Les avocats de l'ancien député national, sénateur et ministre, Roger Lumbala Tshitenga contestent la légitimité de la justice française pour juger leur client accusé de complicité des crimes contre l'humanité notamment meurtres, actes de torture et viols commis en Ituri et au Nord-Kivu en 2002 et 2003. La défense de Lumbala l’a fait savoir à l'ouverture de l'audience ce mercredi 12 novembre 2025 devant la Cour d'assises de Paris.
"Ce procès est mal engagé et nous contestons au nom de notre client la légitimité de la justice française à pouvoir mener cette procédure dans le cadre d'un procès juste, un procès équitable suivant les exigences en la matière du droit international de juger quelqu'un à 8.000 Kilomètres qui n'a pas des témoins et l'avocat congolais qui maîtrise le sujet, qui peut éclairer la Cour. On est en train de lui dire, attendez on va voir si vous pouvez comparaître ou pas. Donc on voit un certain acharnement de la justice française contre notre client en voulant coûte que coûte le juger en France alors qu'on voit bien qu'ils ne sont pas outillés pour mener ce procès de manière correcte dans l'intérêt de la justice et dans l'intérêt des droits de la défense de notre client", souligné Me Tshibangu Kalala, l'un des avocats de la défense de Roger Lumbala.
Pour Me Tshibangu, la justice congolaise est en mesure de juger ou de poursuivre des infractions relatives aux crimes de guerre et autres commis sur son territoire. Pour preuve, Tshibangu Kalala a évoqué le récent procès contre l'ancien chef de l'État Joseph Kabila jugé et condamné par la Haute Cour Militaire.
"Nous avons la justice congolaise qui fonctionne très bien aujourd'hui, il y a l'ancien Président de la République par exemple qui vient d'être jugé et condamné pour trahison etc et donc lorsqu'on trouve des cas flagrants des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre, les juridictions congolaises aujourd'hui sont compétentes. L'État congolais a demandé l'extradition de Monsieur Roger Lumbala à deux reprises, je dirais même à trois reprises mais récemment au mois d'octobre le gouvernement congolais par le biais de la justice congolaise a demandé l'extradition de Monsieur Roger Lumbala vers le Congo pour qu'il soit jugé parce que la justice congolaise aujourd'hui est bien organisée et bien placée pour juger des crimes qui ont été commis sur le territoire congolais et dont les victimes sont des congolaises. On est en train de poursuivre Monsieur Roger Lumbala mais tous les témoins qu'il a cités à décharge aucun ne se trouve en France aujourd'hui alors que s'il était jugé au Congo les témoins allaient venir", a fait remarquer Me Tshibangu Kalala.
L’avocat enchaîne une série de questions.
"Vous n'allez pas poursuivre quelqu'un pour crimes contre l'humanité à 8.000 kilomètres, il n'y a aucun témoin dans la salle qui doit venir soutenir sa cause. Qui va payer leurs billets d'avion ? Ils vont loger où ? Lumbala est en prison depuis 5 ans, il n'a pas les moyens de prendre en charge un témoin qu'il a cité ici, qui va le faire ? Vous avez suivi qu'il y a des problèmes à Kinshasa, des coopérations d'entraide avec les autorités congolaises, comment voulez-vous demandé au gouvernement congolais de coopérer pour faire venir des témoins alors que le même gouvernement vous demande l'extradition, vous n'y répondez pas positivement, comment vous allez collaboré ? ".
Roger Lumbala Tshitenga a dirigé le Rassemblement Congolais pour la démocratie National (RCD-N), groupe armé actif dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) durant la Seconde Guerre du Congo (1998-2003). Il a également été ministre du Commerce (2003-2005) et candidat à la présidence de la RDC en 2006. Il est accusé de complicité de crimes contre l'humanité, notamment de meurtres, de tortures, de viols, de réductions en esclavage et de pillages, commis en 2002 et 2003 lors de l'opération « Effacer le tableau » dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri.
Cette opération est tristement célèbre pour les crimes de droit international perpétrés contre des civils, en particulier les populations Mbuti et Nande, incluant des homicides, des actes de torture, des viols et autres crimes sexuels, ainsi que des cas de cannibalisme forcé.
Ces crimes sont prévus et réprimés par les articles 212-1, 213-1, 213-2, 121-6 et 121-7 du Code pénal français, ainsi que par les articles 689 à 689-11 du Code de procédure pénale. Selon le dossier de presse consulté par ACTUALITE.CD, "pour ces faits, l’accusé encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité ". Ce procès est le premier à appliquer le principe de compétence universelle pour des crimes de droit international commis en RDC par un ressortissant congolais durant la Seconde Guerre du Congo, et constitue un cas rare impliquant un ancien ministre
Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme qualifient ce procès d'historique et considèrent ce procès comme une étape cruciale vers la fin de l'impunité. C'est le cas de Amnesty International.
Clément MUAMBA