RDC : risques et défis de la mise en application du contrat chinois renégocié entre le Gouvernement et le GEC 

Photo d'illustration
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Le nouvel Avenant (Avenant n°5), signé le 14 mars 2024 entre le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et le Groupement des entreprises chinoises (GEC) sur l’exploitation minière par la Sino-congolaise des mines (Sicomines), contre l’échange en infrastructures, continue à faire parler. 

Depuis l’accession du président Félix Tshisekedi à la magistrature suprême en 2019,  la bataille autour de l’exploitation des minerais en RDC est à la base d’une nouvelle guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.

En visite à Kinshasa en août 2022, Antony Blinken,  secrétaire d’Etat américain, avait  inscrit dans son agenda l’affaire de la révision de plusieurs contrats miniers dont bénéficiaient principalement les entreprises chinoises en RDC. Un peu plus tard dans un communiqué,  les Etats-Unis avaient salué « la décision du gouvernement de la RDC de revoir les contrats miniers et une plus grande responsabilisation dans le secteur », estimant que le secteur minier congolais n’était pas du tout transparent du point de vue fiscal, des droits de travail, du  respect des normes environnementales, sociales et de bonne gouvernance. Dans un rapport, Global Witness, une ONG de lutte contre les pillages des ressources naturelles, avait alerté sur l’opacité du contrat et une définition inadéquate de ses principales modalités.

En 2023, l’Inspection générale des finances (IGF) dénonçait un déséquilibre dans ce contrat signé depuis 2008, qui était beaucoup plus à l’avantage de la partie chinoise.  Jules Alingete, inspecteur général des finances chef de service indiquait que la partie chinoise avait déjà bénéficié d’un gain évalué à près de 10 milliards de dollars américains, tandis que la partie congolaise n’avait  bénéficié que de 822 millions de dollars en termes d’infrastructures. 

Renégocié en début de l’année, le nouvel Avenant ne semble pas toutefois avoir apporté la solution au problème du déséquilibre des avantages entre parties prenantes, selon plusieurs experts. Par ailleurs, ce contrat renégocié est confronté à plusieurs défis pour sa mise en application.

Contrainte liée au prix des matières premières

Selon ce nouvel Avenant, les deux parties ont convenu de « réaliser un investissement annuel pour les infrastructures de 324 millions de dollars américains de 2024 à 2040 (incluses), à condition que le prix du cuivre soit égal ou supérieur à 8000 dollars américains la tonne. Selon plusieurs observateurs, c’est un piège dans lequel la partie congolaise est tombée. Selon eux, l’absence de la RDC dans des forums mondiaux où l’on débat du prix des métaux joue beaucoup dans sa fragilisation et le déséquilibre auxquels elle est confrontée dans ce contrat renégocié. Dans le cadre budgétaire à moyen terme 2024-2026, cette contrainte est définie comme étant un risque budgétaire et est susceptible de ralentir l’exécution de la liste de quelque 1500 km de routes convenue entre les deux parties. 

Toutefois, ce nouvel Avenant prévoit une augmentation de 30% des bénéfices additionnels, consacrés au financement des infrastructures, au cas où le prix du cuivre augmenterait d’au moins 50%. Puis, s’il arrivait que le prix du cuivre par tonne baisse jusqu’en dessous de 7000 USD, les deux parties se réunissent pour déterminer le montant annuel des infrastructures. 

Encore des exonérations grotesques et des craintes

L’alinéa 10 de l’article premier  de l’Avenant n°5 stipule que  « le projet sino-congolais bénéficie de l’exonération totale de tous les impôts, droits, taxes, douanes,  redevances, directs ou indirects, jusqu’à fin 2040 ». Cette disposition serait au désavantage de la partie congolaise, selon les experts. « Ces exonérations vont à l’encontre de l’esprit du code minier congolais, étant donné que  son  régime fiscal et douanier est dominé par le principe de la non-exonération », affirment-ils. D’aucuns estiment par ailleurs qu’il aurait été mieux pour la partie congolaise  d’appliquer le principe de rabattement, qui consiste à réduire sensiblement le coût des impôts et autres,  selon l’esprit du code minier congolais.  Pourtant, Jules Alingete, en informel,  estimait que, les négociations avaient notamment pour socle, le code et le règlement miniers du pays. 

Avant ce nouvel accord, en février 2023, une polémique avait éclaté entre Nicolas Kazadi, ministre sortant des finances et la Sicomines, autour de la taxe dite « superprofit », non concernée par les exonérations. « La  Sicomines ne veut pas payer les 200 millions USD qu'on lui réclame au titre de superprofit, ne faisant  pas partie des impôts exonérés au titre de la convention », a-t-il souligné lors d’un briefing hebdomadaire, organisé conjointement avec Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement congolais. 

Même si la partie congolaise se dit optimiste, des inquiétudes demeurent autour de  l’épuisement des minerais. Ainsi, la capacité de la partie chinoise d’atteindre 5.5 milliards USD dont l’Etat congolais doit réellement bénéficier serait réduite.  Les techniques d’exploitation de la Sicomines pourraient entraîner l'épuisement des minerais dans moins de 10 ans, avec comme conséquence probable de sollicitation des gisements additionnels pour mener à terme le processus de financement des infrastructures. 

Risque d’une budgétisation aléatoire  

Même si la liste des infrastructures négociées dans le cadre de l'avenant 5 n’est pas publiée officiellement, les premiers détails fournis par l’Agence congolaise des grands travaux (ACGT) suscitent des interrogations de l’opinion publique. En toile de fond, la question des études de base sur lesquelles devraient se focaliser l'exécution des différents travaux d’infrastructures. D’après une source du ministère des travaux publics et infrastructures, 80% des tronçons routiers sélectionnés ne disposeraient pas des études de faisabilité.  On se souvient que cette situation a été à la base des nombreux projets préfinancés et surfacturés lors de l’exécution des projets négociés en 2008. Le rapport d’audit de l’Inspection générale des finances publié en février 2023 revient largement sur les faits. 

Ce contrat, signé  en début de l’année 2024, prévoit  un investissement de 7 milliards USD sur 17 ans, y compris le  1,5 milliard USD déjà empruntés. Pour l’année 2024, le décaissement va atteindre 624 millions USD,  et 1 milliard USD en 2025. Outre la construction des infrastructures principalement routière prévue dans le cadre de ce nouvel Avenant, l’on note également le réajustement dans la répartition des parts au sein de Sicohydro, l'entité exploitant la centrale hydroélectrique de Busanga. Avant, la partie chinoise détenait 75% des parts contre 10% de participation de l’Etat congolais, tandis que 15% étaient alloués à un consortium privé.  Grâce à ce nouvel Avenant, la part de l'État congolais augmente significativement pour atteindre 40%.

Bruno Nsaka