L’auteur congolais Rufus Mata Baluvuidi publie « MILELO ; la femme du célibataire », un roman qui explore les réalités conjugales et familiales à travers le regard d’une femme confrontée à la solitude dans le mariage. À mi-chemin entre fiction et observation sociale, l’ouvrage interroge la responsabilité parentale, la résilience féminine et le rôle de l’homme dans le foyer.
Dans cet entretien accordé à ACTUALITE.CD, l’écrivain revient sur les motivations qui ont inspiré ce récit et sur les messages qu’il souhaite transmettre à travers son œuvre.
Pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?
Rufus Mata Baluvuidi : Je suis écrivain et éditeur, responsable des Éditions Livres Inspirés. Natif de Kinshasa, j’ai débuté ma carrière littéraire en 2022 avec « J’ai échoué », un essai narratif sur l’orientation scolaire et professionnelle.
Je suis né dans une société où les cris se cachent derrière les sourires et où la douleur se transmet parfois comme un héritage. Écrivain et observateur du réel, je crois profondément que les mots peuvent réparer ce que les systèmes ont brisé.
En parallèle, j’anime des ateliers d’écriture, je donne des conférences et je coordonne la LCMOSP (Lutte contre la Mauvaise Orientation Scolaire et Professionnelle), tout en étant formateur au sein de U-Report Mont-Ngafula.
Qu’est-ce qui a inspiré “MILELO ; La femme du célibataire” ?
Rufus Mata Baluvuidi : MILELO est né d’un trop-plein. Trop de femmes qui pleurent en silence, trop d’enfants grandissant dans le chaos affectif, trop de familles qui explosent sans bruit. Ce n’est pas une histoire inventée, c’est une vérité déguisée en fiction.
J’ai rencontré des parents divorcés, des enfants de foyers brisés, des couples au bord de la rupture. Ce roman est donc le fruit d’une écoute attentive et d’un regard lucide sur les blessures familiales.
Que dénonce le titre “La femme du célibataire” ?
Rufus Mata Baluvuidi : Ce titre est une ironie cruelle. Il parle de ces femmes mariées mais seules, de ces unions où l’homme est présent par le nom mais absent par le cœur.
L’homme est “célibataire” lorsqu’il ne vit pas comme un époux : quand il ignore sa famille, ne protège ni ne construit. Ce roman dénonce cette posture masculine irresponsable qui fait de la femme une épouse sans époux.
Selon vous, beaucoup de femmes congolaises ou africaines se reconnaissent-elles en Laura, l'actrice principale du récit ?
Rufus Mata Baluvuidi : Oui, malheureusement. Laura incarne des milliers de femmes prisonnières d’un amour unilatéral, élevant seules leurs enfants dans la peur et l’espérance.
Était-ce une volonté d’interpeller les consciences masculines ?
Rufus Mata Baluvuidi : Absolument. Ce roman s’adresse aussi aux hommes. Pas pour les accuser, mais pour les réveiller. L’amour, ce n’est pas une promesse, c’est une présence. Le mariage, ce n’est pas un statut, c’est une responsabilité.
Est-ce aussi un rappel de la responsabilité parentale ?
Rufus Mata Baluvuidi : Oui. Les enfants absorbent les cris et les silences des adultes. Ils sont les premières victimes des conflits familiaux. MILELO est un appel à la conscience parentale.
Quelle place occupe la résilience féminine dans votre écriture ?
Rufus Mata Baluvuidi : Même brisées, les femmes se relèvent. Elles portent la vie, reconstruisent avec des ruines. Cette force, je voulais la mettre à l’honneur sans l’idéaliser.
Pensez-vous que la littérature puisse changer les mentalités ?
Rufus Mata Baluvuidi : Oui. La littérature ne crie pas, mais elle marque. Elle peut ouvrir les yeux, toucher les cœurs et, parfois, changer les lois. MILELO est ma manière de participer à une guérison sociale.
À qui s’adresse le message du roman ?
Rufus Mata Baluvuidi : À tous. À l’État, pour mieux protéger. À la famille, pour aimer davantage. À la société, pour écouter enfin. Anne, la fille survivante, symbolise ce que nous perdons quand nous fermons les yeux.
Votre roman est une Œuvre de dénonciation ou de guérison ?
Rufus Mata Baluvuidi : Les deux. MILELO dénonce ce qui fait mal, mais tend aussi la main vers ce qui peut guérir. C’est une œuvre qui pleure, mais qui espère.
Que souhaitez-vous que les lecteurs retiennent ?
Rufus Mata Baluvuidi : Que derrière chaque sourire peut se cacher une larme. Que chaque femme forte a un passé. Et que chaque enfant silencieux porte un cri. Je veux qu’ils referment ce livre avec une question : Et moi, qu’est-ce que je fais pour que ça change ?
Quel est votre message aux femmes victimes de violences ?
Rufus Mata Baluvuidi : Vous n’êtes pas seules. Votre douleur est légitime. Dénoncez quand il le faut et protégez-vous. Apprenez à vous faire respecter, car votre vie a de la valeur.
Propos recueillis par Nancy Tshimueneka