Des manifestations de l'opposition à la réactualisation du plan d'action nationale de la Police Nationale pour lutter contre les violences sexuelles impliquant notamment ses agents, en passant par la plainte de la RDC auprès de la Cour Pénale Internationale, la semaine qui s'achève a été riche au niveau de l'actualité. Lisette Mavungu passe en revue ces faits marquants.
Bonjour Madame Lisette Mavungu et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ?
Lisette Mavungu : Je suis avocate au Barreau de Kinshasa/Gombe. Je suis également membre de la société civile. J'oeuvre dans plusieurs organisations non gouvernementales. En l'occurrence, la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (WILPF section RDC), où j'assume les fonctions de Présidente Nationale. Je suis secrétaire exécutive du Forum des femmes pour la Gouvernance des ressources naturelles, le point Focal pour la RDC de la plateforme de la société civile pour le renforcement de l'Etat et la consolidation de la paix.
Le début de la semaine a été marqué par les actes de violences policières (le 20 mai) envers des manifestants dont un mineur. En dehors de la prise en charge médicale, que faut-il pour garantir la non répétition ?
Lisette Mavungu : que les pouvoirs publics puissent encadrer les manifestants, d'une part, et d'autre part, les manifestants devraient mettre en place des dispositifs pour éviter d'intégrer des personnes non habilitées tels que les mineurs. Les pouvoirs publics devront aussi rappeler les devoirs des parties. Qu'il y ait débordement ou non, que des inciviques ou mineurs soient associés ou non, les pouvoirs publics devraient savoir à quel type de répression recourir sans que les droits des citoyens ne soient bafoués.
Entre temps, Moise Katumbi a été empêché de se rendre au Kongo-Central tandis que la conférence politique de Matata Ponyo à Kenge lui a été refusée. Pensez-vous que cette atmosphère soit propice pour des élections crédibles, transparentes et démocratiques ?
Lisette Mavungu : si les raisons évoquées manquaient un soubassement fondé, on pouvait s'inquiéter de la crédibilité des élections à venir. Mais, je ne crois pas que cela n'a pas été le cas, au vu des motivations soulevées notamment en ce qui concerne l'ancien gouverneur du Haut-Katanga, Moïse Katumbi. L'homme politique peut observer les décisions du gouvernorat pour que sa sécurité soit organisée et que ses visites puissent avoir lieu.
La Police Nationale a actualisé et adopté son plan d'action deuxième génération de lutte contre les violences sexuelles impliquant ses agents. Quelles peuvent être vos recommandations pour une mise en œuvre réussie ?
Lisette Mavungu : je pense qu'il va falloir investir davantage dans la sensibilisation auprès des agents de la police pour que ce plan d'action soit de mise. Il faut dupliquer les messages clés de lutte, s'assurer que tout agent soit en possession de cela, évaluer ce plan d'action après chaque étape de six mois ou une année.
Au moins 11 filles mineures ont été violées dans le Kwango après les récentes attaques de la milice Mobondo. Quelle stratégie développer pour lutter contre les violences sexuelles en temps de conflits en RDC ?
Lisette Mavungu : les violences sexuelles en temps de conflits demeurent une question cruciale en RDC. C'est très difficiles pour les victimes car en ce moment là, ceux qui commettent les violences sexuelles sont animés de mauvaise foi. Il est souvent difficile d'établir le lien entre les revendications et les crimes sur les femmes ou les mineur.e.s. Le travail de lutte doit être fait en amont. Il faut détecter les causes des conflits et pouvoir y remédier parce que chaque conflit engendre des dérapages. En même temps, les auteurs devront être traqués et déférés auprès de la justice pour qu'ils répondent de leurs actes pour décourager l'impunité.
Une vidéo montrant une personne gravement brulée lors d'une intervention dans une cabine de la SNEL à Kinshasa est devenue virale cette semaine. Comment la SNEL devrait-t-elle réagir face à ce drame ?
Lisette Mavungu : la Société nationale de l'électricité (SNEL) doit prendre des mesures. Il faut que ce soit des agents assermentés qui interviennent au niveau des cabines électriques. Il faut également doter les agents des costumes appropriés pour leur permettre de faire face à des incidents tels que celui-là. Dans la vidéo, on peut se rendre compte que l'agent victime n'avait aucun équipement de protection pour éviter ce drame. Il faut prendre des précautions pour que l'électricité soit interrompue pendant ces exercices. L'autre question sera d'investir dans la communication externe de la SNEL. Les abonnés devraient être informés au moins 24heures à l'avance, des travaux à effectuer et leur impact sur leurs journées.
