Pénurie d'eau à Mbanza Lemba : des habitantes du quartier déplorent les violences subies en allant chercher de l'eau

Photo/ Droits tiers
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Depuis près de trois ans, l'eau de la Régideso ne coule pas aux robinets du quartier Mbanza-Lemba, situé dans la commune de Lemba à Kinshasa. Les femmes et les jeunes filles sont contraintes de parcourir de longues distances à pied pour s'approvisionner en eau potable.

Cette situation les expose aux viols, aux tortures et à la médisance, explique Jacqueline Mbo, habitante du quartier. 

Il y a quelques mois, une fille du quartier d'environ 19 ans a été violée par des kulunas. Elle revenait des cours. À peine arrivée chez elle, elle a été puisée de l'eau. Les bandits l'ont croisée vers 21 h, accompagnée de son petit frère. Ils ont ligoté le garçon et ont violé la fille en présence de son petit frère, après les avoir tabassés et ravis tout ce qu'ils possédaient, rapporte cette habitante de Mbanza-Lemba.

"Depuis la rentrée scolaire, mes filles ne savent pas aller à l'école" s'indigne Rose Buhendua.

"J'ai quatre enfants et je viens de subir une opération qui ne me permet pas de faire trop de mouvements pour le moment. Vu l'insécurité grandissante dans le quartier, j'envoie mes filles de 8 et 10 ans, chaque matin vers 6 h, chercher de l'eau partout où il est possible d'en trouver. Elles reviennent souvent vers 08h-09h. Le temps pour elles de s'apprêter pour l'école, on tombe sous les coups de 10 h. Et à ces heures-là, elles ne peuvent pas se rendre à l'école. On a approché la direction de l'école pour expliquer la situation, mais ils refusent de les accepter au-delà de 08 h ! C'est trop compliqué, je me demande ce que vont devenir mes filles dans cette situation."

La santé mentale des femmes et jeunes filles n'est pas épargnée 

"Je suis une femme divorcée et mère de 3 enfants. Mais aujourd'hui, je me retrouve avec 2 enfants à cause de la pénurie d'eau. Chaque jour, je parcourais presque toute la commune de Lemba avec mes enfants pour chercher de l'eau. Il y a 13 mois, on revenait du quartier sous-région avec nos récipients. En voulant traverser pour se rendre à Livulu, ma fille de 16 ans s'est fait tamponner par une moto et a perdu la vie. L'eau m'a privé ma fille pour toujours, je ne m'en remettrais jamais, confie Arlette Kashi."

D'autres habitants ayant requis l'anonymat révèlent que certaines jeunes filles se livrent à des pratiques immorales pour amener les garçons à puiser de l'eau pour elles par manque de moyens financiers.

"La situation va de mal en pire. Certaines filles du quartier s'exposent et se font toucher les parties intimes en toute conscience pour avoir de l'eau. Elles disent ne pas avoir de l'argent à donner aux porteurs pour puiser pour elles de l'eau. "C'est vraiment dramatique", rapporte un père de famille.

La pénurie d'eau entraîne aussi des conséquences nuisibles sur la santé des populations, affirme le Dr Menayame Banieka Julva, expert en santé publique.

L'eau faisant partie de notre vie, elle occupe une place très importante. Le manque d'eau dans une communauté a plusieurs impacts ou conséquences. Sur le plan sanitaire : le manque d'eau potable peut entraîner des maladies bactériennes comme les infections à salmonella typhoïde ou à entérobactéries (Campylobacter. E. coli), le choléra, les shigelloses. Les infections virales comme l'hépatite A (et E), la poliomyélite, les rotavirus responsables de diarrhées, les entérovirus. Les infections parasitaires comme dracunculose, amibiase, giardiase et autres flagellés intestinaux

Chez la femme ou la jeune fille, le manque d'eau peut l'exposer à des infections gynécologiques aiguës pouvant même endommager ses organes génitaux, a-t-il renchérit.

Pour faire face à cette situation désastreuse, la direction de la Regideso de Livulu a implanté 3 forages d'eau dans le quartier. Un seul fonctionne, et les deux autres sont en panne. La quantité d'eau produite au quotidien par ce forage ne permet pas de servir toute la population du quartier.

Un agent de la Regideso qui a requis l'anonymat attribue cette situation à des problèmes techniques, notamment aux coupures intempestives d'électricité dans les stations de pompage d'eau, à l'ancienneté des matériaux utilisés par la Regideso qui n'arrivent plus à pomper une quantité suffisante d'eau pour servir la population, et à la position géographique du quartier Mbanza Lemba qui est placé sur une montagne.

Nancy Clémence Tshimueneka