Forum national sur les enjeux socio-économiques et miniers des accords de paix en RDC : le gouvernement et la société civile s’associent pour faire des ressources naturelles un moteur de stabilité et de développement plutôt qu’un facteur de conflit

Photo d'illustration
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La République Démocratique du Congo (RDC) est l’un des pays les plus riches au monde en ressources naturelles et minières. Depuis les années 1990, les provinces de l’Est (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Ituri), riches en minerais, connaissent une instabilité chronique due aux conflits armés et aux guerres d’agression à répétition, dont l’une des principales causes demeure le pillage de ces ressources. Ces guerres, menées par des groupes armés locaux et étrangers, ont entraîné l’affaiblissement du pouvoir de l’État dans cette partie du pays, ainsi que de graves violations des droits humains : massacres de milliers de civils, déplacements massifs et forcés, violences sexuelles liées aux conflits, enrôlement d’enfants dans les milices, exécutions extrajudiciaires, etc.

Face à cette situation, le gouvernement congolais et ses partenaires bilatéraux et multilatéraux ont lancé plusieurs initiatives aux niveaux national, régional et international, qui ont conduit à la signature de nombreux accords, à l’instar de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba de février 2013, dont la mise en œuvre peine encore à se concrétiser. Des initiatives de traçabilité et de diligence dans le secteur minier, notamment avec la CIRGL, ont également été mises en place afin de réduire sensiblement le trafic illicite de minerais alimentant la guerre à l’Est du pays. À cela s’ajoutent de nombreuses résolutions adoptées par des organisations régionales et internationales notamment l’EAC, la SADC, l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies parmi lesquelles la Résolution 2773, désignant nommément le Rwanda comme pays agresseur de la RDC, ainsi que l’Accord de Washington et la Déclaration de principes.

Cependant, malgré la multiplication de ces initiatives, les effets positifs d’un retour à une paix véritable tardent à se faire sentir, et le chemin vers la stabilité demeure encore long.

Plusieurs organisations de la société civile congolaise ont élevé la voix pour dénoncer cette occupation et ses conséquences sur l’exploitation des ressources minières, les conditions de vie des populations et l’économie locale des provinces concernées, appelant au respect des engagements pris. Ces initiatives, aussi louables que pertinentes, ont un impact direct sur l’exploitation minière, le développement socio-économique et la gouvernance, tant au niveau national qu’international.

Souvent négociés avec une faible implication des communautés locales et des forces vives de la Nation, ces accords suscitent aujourd’hui des interrogations au sein de la société civile quant à leurs véritables enjeux socio-économiques et miniers, ainsi qu’à leur influence sur la gouvernance globale du pays. D’où la nécessité d’un débat transparent, inclusif et participatif sur ces questions essentielles.

C’est dans ce contexte que le Comité de Crise de la Société Civile pour la Paix et la Sécurité en RDC (CCPS-RDC) organise, du 15 au 17 octobre 2025 à Kinshasa, le Forum national sur les enjeux socio-économiques et miniers des accords de paix en RDC et dans la région des Grands Lacs.

L’objectif principal de ce forum est d’offrir un espace de dialogue et de réflexion apolitique sur les dimensions économiques de ces accords, afin de contribuer à la consolidation de la paix en RDC et dans la région. Plusieurs rapports d’experts ont d’ailleurs confirmé que les intérêts miniers se trouvent au cœur même de l’instabilité dans cette partie du continent.

 « Ce forum n’est ni une tribune de critiques, ni un espace d’analyse politicienne des accords récemment signés à Washington ou à Doha. Nous ne sommes pas réunis ici pour juger, mais pour bâtir. Notre démarche est constructive, pragmatique et tournée vers l’avenir. Nous voulons tirer le meilleur profit possible de ces accords sur les plans social, économique et minier, afin que notre peuple en soit le premier bénéficiaire. Que ces trois jours de travaux soient féconds, constructifs et patriotiques, et que leurs conclusions tracent une feuille de route claire vers une paix durable, une gouvernance responsable et une économie minière équitable et inclusive », a déclaré Patient Bashombe Matabishi, coordonnateur du CCPS-RDC, dans son mot d’ouverture.

