Accord Kinshasa-Kigali : Pour Amnesty International, l'engagement signé ne répond pas aux crimes graves commis dans l’est de la RDC

Les rebelles du M23 à Goma
Les rebelles du M23 à Goma

Au lendemain de la signature de l'accord entre la RDC et le Rwanda, des voix se lèvent de plus en plus. Pour sa part, l'ONG Amnesty International évoque le fait que cet accord ne prévoit aucune mesure pour rendre justice aux victimes de l'Est du pays, en n’incluant pas de dispositions visant à traduire en justice les responsables de ces actes.

« En ne s’attaquant pas à l’impunité pour les crimes horribles commis dans l’est de la RDC, cet accord a manqué l’occasion de s’attaquer de manière décisive à un moteur ancien du conflit », a déclaré ce mardi Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

« Lorsqu’aucune enquête ni sanction n’est menée contre les auteurs de violations des droits humains, cela alimente un cycle sans fin d’exactions, dont les civils font les frais. Cela doit cesser si l’on veut assurer une sécurité durable», poursuit Amnesty International. 

Depuis la signature de l’accord à Washington le 27 juin, Amnesty International dit avoir reçu des rapports crédibles faisant état de nouveaux affrontements entre les groupes armés du M23, soutenu par le Rwanda, et les Wazalendo – dont plusieurs factions bénéficient du soutien de l’armée congolaise – dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ces affrontements ont entraîné la mort de civils. Le M23 continue également d’enlever de jeunes hommes, emmenés vers des lieux inconnus, rapporte Amnesty International. 

Le M23, qui mène des négociations séparées avec le gouvernement congolais dans un processus de médiation piloté par le Qatar, a déclaré avoir « pris note » de l’accord de paix facilité par les États-Unis le 30 juin, mais a affirmé récemment ne pas se sentir concerné par celui-ci. 

Amnesty international pense que le Rwanda et la RDC doivent de toute urgence faire pression sur les groupes M23 et Wazalendo pour qu’ils placent la protection des civils au cœur de leurs priorités.

« Les habitants de l’est du Congo ont vu leurs espoirs de justice et de sécurité régulièrement déçus par la signature, puis l’échec, de nombreux accords de paix au cours des 25 dernières années. La RDC et le Rwanda doivent aux populations de l’Est – qui continuent de subir d’immenses souffrances aux mains du M23 et des Wazalendo – d’user de leur influence sur ces groupes armés qu’ils soutiennent ou avec lesquels ils collaborent, afin d’assurer la protection des civils et le respect du droit international humanitaire », a ajouté Agnès Callamard.

Pour le contexte, la situation des droits humains dans l’est de la RDC s’est fortement dégradée depuis l’entrée des combattants du M23, soutenus par le Rwanda, en novembre 2021. Ces derniers ont pris le contrôle de vastes zones dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Le Groupe d’experts des Nations Unies et Human Rights Watch ont documenté le soutien apporté par le Rwanda au M23, dernier en date d’une série de groupes armés opérant en RDC avec l’appui de Kigali depuis la fin des années 1990. Le 27 janvier 2025, le M23 a affirmé avoir pris Goma, après que les habitants et personnes déplacées ont fui vers d’autres régions de la RDC ou vers les pays voisins. Le 16 février, le M23 s’est emparé de Bukavu, un carrefour commercial majeur et capitale du Sud-Kivu.

L’ONU a confirmé des cas d’exécutions sommaires et reçu des signalements d’arrestations et détentions.

José Mukendi