En RDC, l’autorisation à une Asbl étrangère d’exercer ses activités relève des prérogatives du Président de la République et non du Premier ministre

Justice

I. Du statut des Asbl étrangères sous la loi n°004/2001 

Les Asbl et les Établissements d'utilité Publique sont régis en droit congolais par la loi  N°004/2001 du 20 juillet 2001. Cette loi a été élaborée sous l'égide du décret-loi Constitutionnel n°003 du 27 mai 1997. (J. DJOLI ESEN’EKELI, Droit Constitutionnel : 

L’Expérience congolaise (RDC), L’Harmattan, Paris, p.164-166).  Pour exercer leurs activités en République Démocratique du Congo, les ASBL se doivent de se conformer à la législation en vigueur. Celles qui n’existent pas encore doivent se constituer conformément aux règles fixées par la loi en respectant toutes ses étapes. Celles qui exercent déjà leurs activités dans des Etats autres que la République Démocratique du Congo sont tenues d’acquérir les autorisations nécessaires pour le déploiement de leurs activités.

Sous la loi N°004/2001 l’Association sans but lucratif étrangère est toute organisation qui ne  se livre pas à des opérations industrielles ou commerciales, si ce n’est à titre accessoire, et qui ne cherche pas à procurer à ses membres un gain matériel. L’association sans but lucratif  doit alors être apolitique. Selon qu’elle est à caractère économique, culturel, éducatif ou social, l’association étrangère  requiert, conformément à l’article 31 de la loi susvisée, au préalable, l’avis et l’enregistrement auprès du Ministère ayant dans ses attributions le secteur d’activités visé.

En cas d’avis favorable, la demande d’autorisation est adressée au Ministre de la Justice. Pour être recevable, cette demande devra se conformer aux dispositions de l’article 4 de la loi sous examen. Les frais y relatifs sont prévus à l’article 57 et doivent être payés par les impétrants. L’article 4, détermine en effet, les éléments constitutifs pour introduire une requête en  obtention de la personnalité juridique auprès du Ministère de la Justice. Cette requête devra être signée par les membres effectifs chargés de l’administration ou de la direction de l’association, est adressée, en double exemplaire, contre récépissé, au Ministre de la Justice sous-couvert du Ministre ayant dans ses attributions le secteur d’activités visé. Elle doit être accompagnée : 

  • d’une liste indiquant les noms, les post-noms, les prénoms, le domicile ou la résidence de tous les membres effectifs de l’association. Cette liste est signée par tous les membres effectifs qui seront chargés de l’administration ou de la direction de l’association ; 
  • d’une déclaration signée par la majorité des membres effectifs indiquant les noms, professions et domicile ou résidences de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l’administration ou de la direction de l’association ; 
  • des statuts de l’association notariés et dûment signés par tous les membres effectifs chargés de l’administration ou de la direction de l’association ; 
  • des certificats de bonne conduite, vie et mœurs de tous les membres effectifs chargés de l’administration ou de la direction de l’association ; 
  • d’une déclaration relative aux ressources prévues par l’association en vue de réaliser l’objectif qu’elle s’assigne. Cette déclaration doit être renouvelée à la fin ou au début de chaque semestre, sous peine d’application de l’article 19. 

En sus des formalités ci-haut mentionnées, l’article 35 dispose que : «[…] l’organisation  étrangère doit : 

  • avoir une représentation en République Démocratique du Congo ; 
  • conclure un accord-cadre avec le Ministère ayant le plan dans ses attributions; 
  • produire une attestation de bonne conduite, vie et mœurs pour le personnel expatrié dûment légalisée par l’Ambassade ou le Consulat de la République Démocratique du Congo dans le pays où se trouve le siège ;
  • utiliser la main d’œuvre locale à concurrence de 60% au minimum. 

Il y a lieu de noter que ces formalités prévues à l’article 37, se fassent en même temps que celle relative à l’obtention de l’autorisation d’exercer, mais doivent se terminer avant cette dernière.

L’obtention de l’aval de l’autorité administrative locale autrement dit l’acte de reconnaissance de l’autorité politico-administrative locale Actuellement découle d’aucun texte légal actuellement. Elle procède du Décret-loi n° 195 du 29 janvier 1999 en son article 37, abrogé par la loi n° 004/2001 du 20 juillet 2001 sous examen.

