Maître Henri Thulliez, avocat des parties plaignantes au procès Roger Lumbala devant la Cour d’assises de Paris, a salué la “cohérence” de la démarche des autorités politiques et judiciaires françaises, tout en dénonçant le manque de coopération des autorités congolaises dans ce dossier. À l’ouverture de la première audience mercredi 12 novembre 2025, alors que Roger Lumbala et ses avocats critiquaient vivement la justice française, Maître Thulliez a tenu à rassurer que la France a pleinement respecté la souveraineté de la République Démocratique du Congo (RDC).
"La France a totalement respecté la souveraineté congolaise puisque la France n'a jamais essayé de diligenter un quelconque acte d'enquête sur le territoire congolais sans obtenir un aval exprès des autorités congolaises qui n'est jamais arrivé finalement", a indiqué Maître Henri Thulliez, avocat des parties plaignantes.
Pour illustrer son propos, l’avocat a rappelé que la France avait adressé cinq commissions rogatoires internationales à la RDC durant l’instruction, sans jamais obtenir de réponse.
"La France, pendant l'instruction a adressé à l'État du Congo 5 commissions rogatoires internationales (NDLR: commission rogatoire est un acte juridique par lequel un juge d'instruction délègue une partie de ses pouvoirs à un autre magistrat ou à un officier de police judiciaire (OPJ) pour qu'il mène des investigations) pour obtenir la coopération des autorités congolaises, il n'y a jamais eu des réponses à ces demandes des commissions rogatoires, d'aucuns pourraient imaginer que s'il y avait une volonté de la RDC de juger Monsieur Lumbala Roger dès la réception de ces commissions rogatoires, la RDC aurait pu se manifester pour dire non non nous on veut juger Monsieur Roger Lumbala, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. C'est simplement avant le début du procès que la France a été destinatrice de ces deux demandes d'extradition. La demande d'extradition d'avant a été rédigée en 2024 mais adressée en 2025 aux autorités françaises, puis renouvelée par note verbale à plusieurs reprises", a fait remarquer Maître Henri Thulliez.
Interrogé sur la nature des commissions rogatoires, l’avocat a précisé leur rôle dans le système judiciaire français :
"La commission rogatoire de la France c'est une demande écrite, là c'était le magistrat instructeur mais il y en a eu des nouvelles du Président de la Cour d'assises qui va demander à la République Démocratique du Congo de diligenter certains actes qui sont bien encadrés et qui peuvent se faire en coopération, c'est-à-dire des actes qui auraient pu être posés avec les autorités judiciaires françaises et congolaises ensemble sur le territoire congolais afin d'interroger des victimes et des témoins. Maintenant les demandes de commissions rogatoires qui ont été adressées en ce moment là à la République Démocratique du Congo par le président de la Cour d'assises c'est afin de faciliter le transfert, le déplacement des victimes et des témoins de la RDC vers la France et/où d'organiser des entretiens, des auditions par visioconférence qui auraient lieu à l'intérieur du territoire congolais", a expliqué cet avocat français.
Ancien chef du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-National (RCD-N), un groupe armé actif dans l’est du pays pendant la Deuxième Guerre du Congo (1998-2003), Roger Lumbala a également été ministre du Commerce (2003-2005) et candidat à la présidentielle de 2006.
Il est poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité : meurtres, tortures, viols, réductions en esclavage et pillages, commis lors de l’opération « Effacer le tableau » entre 2002 et 2003 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
Cette opération est tristement célèbre pour les atrocités commises contre les populations civiles, notamment les Mbuti et les Nande, incluant des violences sexuelles, des tortures, des homicides et même des actes de cannibalisme forcé.
Ces crimes sont prévus et réprimés par les articles 212-1, 213-1, 213-2, 121-6 et 121-7 du Code pénal français, ainsi que par les articles 689 à 689-11 du Code de procédure pénale.
Selon le dossier de presse consulté par ACTUALITE.CD, l’accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Ce procès constitue le premier cas d’application du principe de compétence universelle pour des crimes de droit international commis en RDC par un ressortissant congolais. Il marque une étape majeure dans la lutte contre l’impunité, d’autant qu’il met en cause un ancien ministre.
Plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, qualifient ce procès d’historique, le considérant comme une avancée décisive vers la fin de l’impunité pour les crimes graves commis sur le sol congolais.
Clément MUAMBA