RDC-Rwanda : Thomas Luhaka regrette le « bradage » de la résolution de l’ONU dans l’accord de paix de Washington

ACTUALITE.CD

Dans une lettre ouverte publiée hier vendredi, l’ancien ministre congolais Thomas Luhaka Losendjola exprime ses « préoccupations » sur l’accord de paix signé à Washington le 27 juin entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Il accuse le gouvernement congolais d’avoir renoncé aux acquis de la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui exigeait le retrait immédiat et inconditionnel des troupes rwandaises du territoire congolais.

« Quelle n’a pas été ma désagréable surprise de découvrir qu’au lieu d’obtenir l’application de la résolution 2773, vous êtes allé engager la République […] dans un Accord qui conditionne maintenant le retrait des Forces de Défense Rwandaise à la lutte et à la neutralisation des FDLR par la RDC », écrit Luhaka dans ce courrier adressé à la ministre d’État congolaise des Affaires étrangères.

Une remise en cause du fondement diplomatique

Adoptée le 21 février 2025, la résolution 2773 exigeait « que la Force de Défense rwandaise cesse de soutenir le M23 et se retire immédiatement du territoire de la RDC, sans conditions préalables ». Thomas Luhaka considère que cette avancée diplomatique majeure a été compromise par l’accord signé à Washington : « Le retrait des troupes rwandaises n’est plus impératif […] mais devient conditionnel », insiste-t-il.

Il cite une formulation du texte de l’accord : « Les parties s’engagent à faire progresser la mise en œuvre de la résolution 2773 (2025) du Conseil de Sécurité des Nations-Unies », qu’il considère comme « vague », estimant que « cet Accord ne vise plus l’application pure et simple de la résolution 2773, mais se contente de déclarations générales ».

Intégration du plan de Luanda critiquée

L’accord de Washington reprend le « Plan harmonisé de Luanda », adopté le 31 octobre 2024. Ce document prévoit une coordination entre la neutralisation des FDLR par les FARDC et le désengagement progressif des troupes rwandaises en quatre phases. Luhaka cite le point 8 du plan : « Les FARDC doivent neutraliser les FDLR tandis que les RDF (l’armée rwandaise) doivent désengager les Forces / Levée des mesures défensives du Rwanda ».

Il s’interroge :

  • « Avez-vous conscience que les FDLR sont une nébuleuse ? »
  • « Pourquoi avoir accepté ce plan harmonisé qui vient annuler tous les avantages de la résolution 2773 ? »
  • « Dois-je comprendre que tant que les FARDC n’auront pas neutralisé les FDLR, les troupes rwandaises resteront sur le sol congolais ? »

Une possible légitimation de la thèse rwandaise

Autre source d’inquiétude : l’inclusion dans l’accord du principe d’une « fin irréversible et vérifiable du soutien de l’État aux FDLR et aux groupes armés associés ». Luhaka estime que cette clause revient à « légitimer la thèse rwandaise » selon laquelle la RDC aurait soutenu les FDLR. Il s’étonne : « En adoptant ce principe, la RDC ne vient-elle pas de reconnaître qu’elle soutenait les FDLR ? »

L’ambiguïté de l’engagement des garants

Enfin, il pointe le manque d’obligation juridique pour les États garants de l’accord, notamment les États-Unis et le Qatar. L’article 7.III du texte stipule : « Le présent Accord ne crée aucune obligation pour les États non Parties siégeant au Comité de surveillance conjointe. »

Le Comité en question regroupe cinq membres : la RDC, le Rwanda, l’Union africaine (facilitateur), le Qatar et les États-Unis. Luhaka demande : « Comme parrains de l’accord, n’ont-ils même pas une obligation morale de veiller à l’application de bonne foi de l’accord par la RDC et le Rwanda ? »

Trois conséquences principales selon Luhaka

En conclusion, l’ancien ministre résume les effets de l’accord de Washington en trois points :

  1. Il constitue « un recul par rapport à la résolution 2773 du Conseil de sécurité ».
  2. Il « rend complexe le retrait des troupes rwandaises ».
  3. Il « valide la thèse rwandaise du soutien du gouvernement congolais aux FDLR ».

Tout en affirmant garder de l’estime pour la ministre congolaise des Affaires étrangères, il conclut : « J’espère que vos réponses vont me démontrer le contraire ».

C’est une des premières critiques aussi détaillées adressées au gouvernement congolais depuis la signature de l’accord de Washington. Ce texte avait été salué comme « historique » par les autorités de Kinshasa et les partenaires internationaux, notamment les États-Unis et le Qatar.