De son côté, Franck Fwamba, directeur de cabinet du ministre des Mines, a salué la tenue de ces assises, estimant qu’elles constituent une occasion d’améliorer la gouvernance du secteur minier.

« Le ministre des Mines, Louis Watum Kabamba, soutient pleinement l’organisation de ce forum, qui doit produire des propositions concrètes  non pas celles de spectateurs attendant tout du gouvernement, mais celles d’acteurs engagés à faire des ressources minières un vecteur de paix et de développement. Les minerais de la RDC, souvent perçus comme une source de malheurs, doivent devenir une bénédiction pour notre peuple. Le ministre est déterminé à faire en sorte que ce secteur profite avant tout aux Congolais », a-t-il affirmé.

Ces assises bénéficient de l’appui de la coopération allemande (GIZ), principal bailleur de l’événement, qui plaide pour une responsabilité partagée dans la gestion des ressources naturelles et des accords de paix.

L’ambassadeur d’Allemagne en RDC, Ingo Herbert, a réaffirmé l’engagement de son pays à accompagner la RDC sur la voie de la stabilité.

 « Il ne fait aucun doute que le secteur minier constitue un moteur de croissance socio-économique et un catalyseur de paix pour les populations du Congo et de l’ensemble de la région des Grands Lacs. L’aspiration de la population à une paix durable mérite toute notre attention. L’Allemagne restera engagée aux côtés de la RDC, car l’avenir de ce pays est un enjeu pour la sécurité de l’Afrique et du monde entier. C’est pourquoi l’Allemagne et l’Union européenne saluent les efforts actuels des États-Unis, du Qatar et de l’Union africaine, visant à trouver une solution concertée avec les pays et acteurs de la région aux causes profondes de ce conflit », a déclaré le diplomate.

Ce forum ambitionne de proposer des mécanismes concrets pour faire des ressources naturelles, notamment des minerais, un moteur de stabilité et de développement, plutôt qu’un facteur de conflit. 

Au nom du vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires coutumières, Jacquemain Shabani, la vice-ministre de l’Intérieur, Eugénie Tshiela, a réaffirmé la volonté du gouvernement de s’approprier les résolutions issues de ces travaux.

« La paix véritable ne peut être dissociée du développement inclusif. Les ressources minières, lorsqu’elles sont exploitées de manière responsable et équitable, deviennent un levier de réconciliation et d’intégration économique, et non une source de division. Sous le leadership du Chef de l’État, le gouvernement reste déterminé à faire de la sécurité, de la paix et du développement durable les trois piliers indissociables de son action publique. Le gouvernement accompagnera avec attention les résolutions et recommandations issues de ces travaux, afin qu’elles servent de boussole pour la mise en œuvre effective des engagements pris dans le cadre des accords de Washington et de Doha, ainsi que de l’ensemble des processus de paix dans notre pays », a-t-elle déclaré.

Et d’ajouter :

« Je vous invite à un travail rigoureux, sincère et constructif. Que chaque commission soit un espace d’analyse, d’écoute mutuelle et d’innovation patriotique, afin que le fruit de vos réflexions renforce la cohésion nationale, la stabilité économique et la paix durable dans toutes les provinces de la République. Au nom du gouvernement, je réaffirme notre engagement indéfectible à accompagner les recommandations issues de ces assises et à œuvrer, avec nos partenaires nationaux et internationaux, à la mise en œuvre intégrale des accords de paix de Washington et de Doha, dans l’intérêt supérieur de la Nation. »

Plusieurs ministères et experts prennent part à ces travaux. Ce forum s’inscrit dans la continuité du dialogue national sur la gouvernance minière dans un contexte de conflit en RDC et dans la région des Grands Lacs.

Clément MUAMBA