En santé, plus de 230 cas de choléra ont été enregistrés en une semaine à Bukavu. La maladie fait également des ravages dans le Haut-Katanga. Comment empêcher son expansion ?
Lisette Mavungu : de toute urgence, une réunion technique doit se tenir au niveau du ministère de la santé pour voir comment contenir les cas dans les deux provinces et éviter l'expansion de la maladie dans les autres provinces du pays. Il faut également une politique nationale pour éradiquer ce fléau. Les équipes urgentes de réponse doivent être déléguées dans les deux provinces.
En justice, la RDC a officiellement saisi la CPI au sujet des crimes et pillages des ressources naturelles commis par la coalition RDF/M23. Pensez-vous que le gouvernement pourra obtenir gain de cause ?
Lisette Mavungu : je crois que personne ne va en justice pour perdre. Le pays a déposé sa plainte, donnons la chance à cette Institution internationale de faire son travail et nous pourrions tirer toutes les conséquences nécessaires à la fin.
Dans les récentes nomination, Mme Julienne Lusenge a été élevée au rang de coordinatrice adjoint du mécanisme national de suivi de l'accord d'Addis-Abeba par le Chef de l’Etat. Que représente pour vous cette nouvelle ?
Lisette Mavungu : Madame Lusenge est une militante des droits de l'Homme que je connais personnellement. Nous avons eu plusieurs fois, des occasions d'échanges autour de la paix et la participation de Congolaises aux différents processus. Je crois que son arrivée à ce poste apportera une touche particulière à l'exercice des missions assignées au mécanisme, grâce à son background, à ses compétences et à sa personnalité. Nous devons nous attendre aux progrès.
Au Sénégal, le tribunal de Dakar a requis dix ans de réclusion criminelle pour viols et menaces de mort sur une employée d'un salon de beauté contre l'opposant sénégalais Ousmane Sonko. Ce dernier dénonce un complot du gouvernement pour l'écarter de la présidentielle. Votre avis à ce sujet ?
Lisette Mavungu : je crois que Monsieur Ousmane Sonko peut user de toutes les voies que lui offre la loi Sénégalaise pour présenter ses moyens de défense. S'il est innocenté, il obtiendra gain de cause. C'est une décision de justice, il peut évidemment faire recours à cette décision.
Au Soudan, les combats se poursuivent malgré que les deux parties s’étaient engagés à une trêve de sept jours afin de sécuriser un couloir humanitaire. En tant que médiatrice, que recommandez-vous pour le retour de la paix ?
Lisette Mavungu : je pense qu'il faut envisager le dialogue avec les parties en conflit pour comprendre ce qui a motivé le non respect des engagements pris et pouvoir les encourager à trouver de nouveaux moyens de paix pour résoudre leurs différends.
Au niveau international, l'un des quatre derniers fugitifs recherchés dans le génocide au Rwanda a été interpellé en Afrique du Sud. Il sera traduit devant la justice. Vos attentes ?
Lisette Mavungu : qu'il répondre de ses actes pour que cela puisse servir de leçons contre l'impunité à tous ceux qui seront tenté de mettre fin à la vie humaine.
Le 25 mai était la journée de l'Afrique. Quels sont pour vous les défis urgents à relever au niveau du continent et du monde ?
Lisette Mavungu : mon souhait le plus ardent est que les conditions de voyage d'un pays vers un autre soient allégées. Cela favoriserait le développement et renforcerait les liens des communautés africaines. Nous avons un très beau continent mais nous n'arrivons pas à découvrir cette beauté et la révéler aux autres.
Félix Tshisekedi effectue une visite en Chine. Quelles sont vos attentes par rapport à cette visite ?
Lisette Mavungu : cette visite peut être une nouvelle opportunité pour relancer la coopération bilatérale. Espérons que les résultats seront positifs.
Radio Okapi et certaines sources rapportent qu'au cours de sa rencontre avec la communauté congolaise vivant en Chine, le Chef de l'Etat soupçonné que le Rwanda ne serait pas étranger au conflit Teke-Yaka. Que pensez-vous de cette affirmation ?
Lisette Mavungu : j'aurais souhaité y répondre si j'avais personnellement suivi cette intervention du Chef de l'état.
Propos recueillis par Prisca Lokale