JJ MWENU