II. Autorité compétente pour autoriser une Asbl étrangères à exercer ses activités en RDC 

Aux termes de l'article 30 de cette loi: "Aucune association étrangère ne peut exercer ses activités en RDC sans une autorisation du Président de la République donnée par décret sur proposition du Ministre de la Justice."

Ceci revient à dire qu’après l’accomplissement des formalités ci-haut décrites, le dossier régulièrement constitué sera transmis par le Ministre de la Justice au Président de la République pour que ce dernier accorde l’autorisation. 

L’on peut alors s’interroger au sujet de l’autorité compétente pour accorder cette autorisation dès lors que la loi 004/2001 fait allusion à un décret du Président de la République qui, à l’époque avait pour mode d’expression juridique en matière administrative le décret et était détenteur du pouvoir réglementaire général et cela, au regard de la Constitution du 18 février 2006 qui a attribué le pouvoir réglementaire général au Premier Ministre et selon la même Constitution, le Président agit désormais par voie d’Ordonnance.

Il faut avant d’aborder le fond souligner que le pouvoir réglementaire est cette compétence reconnue aux autorités administratives de prendre une mesures caractérisée par sa portée générale, impersonnelle et abstraite. (L. YUMA BIABA, Essentiel du droit administratif, Kinpres, kinshasa,2019, p.89). L’acte réglementaire intervient soit dans le sillage de la loi pour l’exécuter ou l’appliquer ou encore dans le domaine autre que celui de la loi la doctrine parle alors du règlement autonome (article 128 de la Constitution). La détention de cette compétente varie d’un pays à un autre et d’une époque à une autre. 

Sous la Constitution du 18 février 2006 cette compétence relève de la compétence du Premier Ministre conformément à l’article 92 de la compétence alors que le Président de la République à une compétence en matière réglementaire limitée par la Constitution. 

Les actes individuels sont ceux destinés à produire leurs effets au profit, ou à l’encontre, d’un destinataire déterminé, d’une personne nommément désignée. Ils créent, au profit des particuliers, des droits, ou des facultés ou leur imposent des obligations, soit de donner, soit de faire, soit de ne pas faire, c’est également ces actes qui confèrent un statut dans lequel droits et obligations se trouvent mêlés. (J. WALINE, Précis de Droit administratif,22e éd., Dalloz, Paris, 2008, p.388). Alors que les actes particuliers sont ceux dont le contenu concret vise très précisément une opération déterminée. L’acte particulier s’oppose à l’acte réglementaire par son objet et non par ses sujets : il vise une action donnée ; il s’agit d’une décision concrète qui pourrait être appelée aussi « décision d’espèce ». (F. VUNDUAWE-TE6pemako ? Traité de Droit Administratif, Larcier, Bruxelles, 2007, p.667).

L’acte d’autorisation constitue en droit administratif un acte individuel parce qu’il concerne une personne juridique nommément désignée et vient modifier l’ordonnance juridique au profit de cette dernière. De plus, la matière relève du droit international dont le Président partage l'exercice avec le Gouvernement en vertu de l'article 91 alinéa 3 de la Constitution.

Sous la Constitution du 18 février 2006, cette autorisation relève de la compétence du Président de la République, c'est donc une Ordonnance présidentielle qui devrait intervenir en lieu et place du décret du Premier Ministre. Ceci d'autant plus que seul le mode d'expression du Président de la République a été modifié par la Constitution du 18 février 2006 et non son pouvoir en matière d’actes individuels. Ce point de vue se justifie car sous le décret-loi Constitutionnel de 1997 le Président de la République agissait en matière administrative par voie de décret (Article 5 du décret-loi Constitutionnel de 1997) et sous la Constitution du 18 février 2006, il statue par voie d'ordonnance (Article 79 de la Constitution du 18 février 2006). Il est donc claire que ce soit le Président de la République qui autorise l'exercice des activité de ces ASBL étrangères.

Aussi, le changement opéré par le constituant du 18 février concernant les compétences du Président de la République en matière administrative ne porte que sur le pouvoir réglementaire du Président de la République. Ce pouvoir relève désormais du Premier Ministre. Ceci voudrait simplement dire que la compétence d’exécuter les lois et de prendre des règlements autonomes reconnues jadis au Président de la République est attribuée au Premier Ministre.

Me ESHIMATA NGIMBI Kevin, Avocat et chercheur en droit public