Journée internationale des femmes rurales : Bernardine Sikwaya Kahindo, poétesse et agronome, célèbre la voix des femmes rurales

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Bernardine Sikwaya Kahindo

À l’occasion de la Journée internationale des femmes rurales, célébrée chaque 15 octobre, le DeskFemme s’est entretenu avec Bernardine Sikwaya Kahindo, agronome, poétesse et bâtisseuse de mémoire. À travers ses écrits, elle rend hommage aux femmes de la terre, gardiennes du savoir et actrices silencieuses de la vie quotidienne. Dans cet échange, elle évoque son engagement, sa vision du monde rural et son plaidoyer pour une littérature ancrée dans la dignité et la mémoire féminine.

Madame, vous écrivez beaucoup sur le monde rural. Qu’est-ce qui vous attire ou vous inspire le plus dans cet univers ?

Bernardine Sikwaya Kahindo : Le monde rural est pour moi une matrice de vie, de sagesse et de mémoire. Ce qui m’inspire, ce sont les silences fertiles, les gestes ancestraux, les récits transmis au rythme des saisons. C’est un univers où chaque graine porte une histoire, chaque femme incarne une force tranquille.

Quels aspects du monde rural aimez-vous le plus raconter ?

Bernardine Sikwaya Kahindo : Je raconte les femmes, les semences, les traditions, les luttes invisibles. J’aime explorer le quotidien avec ses rituels simples mais puissants, et mettre en lumière la beauté de ce qui est souvent négligé : un chant au champ, une parole partagée au marché, une mémoire gravée dans la terre.

Comment vos personnages reflètent-ils la réalité des campagnes d’aujourd’hui ?

Bernardine Sikwaya Kahindo : Mes personnages sont des miroirs de la ruralité contemporaine : ils portent les stigmates de l’abandon, mais aussi les germes de la résilience. Ils sont enracinés dans leur terre, mais ouverts au monde. À travers eux, je montre que les campagnes ne sont pas figées, elles bougent, elles rêvent, elles résistent.

Selon vous, comment peut-on donner davantage de visibilité et de reconnaissance aux femmes rurales à travers la littérature ?

Bernardine Sikwaya Kahindo : Il faut écrire avec elles, pas seulement sur elles. Il faut créer des espaces de parole, des bibliothèques rurales, des ateliers d’écriture. La littérature doit devenir un outil de justice, un levier de reconnaissance. Les institutions culturelles doivent aussi les intégrer dans leurs politiques publiques. Chanter pour elles, dessiner pour elles;  que tous les domaines soient au service de ces héroïnes silencieuses.

Que représente pour vous cette journée du 15 octobre ?

Bernardine Sikwaya Kahindo : C’est une journée de mémoire et de mobilisation. Elle me rappelle que les femmes rurales sont les premières à nourrir le monde, mais souvent les dernières à être reconnues. C’est une date qui doit résonner comme un appel à la dignité, à la justice, à la poésie de l’action.

Comment voyez-vous l’avenir du monde rural et sa place dans la création artistique ?

Bernardine Sikwaya Kahindo : Je vois un avenir où le monde rural ne sera plus périphérique, mais central. L’art agricole, les récits de terroir, les esthétiques rurales peuvent enrichir profondément la création contemporaine. Il faut une politique culturelle qui valorise ces imaginaires et les intègre dans les circuits artistiques.

Quels projets préparez-vous autour de ces thèmes ?

Bernardine Sikwaya Kahindo : Je poursuis le cycle « Mabele na Bomwasi », avec des lectures publiques, des partenariats pour des banques de semences poétiques et des ateliers de mémoire dans les villages. Je travaille aussi à une anthologie des voix rurales féminines et à des plaidoyers pour intégrer l’art agricole dans les politiques nationales.

Si vous aviez un message à adresser aux femmes rurales en cette occasion, quel serait-il ?

Bernardine Sikwaya Kahindo : Vous êtes les racines de notre avenir. Continuez à semer, à rêver, à résister. Votre voix est précieuse, votre savoir est puissant. Que personne ne vous fasse croire le contraire.

Votre dernier mot par rapport à cette journée en tant qu’auteure rurale ?

Bernardine Sikwaya Kahindo : Je suis une semeuse de mots et de mémoire. En ce 15 octobre, je tends la main à toutes les femmes rurales : que nos voix s’élèvent ensemble, que nos récits deviennent des racines pour demain. La terre nous écoute, le monde doit nous entendre. Je rappelle à la population que le monde des femmes paysannes est un monde dans un monde : il nourrit tout le monde et a besoin de tout le monde.

Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka