Media Challenge Initiative en collaboration avec Konrad Adenauer Stiftung et divers autres partenaires a organisé avec un grand succès le premier Congrès sur les Réseaux Sociaux. La plénière qui s’est tenue ce 23 mars à Kampala la capitale de l’Ouganda, a réuni des experts en technologies, des geeks et autres personnalités intéressées par la technologie. Ces derniers ont abordé et décortiqué des thèmes importants en rapport avec les réseaux sociaux, l’économie numérique et l’Intelligence Artificielle (IA) en passant par la gouvernance d’Internet.
D’entrée de jeu, les conférenciers ont à l’unanimité convenue que « la démocratie est une condition préalable au développement d’une gouvernance ouverte ». Pour eux, « l’idée d’une gouvernance ouverte est basée sur la philosophie selon laquelle une véritable démocratie est un processus participatif et que les personnes concernées doivent avoir accès à la bonne information s’ils veulent jouer un rôle efficace dans les processus de gouvernance ».
Le préalable étant ainsi posé, il s’est agi ensuite d’aborder la question relative aux « nouvelles formes d'engagement civique sur les médias sociaux ». L'essence de la démocratie étant celle de construire des communautés résilientes, inclusives et prospères en Afrique et dans le monde, les participants ont relevé le fait que cela « renforce le fonctionnement des institutions publiques et la façon dont ces relations complexes sont formées avec les citoyens ».
Les congressistes ont fait remarquer que même si « l'essor des médias sociaux a fait naître l'espoir d'une transformation démocratique en Afrique », « les défis tels que la censure croissante et l'autoritarisme numérique » sont devenu « monnaie courante» avec comme conséquences d’abord l’« entrave des efforts déployés par les citoyens pour exprimer librement leurs opinions et leur participation aux processus de prise de décision » et ensuite « la limitation de l'espace de transparence et de responsabilité ».
Il a aussi été question au cours de la plénière d’aborder la question relative à l’Intelligence Artificielle (IA). En effet, au-delà de la vague fort remarquable de l’IA, il est impérieux selon les experts, de se pencher sur les erreurs et imperfections de l’IA suivi de celle du colonialisme des données sur les médias sociaux. Pour les experts, les entreprises technologiques détiennent un pouvoir et une influence sans précédent, ce qui pose un problème aux pays du Sud. Les technologies développées selon les perspectives, les valeurs et les intérêts occidentaux sont importées avec peu de réglementation ou d'examen critique. Les experts ont également souligné que « l'IA développé par l'Occident n'est pas adapté aux problèmes africains, et que l'invasion algorithmique de l'Occident appauvrit le développement des produits locaux tout en laissant le continent dépendant des logiciels et des infrastructures occidentaux ».
La question de la gouvernance d’Internet a également été épinglée. Les congressistes ont noté que les « logiciels sont généralement verrouillés et n’offrent aucune possibilité aux utilisateurs d’y apporter des modifications, et notamment les adapter au contexte des pays du Sud, moins encore partager le code source ».
Ils ont aussi souligné le fait que les principaux réseaux sociaux utilisent des algorithmes et des règles contraignant. Les contenus des utilisateurs sont censurés. Ce sont les logarithmes qui déterminent ce que les utilisateurs voient dans les fils d'actualité, etc. Les experts ont fait observer que cela signifie que les utilisateurs en dehors des États-Unis sont de facto soumis à la gouvernance extraterritoriale de la Silicon Valley.
Prendre de l'avance sur les fausses nouvelles et la désinformation sur les médias sociaux
« Les fausses nouvelles, les discours haineux et la désinformation sont de plus en plus répandus et problématiques sur toutes les plateformes de médias sociaux. Le débat s'intensifie sur la manière d'aborder ces questions sans nuire aux espaces civiques en ligne » révèlent les experts.
Ils ont également observé que « les fausses nouvelles ont un impact négatif sur les individus et la société » du fait « qu’elles persuadent délibérément les consommateurs d'accepter de fausses croyances qui sont partagées pour faire avancer des programmes spécifiques ».
Au lieu d'être des lieux où les gens restent connectés et partagent les détails de leur vie, ils sont de plus en plus utilisés comme sources de désinformation.
Sur cette question, indiquent les panelistes, « on commence à observer des divergences entre les plateformes quant à la manière dont elles considèrent leur place dans la société et la démocratie. Twitter est de plus en plus enclin à réglementer les contenus tels que les publicités politiques et les tweets douteux, tandis que Facebook a résisté à des mesures similaires, au grand dam de certains de ses propres employés ces derniers jours. Cette situation est assez exceptionnelle, car elle représente une rupture possible dans les valeurs et les philosophies de la Silicon Valley ».
Les congressistes ont tiré la sonnette d’alarme sur le fait que « les plateformes de médias sociaux ont fini par occuper une telle place dans nos vies que les décisions qu'elles prennent aujourd'hui pourraient avoir des conséquences importantes sur la forme de l'environnement de l'information et sur la manière dont nous comprenons notre monde et dont nous nous y engageons. Cependant, notre psychologie est également susceptible d'être influencée par les émotions ».
Quant à ce qui concerne la vie privée et à la protection numérique, les limites de l'éthique numérique et de la gouvernance des données, les experts ont fait savoir que « les conditions d'utilisation de la plupart des sites de médias sociaux peuvent être considérées comme une licence générale permettant à des sites tels que Facebook et Twitter d'utiliser et de publier des contenus produits par les utilisateurs », ils ont en outre souligné que « cela pose un problème pour les jeunes créateurs africains, qui perdent des milliards de dollars de revenus au profit des géants des médias sociaux ».
Le diagnostic établi lors de cette messe du numérique en Ouganda n’étant pas une exclusivité, il ressort des conclusions que c’est malheureusement la triste réalité que vit la majorité des pays du Sud. La dérive dictatoriale transcontinentale de la Silicon Valley est flagrante et non sans conséquences sur les économies numériques en Afrique. Le Congrès sur les réseaux sociaux était aussi l’occasion idéale pour les experts de proposer des pistes des pistes de solution adaptées au contexte et à l’environnement des pays du Sud.
Claudia N. Ilunga @infoclaudia85