RDC : Pour Jean-Pierre Okenda, les décisions administratives prises par l'ARECOMS obligeant notamment le paiement en avance de la redevance minière, dérogent aux dispositions légales et réglementaires

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Cobalt. Ph. Actualite.cd

Après la mise en place des mesures pratiques pour la reprise de l'exportation du cobalt congolais, la Sentinelle des ressources minérales, structure de la société civile oeuvrant dans le secteur des ressources naturelles, se dit préoccupée par ce qu'elle appelle le manque de transparence qui caractérise les critères de répartition des quotas par entreprise. Dans un communiqué de presse de ce jeudi, Jean-Pierre Okenda qui en est responsable, appelle le gouvernement à s’assurer de la régularité des mesures annoncées par l'Autorité de Régulation et de Contrôle des Marchés des Substances Minérales Stratégiques (ARECOMS) relatives à l’obtention, la répartition des quotas et les exportations du cobalt, et à prendre des mesures réglementaires conformes au code minier.

"La Sentinelle estime que la révision des dispositions du code minier et son règlement par un communiqué ou une décision administrative d’un établissement public pourrait constituer une usurpation des prérogatives, et une violation flagrante des dispositions du code et règlement minier. Elle appelle la Première Ministre et le Ministre National des Mines à prendre les mesures réglementaires durables conformément au prescrit du code minier”, lit-on dans la mise au point de cette structure. 

Aussi, cette ONG s’interroge sur l’essence et le fondement juridique de l’attribution d’un quota à ARECOMS, et appelle à la clarté des attributions de celle-ci ainsi qu’à l’adoption des règles précises et transparentes devant réglementer la gestion du quota stratégique attribué à ARECOMS.

Elle salue l’intervention salutaire d’ARECOMS dans le redressement des cours de cobalt sur les marchés, mais demeure préoccupée par le manque de transparence qui caractérise les critères de répartition des quotas par entreprise, le fondement juridique des compétences de l’ARECOMS à réglementer les exportations en vertu d’un communiqué. Elle note aussi l’attribution discrétionnaire et l’absence des règles précises de gestion du quota stratégique affecté à l’ARECOMS , et l’imprévisibilité des mesures adoptées et leurs impacts dans les chaînes d’approvisionnement ainsi que les investissements.

" L’attribution d’un quota stratégique affecté à l’ARECOMS et réservé aux projets d’importance nationale, et ce, sans en préciser ni les règles de gestion, ni les modalités de constitution et la contrepartie.L’introduction du système de prépaiement de la redevance minière et autres.La Sentinelle attire l’attention du gouvernement et de l’opinion nationale sur le fait que notre analyse combinée du code minier et de son règlement, du décret du 05 novembre 2019 portant création, organisation et fonctionnement de l’ARECOMS, tel que modifié et complété par le décret du 21 février 2025, suggère sans ambiguïté que l’élaboration de la politique de commercialisation, la réglementation des quotas et la détermination des modalités de paiement de la redevance minière du cobalt ne relèvent pas de la compétence de l’ARECOMS", explique t-on dans cette mise au point. 

Pour la Sentinelle de Jean-Pierre Okenda, ces matières relèvent des prérogatives exclusives de la Première Ministre et du Ministre des Mines selon le cas.

"Plus particulièrement, l’introduction du système de prépaiement des contributions à l’État (redevance minière) déroge aux dispositions du code minier en la matière.La Première Ministre et le Ministre des Mines n’ont pas pris un acte réglementaire exprès déléguant les prérogatives de réglementer la commercialisation des substances minérales stratégiques à l’ARECOMS. Certes, l’article 1 du décret modifié et complété de février 2025 donne à l’ARECOMS le mandat de prendre les mesures temporaires, y compris de suspension des exportations. Cependant, cette disposition stipule que « …À l'issue de toute mesure de régulation temporaire, I'ARECOMS établit un bilan détaillé de sa mise en œuvre et de ses effets qu'elle transmet au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, ainsi qu'au Ministre ayant les Mines dans ses attributions", poursuit cette ONG oeuvrant dans le secteur des ressources naturelles. 

