L’humoriste Ken Guelord sur son spectacle "Après l’indépendance" : « l’humoriste vit dans la société et joue ce qu’il vit »

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L’humoriste Ken Guelord

Dimanche 13 juillet 2025. Chapiteau le rubis. "Après l’indépendance". C’est sur thème que l’humoriste Ken Guelord a convié son public pour rire en particulier sur un thème plus social centré sur la RDC. Deux semaines après la célébration du 65ème anniversaire de l’indépendance de la RDC, l’art de faire rire en public s’est invité à la fête avec d’autres humoristes qui ont accompagné l’hôte du jour.

La soirée à été colorée de rire aux éclats. Source Chem Chem, Deo Junior, Hkerlyno, Jacques Kampoy et Serge Nosso ont également presté, histoire d’égayer le public. Un autre humoriste de renom, Benji4, a assuré la modération appelant les artistes du soir à monter sur scène, de manière très comique.

Le rire est social

Il est 20h10 quand Ken Guelord monte sur la scène du chapiteau le Rubis, proche de l’école sacré cœur, à Gombe, à Kinshasa. Imposant jusqu’à demander les applaudissements de son audience quand il ne les sentait pas au niveau, Ken Guelord aime le chaud et ne le cache pas. Vêtu d’un costume noir, il monte tout sourire, aussi bien assuré de ses vannes que dans ses habitudes devant le public. Les premiers rires n’ont pas tardé, mélangeant son énergie et le registre dans lequel on le connaît.

Originaire de Mbuji-Mayi, dans la province du Kasaï, au centre de la RDC, Ken n’a pas manqué de raconter en rire ses origines. Avec une touche d’humour, il fait une autodérision sur ce qu’il a fait comme travail à son arrivée à Kinshasa tels que conducteur de moto, tenancier d’une cabine, musicien, etc. Le rapport avec le chien ou l’orgueil qu’on reproche aux ressortissants de la tribu Luba sont ses blagues fétiches. Mais il ne pense pas que c’est faire un mauvaise publicité des siens.

« L’humoriste vit et joue ce qu’il vit, sur les lubas, je ne pense pas que c’est des blagues noires, par contre ce ne sont que des expériences très liées aux gens de cette tribu dont je fais partie. Quand j’irai vivre en Europe, je ferai des blagues sur l’Europe. J’ai du mal à porter ce que je ne vis pas, il n’y aura pas d’âme. Il y a de l’âme dans mes sketchs sur l’école, les lubas, l’université, etc. parce que j’ai vécu ça », a confié Ken Guelord à ACTUALITÉ.CD après le spectacle.

Très ancré dans la société dans laquelle il vit, Ken estime que c’est lié à lui et c’est facile de raconter. Certaines choses sont même vraies et ne se cache pas pour que "ils mangent le chien, ils sont beaux et c’est une évidence".

C’est de cette manière qu’il traduit ses expériences d’après indépendance de la RDC.

« Après l’indépendance parce que ça nous a enchanté de rire de notre histoire au lieu de raconter des anecdotes qui n’existent pas. Je me suis dit de puiser dans l’histoire de la RDC depuis 1960 et de notre manière, nous allons en rire », précise l’humoriste.

L’exode rural, un fléau

Un des sujets sur lesquels Ken Guelord s’est attelé est l’exode rural qu’il a fait lui-même de Mbuji-Mayi à Kinshasa. Il explique comment ce fait est perçu en province comme un fait pouvant rendre la famille heureuse non sans que celui qui y va ait un boulot ou gagne véritablement la vie.

« Ils pensent que j’ai gagné, ici je me suis rendu compte que c’est la vie qui m’a gagné », dit Ken Guelord avec humour sur scène.

L'exode rural est caractérisé par une diminution de la population dans les campagnes et une augmentation corrélative de celle qui réside dans les centres urbains, notamment les grandes villes. En RDC, cela se constate notamment des provinces à la ville de Kinshasa qui avoisine les 20 millions d’habitants actuellement.

« C’est pas avec seulement de la joie que je partage l’expérience de quitter la province pour venir à Kinshasa. J’en parle avec coeur pour dire au-delà de tout qu’à partir de chez nous là-bas, on peut être heureux. On nous a vendu du rêve mais ce n’est pas toujours ce qui arrive. Aujourd’hui, je ne pense pas retourner mais aller dans d’autres provinces et au-delà de la RDC », ajoute Ken Guelord.

A lui de conseiller à ceux qui pensent trouver le bonheur une fois dans la capitale.

« Dans la vie, il est question de vision, il y a eu beaucoup d’illusions sur le fait de venir à Kinshasa. C’est faux. On peut être meilleur chez soi. Chez nous. S’il n’y a pas une vision clair qui t’emmène à Kinshasa, ne viens pas ».

L’après "après l’indépendance"

Globalement l’artiste s’est dit satisfait de son spectacle et vise plus loin que cet espace.

« C’est parti au-delà du succès, de la réussite, des attentes comme on pouvait le penser. On était pas ici avant ce soir, on a visé loin, on est arrivé là. A partir de ce soir, on va viser très loin, à partir de très loin, on va viser très très loin. La vie c’est ces étapes là », conclut Ken Guelord.

Ken Guelord, de son vrai nom Ngeleka Kalambayi Ken, est un humoriste et acteur congolais né à Mbuji-Mayi. Il commence sa carrière professionnelle en 2017 et se fait connaître fin 2018 grâce à un style unique mêlant humour, foi chrétienne et réflexions sociales. Inspiré notamment par Benji 4 et Gad Elmaleh, il utilise souvent des références bibliques et des scènes du quotidien pour transmettre des messages de paix, d’unité et de cohésion sociale.

Il se distingue aussi par son engagement pour la reconnaissance artistique et la lutte contre le plagiat, n’hésitant pas à dénoncer ceux qui reprennent ses sketchs sans autorisation. Il a notamment marqué le public avec son spectacle “Ken Guelord en écriture” en novembre 2024 et “Le Spectacle de l’Unité” en avril 2025 à Kinshasa. À travers ses prestations, il transforme la scène en espace de sensibilisation, mêlant rire et conscience, et gagne une notoriété croissante au sein de la scène humoristique congolaise.

Kuzamba Mbuangu