Fleuronisation du portefeuille congolais comme solution pour relever les entreprises publiques

Port public de Kinshasa
Port public de Kinshasa

La situation financière des entreprises du portefeuille de l’Etat et des entreprises publiques de la RDC constitue beaucoup de défis pour le développement du pays. Selon le document 8 de la  loi des finances exercice 2025, encore sous  examen au parlement, notamment au sénat, plusieurs entreprises du portefeuille de l’Etat et publiques sont soit en situation relativement saine, soit en grande difficulté, soit en faillite non déclarée. 

Pour remédier à cette situation, Seraphin Bukasa FIPA, Entrepreneur et Vice-président du Conseil d’administration du Centre de Règlement Amiable des Différends (CRAD), basé à Lubumbashi, deuxième ville du pays, et Dadou Moano, représentant Pays du Débat Africain de l’Intelligence Économique pour la RDC  et le Congo Brazzaville, ont partagé leur expérience avec ACTUALITE.CD sur la solution pour relever les entreprises du portefeuille pour le développement du pays. 

Selon eux, la fleuronisation du portefeuille de l’Etat reste la solution pour relever les entreprises publiques. « La fleuronisation, dans le cadre d’un portefeuille d’entreprises publiques, désigne la transformation d’entreprises d’État en entreprises économiques rentables et concurrentielles à l’international. Soit faire de ces entreprises des « fleurons » nationaux, des champions de l’industrie qui peuvent briller au-delà de leurs frontières », expliquent-ils. 

La situation générale des entreprises du portefeuille congolais

D’après ce document 8  de la loi des finances, qui parle des risques pouvant empêcher l’exécution du budget,  consulté par ACTUALITE.CD, les entreprises telles que  COBIL, SOCOF, SOFIDE et SONAL, sont considérées « relativement saines », parce qu’elles  maintiennent  des équilibres financiers fondamentaux.

Cependant, la plupart des autres, notamment CONGO AIRWAYS, Gécamines, REGIDESO, SNEL, RVA et SONAS etc., sont en grande difficulté. Ces entreprises souffrent d'un fonds de roulement négatif et d'une liquidité en deçà des seuils acceptables, entraînant une rentabilité faible, voire négative.

Encore plus préoccupantes, certaines entreprises comme la MIBA, la  CADECO,  les LMC et la SOKIMO, etc.,   sont en état de faillite non déclarée. Leurs capitaux propres, tombés en dessous des 50 % requis par l'OHADA, témoignent d'une absence d'activité et d'une gestion déficiente.

L’origine du mal

Pour leur part, Séraphin Bukasa et Dadou Moano identifient le mal depuis l’époque précoloniale. Ils soutiennent que l’actuelle RDC, colonie personnelle de Léopold II, était immense et nécessitait des capitaux pour sa gestion. En 1886, le roi a créé la Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie (CCCI) afin de développer le territoire, notamment par la construction de chemins de fer. Faute de moyens, il a instauré des sociétés à charte, inspirées des seigneurs de guerre féodaux, pour exploiter et valoriser les ressources du Kongo tout en percevant des redevances. 

En 1908, le Congo est devenu une colonie belge, avec une industrialisation pilotée par des capitaux privés. Cette dynamique a été affectée par des crises économiques et les deux guerres mondiales, mais a connu des relances, notamment pendant la guerre de Corée. Le secteur privé s'est développé, les institutions financières se sont établies, et le pouvoir d'achat des Congolais a augmenté, menant à une prospérité relative jusqu'à l'indépendance en 1960.

En juin 1960, une loi belge permet aux entreprises coloniales de choisir entre la nationalité belge ou congolaise, en réponse à l'indépendance imminente du Congo. Beaucoup optent pour la nationalité belge, transformant leurs entreprises en filiales pour échapper au contrôle de l'État nouvellement indépendant. Cette manœuvre suscite frustration et sentiment que l'indépendance économique n'a jamais eu lieu. Suite à cela, le gouvernement belge dissout des entités clés, entraînant une perte significative des bénéfices et des droits de vote pour le Congo.

La  Zaïrianisation enfonce le clou

Ces deux auteurs soutiennent qu’après avoir maîtrisé les conflits internes, Mobutu décrète la nationalisation des biens des entreprises étrangères, notamment belges, en réponse à une perception d'appropriation illégitime.  Cet acte est connu sous le nom de  Zaïrianisation. Cette expropriation mal gérée entraîne une perte de confiance des investisseurs et la fermeture de nombreuses entreprises, poussant le marché informel à prospérer. Les dignitaires du régime prennent le contrôle des sociétés, mais avec une gestion inefficace. L'économie s'effondre, avec une récession atteignant 60% et une chute continue de la production minière, menant à une dépression économique qui perdure pendant les trente ans de son règne. Les critiques évoquent des problèmes de mauvaise gestion et de détournement de fonds.

Pas de solution sous les règnes Kabila

En 2001, Joseph Kabila devient président de la république, après l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila. Selon Séraphin Bukasa et Dadou Moano, le fils fait rupture avec la politique communiste du père et prend adopte une politique capitaliste, marquée par la libéralisation du secteur minier. Pendant près de quarante ans, ce secteur était sous le contrôle de l'État via la Générale des Carrières et des Mines (Gécamines). Face à une baisse de production, la Gécamines  commence à céder des concessions à des investisseurs privés, générant d'importants revenus grâce aux « pas-de-porte » et aux redevances minières. Cette transition met en lumière les défis et opportunités liés à la transformation des entreprises d'État en sociétés commerciales face à la libéralisation

Face à tous ces problèmes, Séraphin Bukasa et Dadou Moano estiment que « depuis plusieurs décennies les entreprises congolaises n’ont pas réussi à sortir des frontières congolaises, elles ont moins réussi à opérer une scalabilité. La fleuronisation, dans le cadre d’un portefeuille d’entreprises publiques, désigne la transformation d’entreprises d’État en entreprises économiques rentables et concurrentielles à l’international. Soit faire de ces entreprises des « fleurons » nationaux, des champions de l’industrie qui peuvent briller au-delà de leurs frontières »

Pourquoi la fleuronisation pour les entreprises congolaises ?

Comme indiqué précédemment, les auteurs préconisent la fleuronisation qui, selon eux, a plusieurs avantages, entre autres, le renforcement de la souveraineté économique. « En créant des entreprises nationales puissantes, la RDC réduit sa dépendance économique vis-à-vis de partenaires extérieurs et augmente son pouvoir de négociation », soutiennent-ils.  

La fleuronisation va également permettre la dynamisation de la croissance économique. « Des entreprises performantes sont génératrices d’emplois, de perceptions fiscales et d’investissements », indiquent-ils. L’autre avantage, c’est que la fleuronisation  va permettre la modernisation de l’appareil productif, parce qu’elle suppose une modernisation de l’outil de production, de la gestion et de l’adoption de technologies modernes.

Selon eux, la stratégie de fleuronnement des entreprises publiques en RDC repose sur plusieurs éléments clés : identifier des secteurs porteurs, établir une gouvernance efficace, renforcer la privatisation partielle, et créer des partenariats stratégiques. L'État joue un rôle essentiel en facilitant un environnement favorable aux affaires, en soutenant les entreprises stratégiques, en développant les infrastructures et en favorisant l'innovation. Ce projet ambitieux vise à transformer les entreprises publiques en moteurs de croissance et de développement pour le pays.

Bruno Nsaka