"20$", c’est le nom d’une exposition collective qui bouscule les codes du marché de l’art congolais. Toutes les œuvres sont proposées au prix unique de 20$. Cette initiative interroge la vraie valeur de l’art, le pouvoir d’achat des Kinois et la nécessité de construire un véritable marché intérieur.
Organisé par Mission Impossible Studio, en collaboration avec la galerie Malabo, cette exposition court jusqu’au 21 décembre. Elle se tient dans les locaux de la galerie éponyme, située sur l’avenue Luvua, dans la commune de Kinshasa.
Lors du vernissage du dimanche 7 décembre, Syntiche Mbembo, représentant de Mission Impossible Studio, a expliqué que l’exposition "20$" s’inscrit dans une volonté claire de démocratiser l’accès à l’art.
« L’idée était de proposer chaque œuvre ou objet à seulement 20 dollars américains. Pourquoi ce prix ? Parce qu’au fil de nos expériences, nous avons constaté que, dans l’imaginaire collectif congolais, l’art est perçu comme un luxe, presque sacré », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Beaucoup pensent que les œuvres coûtent trop cher. Nous voulions casser cette barrière »
Le concept est né d’une bien triste réalité : « Lors de précédents projets, les visiteurs venaient, admiraient les œuvres, mais dès qu’on annonçait le prix, ils s’étonnaient, certains prenaient même la fuite », confie Syntiche Mbembo.

Dans un pays où l’art est souvent considéré comme un luxe réservé à une élite, cette exposition entend renverser la tendance. L’objectif, en plus de briser la barrière du coût, est aussi de permettre au plus grand nombre d’acquérir des œuvres originales, conçues par des artistes congolais dont le talent n’est plus à démontrer.
Cette exposition vise à marier deux réalités souvent antagonistes : valoriser le travail des artistes tout en respectant le pouvoir d’achat des Kinois.
« On veut créer un pont entre l’œuvre et le public, entre le rêve de l’artiste et la réalité des Kinois (..). Cette démarche va également faciliter la circulation des œuvres, encourager la naissance d’un marché intérieur, rompre avec l’idée que la culture est toujours destinée à l’extérieur ou à ceux qui peuvent se le permettre », explique Mugisho Bashomba, curateur de l’exposition.
L’initiative cherche donc un juste milieu : permettre aux artistes de continuer à créer, tout en rapprochant leurs œuvres du public local. Cette démarche est inspirée de pratiques internationales, où les artistes développent, en parallèle de leurs œuvres de grande valeur, des objets de design ou des éditions limitées pour assurer leur subsistance.

Cette formule représente également une opportunité précieuse de rapprocher les artistes de leur du public.
Loin de l’idée qu’un art moins cher serait un art piètre, les artistes congolais prenant part à cette expérience comptent parmi les plus talentueux de leur génération, habitués aux grandes expositions internationales. Pour cet acte 2, les univers singuliers du peintre Douglas Mbemba, du céramiste et sculpteur (bronzier) Alphonse Nganga, du peintre Rolook Lukau, du designer Brunelle Mambu et du céramiste Syntyche Mbembo se croisent.
Chacun propose une approche singulière de l’esthétique contemporaine congolaise, entre abstraction, références traditionnelles, figuration expressive et usage de matériaux locaux. Leurs œuvres, habituellement vendues à des prix plus élevés, seront exceptionnellement accessibles, offrant ainsi au public une opportunité unique d’acquérir des pièces originales à coût réduit.
Peintures, céramiques, objets de design, rideaux ou sacs : chaque pièce portant un bouton rouge signale une œuvre déjà acquise, font savoir les organisateurs. Certaines pièces appartenant à la Galerie Malabo — notamment un miroir et des statuettes en bois — ne sont toutefois pas mises en vente.
James Mutuba