RDC : Félix Tshisekedi « est mal compris par ses collaborateurs censés l’aider et le protéger », dit Constant Mutamba depuis son lieu de détention

Photo
Félix Tshisekedi et Constant Mutamba

Dans sa missive de 13 pages rédigée à la main, l’ancien ministre de la Justice règle ses comptes avec les collaborateurs de Félix Tshisekedi, le système judiciaire et dénonce le manque de solidarité gouvernementale, tout en préservant Félix Tshisekedi qu’il estime être victime d’un réseau.

Rédigée le 7 novembre, cette missive survient deux mois après sa condamnation et son arrestation, le 2 septembre, pour des accusations de détournement de fonds publics qu’il qualifie d’instrumentalisées.

Mutamba ouvre sa lettre par un hommage à la détermination des Congolais face à ce qu’il décrit comme un « cancer destructeur » de corruption et d’injustices qui ronge la RDC et l’Afrique. Il évoque des « métastases » qui frappent de plein fouet les populations, comparant ce fléau à un colonialisme persistant qui ravage les masses sans défense.

L’ex-ministre de la Justice, condamné à trois ans de travaux forcés et cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics, et accusé d’avoir violé les règles d’attribution des marchés publics pour un projet de construction d’une prison à Kisangani, exprime une profonde gratitude envers ses soutiens, soulignant que cette épreuve renforce sa conviction en une lutte collective pour la dignité.

Inspiré par les figures emblématiques de l’indépendance africaine, Mutamba interpelle la nouvelle génération panafricaine et congolaise. Il cite Patrice Lumumba, Sékou Touré, Thomas Sankara, Nelson Mandela, Kwame Nkrumah et Julius Nyerere comme modèles pour saisir le destin en main.

« Par votre bravoure, vous prouvez au monde que cette génération est prête à prendre les rênes », écrit-il, appelant à une mobilisation sans faille contre les assassinats physiques et politiques qui visent les opposants.

La lettre dénonce les condamnations « injustes » de ses soutiens et précise que « d’autres ont perdu leurs vies, à l’instar de la maîtresse Bonnette Elombe », célèbre enseignante à la gaieté pédagogique largement partagée sur les réseaux sociaux.

Détaillant sa propre détention, Mutamba décrit un emprisonnement sans base légale depuis le 2 septembre, marqué par la privation de liberté et l’absence de soins.

« Je suis privé de liberté, de soleil, de l’air naturel, de soins médicaux appropriés, de tout moyen de communication », confie-t-il avant de fustiger les « réseaux mafieux politico-judiciaires » qui, selon lui, « ont détruit notre pays (…) et m’ont imposé un procès illégal et déployé plus de 2 millions de dollars américains dans les médias pour me salir… ».

Le cœur de la lettre cible le système judiciaire, qualifié de « miraculeusement transformé » pour servir des fins politiques. Mutamba dénonce des violations flagrantes des règles de procédure, des privations de droits fondamentaux et des dossiers fabriqués de toutes pièces, comme celui impliquant 19 millions de dollars prétendument détournés vers une banque. Il appelle à une justice débureaucratisée, transparente et équitable pour tous.

Mutamba critique l’incompatibilité des votes à l’Assemblée nationale et les requêtes sélectives du procureur général, arguant que ces pratiques violent les droits des citoyens sans distinction. Il y voit un déni de justice qui confirme un « complot politique » au sommet de l’État.

« Ce n’est pas pour m’humilier, mais pour humilier tout un pays, le continent, et le chef de l’État », écrit-il.

Sa lettre interroge les priorités de la gouvernance sous Félix Tshisekedi, exposant la fragilité du système judiciaire. Mutamba déplore des décisions mêlant émotions personnelles et intérêts contraires, au détriment des principes républicains.

Il accuse les collaborateurs de Félix Tshisekedi de protéger des acteurs malveillants, fabriquant de faux dossiers pour discréditer les autres.

« Qu’est-ce que la République a réellement gagné derrière ce procès ? Est-il conseillé de perdre un lieutenant de premier rang en temps de guerre, sous quelque prétexte que ce soit, autre que la trahison ? » s’interroge Mutamba.

« Ce procès nous a poussés à nous interroger sur la problématique des priorités de gouvernance dans notre pays, tant il a exposé la fragilité de notre système judiciaire et de la solidarité gouvernementale, où les règles de droit s’entremêlent avec les humeurs personnelles, émotions et sentiments, au gré des intérêts croisés et égoïstes de ses principaux acteurs politiques et judiciaires », affirme Mutamba.

Poursuivant son réquisitoire contre le système, Mutamba déclare que le président Félix Tshisekedi « est mal compris par ses collaborateurs censés l’aider et le protéger ».

L’ancien ministre de la Justice accuse ces derniers d’exposer Félix Tshisekedi « en refusant de prendre des risques pour lui, en combattant tous ceux qui l’aident réellement, en fabriquant des dossiers souvent faux pour les éloigner de la cour. Ils travaillent en réseaux », martèle Mutamba.

« Loin d’être un rempart (…), notre justice se présente désormais comme un instrument de règlement des comptes destiné à opprimer les faibles… », ajoute Constant Mutamba, qui demande par ailleurs de mettre « fin à ce système mafieux » et d’imposer « des sanctions exemplaires ».