De la mesure  portant fixation des conditions d’obtention, de répartition et d’exécution des quotas. 

"S’agissant de l’introduction du système de prépaiement, le dernier alinéa de l’article 240 du Code minier stipule que la vente des produits marchands tant à l’étranger qu’à l’intérieur du pays intervient lors de la sortie desdits produits du site d’extraction ou des installations de traitement pour expédition. En application de cette disposition, le règlement minier précise que « Le paiement de la redevance minière intervient au plus tard le cinquième jour du mois qui suit celui de la réception de la note de perception ou du titre de paiement. La Sentinelle constate que les décisions administratives prises par ARECOMS, notamment celles obligeant le paiement en avance de la redevance minière, dérogent aux dispositions légales et réglementaires. Pour la Sentinelle, toute révision des dispositions du code minier et son règlement par un communiqué ou une décision administrative d’un établissement public constitue une usurpation des prérogatives et une violation flagrante des dispositions du code et règlement minier".

Attribution de quotas à l'ARECOMS

Cette attribution discrétionnaire d'un quota à l'ARECOMS paraît suspecte aux yeux de Jean-Pierre Okenda. Il estime qu'elle ne précise pas les modalités ni les règles de gestion. 

"La Sentinelle est préoccupée par l’attribution discrétionnaire d’un quota stratégique affecté à l’ARECOMS et qui serait réservé aux projets d’importance nationale, et ce, sans en préciser ni les modalités de constitution ni les règles de gestion. La Sentinelle pense que cette énième attribution pourrait outrepasser les missions organiques d’ARECOMS, et appelle à la clarté des missions de celle-ci et à l’adoption des règles précises concernant la gestion du quota stratégique en question", précise t-on dans cette même mise au point.

La Sentinelle des ressources minérales considère, à travers ce communiqué, que les mesures annoncées par ARECOMS devraient être soumises aux autorités habilitées pour être coulées sous forme de mesures réglementaires conformément à la législation minière. 

"La Sentinelle estime que le septième tiret de l'article 6 du décret du 21 février 2025 suscité ne confère pas à ARECOMS les compétences de prendre des mesures réglementaires, et de surcroît, en violation du code minier et de son règlement.La Sentinelle redoute que l’application effective desdites mesures ne puisse constituer un précédent aux conséquences incalculables sur la stabilité du cadre juridique régissant le secteur minier, l’attrait des investissements ainsi que la fiabilité de la chaîne d’approvisionnement. Elle rappelle que toute violation du code minier érode la confiance des investisseurs au moment où le gouvernement s’emploie à attirer les investissements en vue de développer la chaîne de valeur locale des minéraux", poursuit l'ONG. 

                     Contexte

Dans sa dernière décision, l’ARECOMS avait annoncé la suspension de la mesure portant interdiction d'exportation de cobalt. Celle-ci  est remplacée par une politique de quotas. Pour la période allant du 16 octobre au 31 décembre 2025, un volume maximal de 18 125 tonnes pourra être exporté, soit 3 625 tonnes en octobre et 7 250 tonnes en novembre et décembre. Pour l’année 2026, un plafond de 96 600 tonnes est fixé, comprenant un quota de base de 87 000 tonnes réparti à raison de 7 250 tonnes par mois, et un quota stratégique de 9 600 tonnes réservé à l’ARECOMS. Les mêmes volumes s’appliqueront en 2027, sous réserve d’ajustements. Certaines entreprises seront exclues de ce système : celles ayant exporté moins de 100 tonnes en 2024 (à l’exception de l’Entreprise générale du cobalt, EGC), celles possédant une raffinerie sans exploitation de mine de cobalt au cours des cinq dernières années, et celles dont les gisements sont épuisés.

José Mukendi