RDC : Félix Tshisekedi signe l'ordonnance portant mesures conservatoires dans le secteur de la justice dans les zones sous contrôle de la rébellion de l'AFC/M23

Des personnes arrêtées par les rebelles de l'AFC/M23 à Goma
Des personnes arrêtées par les rebelles de l'AFC/M23 à Goma

Le Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi, a signé une ordonnance instituant des mesures conservatoires relevant du secteur de la justice dans les zones sous occupation des groupes armés et autres forces négatives dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo. L’annonce a été faite mardi 11 novembre à travers une série d'ordonnances lues sur la chaîne nationale (RTNC) par le porte-parole adjoint du Chef de l’État, Roger Kalenga Tshiakani.

Adopté par le gouvernement lors de la 63ᵉ réunion du Conseil des ministres tenue le 17 octobre 2025 à la Cité de l’Union africaine, le texte avait été présenté par le ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Guillaume Ngefa Atondoko. Il fait suite à une proposition formulée lors de la 56ᵉ réunion du Conseil des ministres, recommandant au gouvernement d’adopter une résolution interdisant toute reconnaissance des actes et décisions judiciaires émanant des autorités de l’AFC/M23. Ces actes sont désormais déclarés nuls et sans effet, à la suite de la démarche entreprise par la rébellion soutenue par le Rwanda visant à créer une commission chargée de relancer un système judiciaire parallèle dans les territoires sous son contrôle.

"Considérant que la guerre d’agression de plus de trente ans contre la République démocratique du Congo a entraîné l’occupation récente de certains territoires et villes des provinces du Nord et du Sud-Kivu depuis 2021, provoquant des déplacements massifs de populations et paralysant les services publics de l’État et l’administration de la justice dans les zones sous occupation ; Considérant que les forces d’occupation ont annoncé des mesures tendant à mettre en place un système judiciaire parallèle dans ces zones ; Considérant qu’un tel système est manifestement illégal ; Considérant la nécessité de préserver les populations des décisions, arrêts et jugements arbitraires et inconstitutionnels, en attendant le rétablissement des cours et tribunaux compétents", a motivé Félix Tshisekedi dans son ordonnance.

Selon l’article 1ᵉʳ, la présente ordonnance fixe les mesures conservatoires relevant du secteur de la justice dans les territoires sous occupation des groupes armés et autres forces négatives dans la partie Est du pays.

L’article 2 stipule : sont nuls et de nul effet tous les actes et décisions revêtant un caractère juridique et/ou judiciaire pris par les forces d’occupation ou leurs représentants, tendant à soustraire la population des juges et magistrats que la Constitution et les lois lui assignent". Sont notamment visés :

• tous les actes juridiques et décisions administratives engageant l’État, ses démembrements et institutions vis-à-vis des tiers ;

• tous les actes de recrutement ou de désignation des magistrats et autres personnels judiciaires ;

• tous les actes instituant des commissions ou structures appelées à exercer des fonctions dévolues aux institutions judiciaires ; et tout acte tendant à dépouiller les autorités judiciaires de leurs compétences et attributions.

Dans son article 3, le Chef de l’État précise que la présente ordonnance cessera de produire ses effets dès le rétablissement de l’autorité de l’État, au moment de la déclaration officielle par les autorités nationales légitimes de la libération des zones sous occupation.

La rébellion de l’AFC/M23 occupe actuellement les villes de Goma (Nord-Kivu) et de Bukavu (Sud-Kivu), dans l’Est de la République démocratique du Congo. Soutenu par le Rwanda, ce mouvement armé a pris le contrôle de Goma en janvier 2025 et de Bukavu en février de la même année, poursuivant depuis son expansion dans plusieurs localités des deux provinces.

Après avoir nommé des dirigeants provinciaux, le mouvement rebelle a annoncé son intention de relancer les instances judiciaires dans les territoires sous son contrôle. Une « Commission de relance de la justice » (CRJ) a été créée à cet effet, en vue de réorganiser l’appareil judiciaire. Le 3 novembre dernier, l’AFC/M23 a annoncé l’intégration de 378 nouveaux magistrats dans son système judiciaire parallèle. Ce recrutement fait suite à un test d’évaluation organisé le 14 septembre 2025 à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.

Selon le procès-verbal du panel chargé de la correction et de la cotation, la sélection aurait été effectuée « dans le respect des critères d’objectivité », les copies ayant été corrigées de manière anonyme pour « garantir l’équité du processus ». Sur 475 dossiers déposés, 465 ont été jugés éligibles et 378 candidats retenus, dont 18 femmes (4,8 %) et 360 hommes (95,2 %), mettant en évidence la faible représentation féminine dans le corps judiciaire de la rébellion.

Cette mesure du gouvernement intervient alors que des efforts diplomatiques sont en cours au niveau international pour parvenir au rétablissement de la paix et de l’autorité de l’État dans cette partie du territoire national.

Clément MUAMBA