Le 13 avril 2020, à la requête du Président de la République Démocratique du Congo, Chef de l’Etat, la Cour constitutionnelle a rendu son arrêt R.Const 1200 dans lequel elle a déclaré conforme à la Constitution l’ordonnance du Président de la République du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie du Covid-19.
Pour rappel, l’unique ordonnance fourre-tout, encore en vigueur ce jour, comprend sept articles : le premier proclame l’état d’urgence dit sanitaire sur toute l’étendue du territoire national pour une durée de trente jours, et dans les articles suivants le Président de la République édicte les mesures d’urgence devant s’appliquer pendant la période de crise.
Au regard de la Constitution, l’analyse croisée des dispositions des articles 85, 119 et 145 révèle que le Président de la République devra prendre deux types d’ordonnances, celle qui proclame l’état d’urgence et celle qui édicte les mesures exceptionnelles. La première est signée soit après concertation avec le Premier Ministre et les présidents des deux chambres du Parlement, soit après autorisation du Parlement réuni en Congrès (Cfr Arrêt R.Const. 1200), et la seconde après délibération en Conseil des Ministres. Malheureusement, ni l’une ni l’autre procédure n’avait été suivie par le Président de la République.
S’en étaient suivis les débats de droit entre juristes et acteurs politiques qui tournaient autour, d’une part, du régime juridique devant s’appliquer à l’ordonnance proclamant l’état d’urgence : concertation ou autorisation ? d’autre part, sur des questions liées notamment au délai de saisine de la cour et à la nature de chaque ordonnance en cas de contentieux.
Toute cette problématique nous a inspiré afin de produire, dans l’intérêt de la science, un article scientifique intitulé « l’état d’urgence constitutionnel et la théorie des circonstances exceptionnelles en droit congolais. Règles de fond et de forme, analyse-critique de l’arrêt R. Const. 1200 de la cour constitutionnelle » dont voici le résumé, la conclusion et les propositions de lege fereda :
- En matière d’état d’urgence, la Constitution prévoit et distingue deux types d’ordonnance du Président de la République : celle qui proclame l’état d’urgence, un acte de gouvernement non susceptible de contrôle juridictionnel et obéit à l’article 85 : concertation préalable et obligatoire ; et celle qui édicte les mesures exceptionnelles, un acte réglementaire qui subit un contrôle obligatoire et a priori de la cour constitutionnelle, et qui suit le régime de l’article 145 : délibérée en Conseil des Ministres ;
- Il faudrait distinguer la concertation de la simple consultation. La concertation suppose une entente entre les parties prenantes et un acte écrit qui la constate, généralement consignée dans un procès-verbal, contrairement au droit constitutionnel français où le Président de la République consulte simplement et par formalité le Chef du Gouvernement, les présidents des deux chambres du Parlement ainsi que le Conseil constitutionnel, sans aucune obligation constitutionnelle de suivre les avis des autres parties.
- L’ordonnance qui édicte les mesures d’urgence doit être soumise à la cour constitutionnelle sans délai après sa signature. Malheureusement, l’ordonnance du Président avait été soumise à la cour seize jours après son entrée en vigueur sortait déjà ses effets. Cette irrégularité flagrante devait être sanctionnée par la cour.
- Il y a effectivement contrariété entre l’article 85 et l’article 119 de la Constitution. Après avoir consulté et échangé avec un ancien député national qui avait pris part à l’élaboration de la Constitution du 18 février 2006, il nous été révélé que l’autorisation de prévue à l’article 119.2 portait plutôt sur la prorogation de l’état d’urgence et non de la proclamation de l’état d’urgence. En effet, il avait été décidé que le Président de la République proclame l’état d’urgence après concertation avec le Premier et les président des deux chambres du Parlement, mais le Parlement réuni en Congrès siège plutôt pour autoriser la prorogation. Malheureusement, celui ou ceux qui notaient ont plutôt écrit « proclamation » en lieu et place de « prorogation ». Comprenez là une l’erreur de quelques individus qui créent des soucis à toute une République.
- De lege ferenda, pour besoin d’harmonisation du texte, il est souhaitable que les articles 85 et 119.2 de la Constitution soient révisés, ainsi dans le sens. En effet, afin d’assouplir cette longue et lourde procédure, à l’article 85 le constituant pourra instituer plutôt la consultation en lieu et place de la concertation, et à l’article 119.2 le législateur devra corriger la faute en remplaçant « autorisation de proclamer » à « autorisation de proroger ». Ainsi dira la Constitution.
Graces MUWAWA L.